Voyage au Maghreb - Louis Gauthier

Par Venise19 @VeniseLandry
J’ai fini par comprendre – après ma lecture - que ce récit est le quatrième sur le thème du voyage initiatique. Le premier Un voyage en Irlande avec un parapluie (1984), Le pont de Londres et Voyage au Portugal avec un Allemand (2002) ont été réunis dans un même recueil Voyage en Inde avec un grand détour (2005).
Dans celui-ci, nous entrons dans la tête et dans le cœur d’un voyageur débonnaire, aussi sondeur que songeur, qui poursuit le vague but de se rendre en Inde, en passant par le Maghreb. Aucun sens pratique pour son itinéraire qui se trame au gré de ses humeurs. Tout donne l'impression qu’il ne sait pas quoi faire de sa vie, et donc qu’il fait du temps. Gérer sa vie de voyageur l’occupe.
Son itinéraire s’improvise au gré des rencontres, des événements, des chambres disponibles et de la température. Le lecteur voit par les yeux d’un être qui ne sait pas toujours comment se comporter devant l’inconnu, ne sait pas exactement comment décoder les us et coutumes, et en plus ne sait pas jusqu’où il peut compter sur lui-même, ou sur les autres. Faire preuve de confiance ou de méfiance ? De nombreuses et ahurissantes expériences le font hésiter entre les deux. Il jauge ses feelings, avance sur la route escarpée des nouvelles réalités qu’il se donne à vivre. Et régulièrement, ramène son esprit au Québec : quand va-t-il y revenir ?
J’ai beaucoup appris de ma lecture, faut dire que je partais de loin ne sachant même pas que le Maghreb désignait le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Ma connaissance de ces trois pays passait par le prisme de ce qu’on en dit aux nouvelles télévisées. On s’entend que ce n’est pas connaître un pays !
De l’intérieur, un pays dégage l’odeur du quotidien et la sueur de l’habitant peinant pour assurer sa survie. Louis Gauthier nous amène avec lui vivre ce quotidien et rencontrer cet habitant. Il réussit à créer un lien avec les restaurants, les routes, les gites, les trains, les bus, les autres voyageurs et en parle sur un ton intime. Il aurait aimé qu'on ne le prenne pas pour un touriste mais un être humain dans un autre pays que le sien. Il vivra quelques déconvenues. Faut dire que nous avons affaire à un être qui pose et se repose des questions, doute, hésite, bafouille son itinéraire. J'aurais donné la vingtaine au personnage ! C’est une quête de sens à la vie qui part du dédale de décisions de celui qui avale des kilomètres sans trop savoir où ça va le mener.
En plein cœur du voyage, j’ai commencé à me passer cette remarque « il est bien chanceux d’avoir les fonds pour faire autant de route ! » L’auteur touchera cette question cruciale qui deviendra un vrai suspense, celui qui m’a le plus tenu en haleine. L’errance dans des pays étrangers, d’où le touriste est par définition un être qui a de l’argent, se transforme en aventures rocambolesques quand les moyens financiers viennent à manquer.
Le style de Louis Gauthier m’a beaucoup plu, il fait corps avec son personnage. La vulnérabilité du voyageur transparait dans un style simplement intelligent. C’est avec un naturel désarmant qu’il nous donne accès à ce journal qui regorge de détails pratiques. Finalement, tout ce qui n’est pas dit dans les agences de voyage se révèle sous la plume de Gauthier qui, je vous en avise, a réellement fait ce voyage. Dans l’entrevue avec Le Libraire, dont je vous conseille vivement la lecture, il révèle s’être basé sur les notes d’un voyage effectué en 1980.
Avec ses nombreux tâtonnements d’itinéraires et d’opinions, il était nécessaire que l’auteur tienne les guides serrées dans l’ordonnance des sujets, ce qu’il a réussi à merveille, donnant du tonus à ce périple de quelques mois en Afrique du Nord.
Voyage au Maghreb en l’an mil quatre cent de l’hégire, Louis Gauthier, 192 p. Édition Fides