JOURS SANS FAIM, de Delphine DE VIGAN

Par Geybuss

 Roman - Edition J'ai lu (Grasset) - 125 pages - 5.60 €

Première parution en 2001, puis en 2009 

L'histoire : Laure a 19 ans, mesure 1.76 mètre et ne pèse que 38 kilos quand elle accepte enfin l'aide, l'hospitalisation. Il lui faut reprendre du poids non pour vivre mais pour survivre. Elle est anorexique. Elle entreprend alors le combat contre elle même avant de se battre pour elle même. Kilos après kilos, c'est une lente, difficile mais méritante résurrection que raconte ce livre.  

  Tentation : J'aime cette auteure + le sujet

Fournisseur : ma PAL

  

  Mon humble avis : Jours sans faim est le premier roman de Delphine de Vigan, paru à l'époque sous un pseudonyme. Il est fortement autobiographique. Nulle descente aux enfers ici, mais un retour à la vie, même s'il est progressif, incertain fragile. Une reconstruction, malgré les moments de doute, de révolte, de dégoût. L'envie de vivre revient. Laure revient de loin.

L'anorexie. Là où toute publication médicale sur le sujet vous laisserait sur le quai, Delphine de Vigan emploie le roman et manie sa justesse des mots pour livrer ses clés de cette maladie.

Ce livre vous tiendra captif, le sort et le destin de Laure vous touchera, son combat vous bouleversera. La plume de Delphine de Vigan vous fera dire : Mais comment fait elle ?! Oui, si vous prenez ce livre en main, il vous parlera. Pourquoi le prendriez vous en main ? Après tout, l'anorexie ne vous concerne peut-être pas... Depuis quand faut il attendre d'être concerné pour s'intéresser, chercher à comprendre...

Lors d'un pique nique, alors que j'évoquais ma lecture, quelqu'un me demande : Pourquoi lis tu ce genre de livre ?

Parce que j'aime l'auteur !

Parce que les maladies psychiques, psychiatriques m'interpellent. Pourquoi, à un moment donné, le cerveau part dans la mauvaise direction ?

Parce que l'Autre me passionne, que ce soit dans ces joies, ses peines, ses passions et ses souffrances. Alors oui, je veux comprendre pourquoi on peut infliger de telles souffrances à son corps. Je veux appréhender ce qui me paraît irrationnel chez l'Autre, car pour l'Autre, c'est la vérité et la logique même.

Le regard de l'auteur affine le mien, voire ouvre mes yeux clos.

Ces romans, par quelques phrases qui me touchent tout particulièrement, me permettrent d'avancer dans ma propre problématique. Il y a dans ce livre des passages qui reflètent certains de mes maux et qui enfin y posent les mots appropriés, ces mots qui rendent évident, qui traduisent mon inexplicable. En apprenant sur l'autre, j'éclaircis mon ombre et dénoue quelques noeuds. Certains symptômes ou sentiments décrits dans ce livre ne s'attachent pas  qu'à l'anorexie...

Car j'aurais pu être Laure. A la différence que mon cerveau, à une époque, a décidé que je devais me taire et continuer à manger...

Parce que j'ai croisé des anorexiques durant mon cursus "médical". Hospitalisée pour des troubles du langage, j'ai sympathisé avec Amélie entre autre. Il y avait aussi Maria et Patou. L'une tirait sur sa cigarette, l'autre faisait le tour du parc à un rythme d'enfer avant chaque repas. L'une avait une sonde, l'autre pas. Alors que j'enflais à vue d'oeil grâce à mes "amis" les médocs, j'en venais stupidement parfois à envier leur silhouette. Alors que le coffre de ma chambre cachait ma réserve de chocolat et autres dérivés, les anorexiques flottaient dans leurs vêtements quand j'en débordais. Quand le repas était ma distraction tant attendue, il était le calvaire d'Amélie. Amélie se dissimulait sous son poncho noir, j'ignorais qu'elle avait froid alors que je bronzais au soleil. J'ai posé des questions en puzzlant (activité passionnante, surtout avec un puzzle de 1000 pièces noires et blanches). Je n'ai pas forcément posé les bonnes questions. Et même si j'ai eu des réponses, je n'ai pas tout compris. Dommage, j'aurais du lire ce livre avant. Cela m'aurait évité d'insiter, bêtement, devant Amélie en brandissant fièrement mon paquet de Mikado, persuadée que je la ferais fléchir. Cela m'aurait évité de lui dire "Allez, c'est pas grand chose un mikado, ce n'est pas une petite faiblesse qui te perdra".

Quand j'y pense, j'ai honte. Mais grâce à Jour sans faim, si d'aventure je rencontrais une autre Amélie, peut-être aurai-je le bon comportement.

Aussi, je vous invite à lire ce livre pour essayer de comprendre ce qui peut se passer dans un cerveau et un corps souffrants...  Lisez ce livre à titre préventif, vous serez plus prêts et moins maladroits le jour ou vous rencontrerez Laure ou Amélie ou toute autre personne souffrant de maladie psychiatrique. Et si vous les avez déjà rencontrées, si vous en connaissez, ce livre vous aidera à comprendre ce que l'autre ne sait pas dire et que vous êtes loin d'imaginer. 

 Et après demain, une interview exclusive de Delphine de Vigan ici ! 

L'avis de Gambadou, Esmeraldae, Cynthia, Mango