Interview : Pierre-André Senizergues

Publié le 13 février 2008 par Doukyo

Ancien skateur et aujourd'hui dirigeant de Sole Technology (Etnies, Es, Emerica et Thirty Two) en Californie, société dédiée à la chaussure et au textile skate, Pierre-André Senizergues, 44 ans, est aussi le producteur exécutif du film documentaire "La 11ème heure, le dernier virage". Celui-ci produit et narré par Leonardo DiCaprio dresse un constat sur le réchauffement climatique de la terre. Rencontre avec un homme qui mène un stratégie offensive de développement durable à l'échelle de son entreprise.

-Vous êtes producteur exécutif du film "La 11ème heure, le dernier virage", ça consiste en quoi et comment s'est faîte la rencontre avec Leonardo DiCaprio ?
-Disons que j'ai financé la majeure partie du film. Cela faisait 4 ans que Leonardo voulait faire un documentaire sur l'environnement et il souhaitait que cela se fasse de façon indépendante avec des gens passionnés. Il a entendu parler de moi par des amis qui lui ont dit "il y a un skateur français qui s'est installé à Lake Forest et il est à fond pour le développement durable". Après, on s'est parlé au téléphone. Lui avait besoin de ressources, moi, je ne connaissais rien au cinéma. On ne fait pas plus indépendant !

-Cela fait 22 ans que vous vivez aux Etats-Unis, à quel moment avez-vous pris conscience des problèmes de pollution et de réchauffement climatique ?

-J'ai toujours été sensible à cela. Quand on fait du skate dans la rue on sent qu'on a du mal à respirer en ville. Après quand ma marque (Etnies) a décollé en 1994, j'ai pris conscience qu'avec ma société j'étais responsable d'une partie de la pollution. Mais le déclic est venu d'une rencontre avec l'actrice Daryl Hanna dans son ranch solaire. Elle est complètement écolo et surtout fait rouler sa voiture avec de l'huile végétale qu'elle récupère dans les restaurants ! Là je me suis dis que le monde fonctionnait à l'envers. Nous avons des ressources naturelles, pourquoi y a t-il des guerres pour le pétrole ?

-Du coup qu'avez-vous changé dans votre quotidien ?

-J'ai eu envie d'éduquer ma société. J'ai d'abord fais installer 616 panneaux solaires sur le toit du siège social de Sole Technology à Lake Forest. Aujourd'hui nous produisons 275 000 kw/heure d'électricité, de quoi alimenter 60 maisons en énergie. Ensuite, peu à peu, nous n'utilisons plus que de la colle à base d'eau pour la fabrication de nos chaussures. Nous avons aussi intégré le recyclage (papier, caoutchouc...) à l'échelle de toute l'entreprise, mis en place un système de covoiturage entre les employés... Mais depuis 2006, j'ai aussi lancé une collection de chaussures et de vêtements compatibles avec le développement durable : Etnies Seed Project. Certaines matières sont recyclées, d'autres sont naturelle comme le coton bio ou le chanvre.

-Vous êtes une sorte de modèle aux Etats-Unis ?
-Je ne sais pas mais j'ai déjà reçu un prix et des sociétés viennent me voir pour découvrir Lake Forest. Aussi j'ai envie de donner envie aux autres de s'impliquer. C'est toute une industrie qu'il faut transformer.
-Vous avez d'autres projets en tête ?
-En ce moment, je suis très recyclage. Je viens de créer une gamme de meubles (fauteuils, bancs, tables, étagères) à partir de planches de skate provenant de notre second choix : Skate Study House. L'idée est de mêler design et culture skate. De faire du skate un véritable Lifestyle.
-Et au quotidien, vous êtes écolo ?
-J'ai mes habitudes : trier les emballages, éteindre la lumière, l'ordinateur quand je ne m'en sert pas. C'est surtout en venant des Etats-Unis que je vois des différences avec la France. Les américains ont de grosses voitures et il roule au diesel. Mais je pense aussi qu'ils ont plus d'initiatives. En France, les gens attendent trop de la politique. Je crois que chacun peut faire un peu pour changer les choses à son niveau.

Pour rappel, Sole Technologie a réalisé 200 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2007, dont la moitié pour Etnies. L'ensemble des marques est distribué dans 70 pays dans le monde à travers plus de 10 000 magasins.