Pétrole : une baisse des prix en trompe l’œil

Publié le 24 juin 2011 par Hmoreigne

La décision surprise de l'Agence internationale de l'énergie de puiser dans ses stocks pour compenser l'arrêt des exportations libyennes a aussitôt engendré une forte baisse du cours du baril. Il ne s'agit pourtant que d'une décision en trompe l'œil destinée à éviter un ralentissement de l'économie mondiale. En raison de l'épuisement des stocks, la hausse du prix du pétrole et des énergies qui lui sont liées est, en effet, inévitable. Le Pentagone ne s'y est pas trompé. Il y a quelques jours, il dévoilait un plan pour réduire massivement sa dépendance énergétique.

Priorité à l'insouciance estivale. Eric Besson (en photo), ministre de l'Energie a demandé à Total et autres distributeurs de répercuter l'impact de cette décision sur les prix à la pompe dans les meilleurs délais. Les vacanciers pourront chanter en roulant tout l'été, ils seront confrontés à la rentrée à une hausse du coût de l'énergie. La parenthèse momentanée qui s'ouvre dans la hausse des prix pourrait être l'occasion de tenter de réduire notre vulnérabilité à l'énergie et au pétrole en particulier mais, le temps politique colle plus à celui de la cigale que de la fourmi.

Outre-atlantique, l'armée a fait ses comptes. Le pétrole lui coûte très cher (13 milliards en 2010, 20 milliards en 2008). En outre, la sécurisation des approvisionnement est une source croissante de tensions et de risques de conflits. La sophistication de la première armée du monde a pour revers un besoin énorme en énergie.

A titre d'exemple, Pierre Veya dans Le Temps explique "qu'un Marine transporte sur lui 33 batteries pesant 3,5 kg qui doivent être rechargées toutes les 72 heures par des génératrices à essence, paquetage standard dont le poids devrait doubler dans les prochaines années au fur et à mesure que les combattants incorporeront de nouveaux moyens de communication sophistiqués. Si un militaire nécessitait 3,7 litres d’essence par jour en 1945, le même soldat américain en consomme aujourd’hui 65".

Le journaliste suisse explique que, fidèle à ses habitudes, l'Oncle Sam entend prendre le taureau par les cornes : "globalement, d’ici à 2015, l’armée américaine devrait avoir réduit sa consommation d’énergie de 20%; la part des énergies renouvelables, de 11,3% actuellement, devrait doubler alors que l’efficacité énergétique devrait atteindre 30%" écrit-il.

Si l'épisode de Fukushima est malheureusement loin d'être terminé, il souligne les enjeux énergétiques majeurs auxquels nos sociétés seront confrontées à court terme. L'ampleur et l'universalité du sujet constituent paradoxalement une chance pour l'Union Européenne … si ses dirigeants savent la saisir.

En digne héritière de la Communauté Economique Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), il est stratégiquement vitale pour l'UE de déployer une stratégie énergétique communautaire complète, de l'approvisionnement à la production sans oublier les réseaux.

En conclusion de son article, Pierre Veya cite Amory Lovins, l’un des meilleurs spécialistes des économies d’énergie. Pour ce conseiller de l’armée américaine: "La démarche du Pentagone aura des effets majeurs sur la consommation et l’utilisation de l’énergie aux Etats-Unis et dans le monde. Elle entraînera des innovations dans l’industrie automobile, les immeubles, les générateurs, la production d’énergie renouvelables, innovations qui se retrouveront plus tard dans la société civile. Les produits et technologies qui sont développés ont une valeur de une à deux fois supérieure à tout ce qui existe sur le marché; la révolution énergique en sera accélérée".

Autant dire que l'Europe, plutôt que de se lamenter sur son déclin, dispose avec le secteur de l'énergie, d'une formidable chance de rebondir.