Construire des dynamiques de prise de pouvoir : Des bouts pour prendre en main la situation

Publié le 20 juin 2011 par Wilnton @pam_wilnton

Lorsque j’ai lancé cette série, j’en ai un peu discuté avec des amis africains à divers endroits : aux Etats Unis, en Allemagne, au Cameroun, et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. La principale référence à laquelle leur faisait penser le titre de cette série était : Coup d’Etat ou autre chose ?

Oui, je sais que les services secrets aiment bien ce genre de mots pour bondir qur les citoyens et les démontrer combien ils sont aussi efficaces que la CIA alors que sous leur nez, quelques petits bandits réussissent à dévaliser de grosses banques sans qu’ils n’y comprennent rien. Mais je pense que ceux qui posent la problématique d’un changement de pouvoir par coup d’Etat dans une démarche de reprise par le peuple, posent mal le problème.

Primo : L’objectif

Ce qui est important avant toute chose, c’est que le pouvoir soit pris. Toutes les pistes de solutions doivent être envisagées…les plus radicales dans les situations exceptionnelles.

Cette concentration vers l’objectif doit cependant primer sur la méthode. Parce que le corps social est ondoyant et le contexte est toujours divers. En Côte d’Ivoire, on a par exemple adoubé une rebellion malgré ses exactions et 10 ans plus tard, cette rebellion a fait chuter Laurent Gbagbo. En RDC par contre, et à peu près avec les mêmes faits, Laurent Nkunda est passé en jugement. Les intérêts et circonstances font que les voies non légales sont tantôt bonnes, tantôt mauvaises.

Ce qu’il appartient aux acteurs du changement de pouvoir de faire, c’est d’être prêt pour toutes sortes d’opportunités, en commençant par les plus basiques, c’est à dire les élections.

La politique de la chaise vide a démontré son inéfficacité. Il faut toujours suivre et de manière graduelle, tous les recours.

Secundo : Explorer tous les recours

Les élections sont un recours, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont organisées. Il faut qu’un soupçon d’espace laisse une possibilité. Quand Laurent Gbagbvo prend le pouvoir en 2000, c’est une brèche qui le conduit à la tête de la Côte d’Ivoire contre toute attente. Ce qu’il a su faire, c’est être là. Abdoulaye Wade est devenu président du Sénégal de cette même manière. C’est aussi cette présence entêtée qui a fait de certains opposants les leaders qu’ils sont aujourd’hui. André Mba Obame est incontestablement une alternative possible au Gabon parce qu’il est là, présent. Etre présent dans la vie électorale peut être éprouvant et decevant, mais c’est une piste qu’il vaut mieux toujours avoir avec soi. Cela veut dire qu’il faut faire éclater autour du processus électoral tous les oeufs pourris…mais sur le terrain. On ne critique pas la mise en place d’un fichier électoral si on ne fait inscrire pas inscrire des masses…on ne critique pas une commission électoral si on ne fait pas du lobby et du biceps pour influencer la constitution et l’organisation de celui-ci…bref, dans un processus électyoral, on ne vient pas geindre après…on fait du biceps avant !

Les revendications de rue sont une autre piste. Mais elles sont un pas plus profond qui mérite d’être canalisé. Sur ce chapitre, les peurs des leaders ont souvent été catastrophiques. Pourtant lorsque les voies légales sont bloquées, la prochaine étape est généralement les voies de la rue. Ce sont ces voies aujourd’hui qui ont fait tomber Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte. Vous me direz que les voies de la rue ne font trembler aucun dirigeant d’Afrique noir. Deux chars et quatre kalachnikovs tirés à bout portant sur de pauvres jeunes auront raison de toutes sortes de revendications…cela dépend. Souvenez vous que Dadis est tombé après une affaire de ce genre dans un stade à Conakry. L’affaire est floue..elle a cependant suffit. Et aujourd’hui, les mouvements de rue font marcher Compaoré sur des oeufs. Cette étape est importante aussi et il faut savoir la construire. D’abord en mobilisant suffisamment de personnes ou de points d’actions de rue pour que cela devienne un événement médiatique. Mais aussi en gardant une part de maitrise sur l’image et la médiatisation de ces phénomènes. Et en enfin, en sachant vendre les points faibles des réactions de l’Etat autoritaire sur ce genre de situations.

Les revendications armées sont à mon avis l’étape ultime…à mettre en avant dernière position (hé oui…il y’a autre chose après cela). Il s’agit de l’étape où l’Etat autoritaire se refuse à toute ouverture et se fige de manière radicale, sans aucun espoir de changement. Ce genre d’attitudes ouvre la voie au moins à la sympathie avec les mouvements rebelles armés, sinon à la mise en place de groupes armés. Certaines de ces mouvements armés se passent sans grande violence, sans grande perte en vie humaines…d’autres sont des hécatombes inutiles. Le fait est qu’il est difficile de prévoir quelle forme va prendre une revendication armée. En conséquent, je pense qu’il faut tout faire pour ne jamais en arriver là. Mais cela relève tant de la responsabilité des pouvoirs autoritaires en place que des acteurs de changement de pouvoir. Il ne faut jamais oublier comme disait un autre, qu’on ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un diner de gala.

Au delà de la revendication armée interne, la forme de revendication la plus absolue est l’intervention internationale. Comme celle qu’on a vu en Irak, en Côte d’Ivoire ou aujourd’hui en Libye. Mon avis personnel est que ces interventions ne participent jamais de l’objectif d’un pouvoir au peuple…Je pense qu’elles sont presque toujours contre le peuple. Elles décuplent le nombre de morts par des chiffres que deux générations de dictateurs impitotables auraient du mal à atteindre dans leurs deux vies assemblées…elles détruisent les acquis infrastructurels sans aucune limite, elles posent la violation des droits de l’homme comme parcours démocratique normal, elles placent à la tête des Etats des pantins qui parfois n’ont aucune approbation du peuple…bref, ces interventions n’ont qu’un seul intérêt, changer les personnes à la tête…le reste, c’est pas leur tasse de thé. Avant donc, d’aller demander ce genre d’interventions, je pense que les acteurs de changement de pouvoir devraient y refléchir par deux fois. Afghanistan, Irak, Côte d’Ivoire et aujourd’hui Libye sont des plaies encore trop béantes pour que l’on peigne en rose les interventions armées de la « communauté internationale ».

Toutes ces étapes sont à mon avis graduelles, mais les circonstances et les situations peuvent renverser les ordres et créer des renversements de priorité. Le plus important est d’être toujours prêt pour faire remonter les aspirations du peuple et faire prévaloir la démocratie.

Dans le prochain article, nous reviendrons spécifiquement sur le coup d’Etat.