Docta cum libro. Des cerises : griottes, guignes, bigarreaux et petites anglaises

Par Natalia Kriskova

 

Le rouge de cette gelée met l'eau à la bouche... C'est une gelée de griottes et de groseilles. Deux rouges éclatants se conjuguent pour une saveur acidulée et longue en bouche.

Par griottes, j'entends les cerises Montmorency, rouge vermillon, chair blanc crème, chair molle et très juteuse. 

Oui, ce sont des griottes. Non les griottes ne sont pas (n'en déplaise à Ségolène) des cerises très foncées, très noires, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent parce qu'ils ont goûté de petites cerises noires et aigres de cerisiers sauvages qu'ils appellent griottes, mais qui sont en réalité des cerises sauvages (ou plutôt des merises).

C'est que le monde des cerises est complexe. A force de consulter des livres, souvent contradictoires, et d'observer ce que je vois dans les jardins, voilà ce que j'en retire, après une enquête de près de deux ans sur la question... (oui je suis du genre à gratter quand quelque chose n'est pas clair, je veux comprendre, et après je viens vous faire une conférence, parce que j'aime bien partager ce que je crois savoir)

Il y a deux grandes familles d'arbres qui produisent des fruits que l'on peut rassembler sous l'appellation "cerises".  

- prunus avium : ce qu'on appelle communément un cerisier, mais qui est, à l'origine, un merisier. Cet arbre atteint une taille respectable voire impressionnante à l'âge adulte (plus de 6 à 8 mètres). Son tronc est doté d'une écorce brillante dont la couleur tire sur le bordeaux et qui présente des stries horizontales. Les branches et les feuilles ont un port légèrement tombant tout à fait caractéristique et qui rend cet arbre facilement reconnaissable. Dans sa variété "sauvage" et "primitive", il produit de petits fruits ovoïdes plus ou moins aigres-doux, de couleur rouge foncé à noire à maturité, que l'on appelle parfois, à tort, griottes, car en fait ce sont bien des cerises (il faudrait dire merises). On rencontre très fréquemment ce genre de cerisier sauvage dans les jardins.

- prunus cerasus : c'est, lui, en réalité, qu'il faudrait appeler cerisier. De taille plus modeste que le meriser, il produit des fruits acidulés que l'on appelle griottes, et dont la variété la plus répandue est la griotte Montmorency, petit fruit à chair molle et blanche, très juteuse et à peau fine. A maturité, la griotte est rouge vif et légèrement translucide. 

Il est impossible de confondre un prunus cerasus avec un prunus avium tant l'allure de ces deux espèces est différente : taille, port, forme des feuilles, écorce.

Un grand nombre de variétés de cerises sont issues du croisement et du greffage des "prunus avium" entre eux ou, parfois avec des "prunus cerasus". Elles se répartissent en deux grandes familles : 

- les bigarreaux, fruits à chair ferme et à saveur douce, de grosseur variable mais globalement beaucoup plus gros que les petites "merises" du prunus avium sauvage. L'immense majorité des cerises que l'on achète chez le primeur et que l'on consomme, qu'elles soient rouges, rouge foncé, noires ou blanches, sont des bigarreaux : burlat, summit, napoléon, rainier, coeur de pigeon..., il en existe plusieurs centaines et de nouvelles variétés apparaissent chaque année.

- les guignes, fruits à chair molle et à saveur douce ou aigre-douce, plus rares sont nos étals. Peut-être le goût n'est-il plus aux guignes, aujourd'hui. Le terme est aujourd'hui quelque peu désuet, voire inconnu du commun des mortels. Mais il était très répandu du Moyen Âge au début du XXe siècle (quelle sorte de cerise il désignait, je n'en sais rien au juste). Notre langue en a gardé la trace, comme en témoignent certaines expressions ("je m'en soucie comme d'une guigne", "ne pas valoir une guigne") et le "guignolet", une liqueur à base de cerises. 

Les griottes, fruits à chair molle et à saveur acidulée, constituent donc une famille à part dans la mesure où elles sont issues uniquement de prunus cerasus. Les Italiens appellent la griotte "amarena" à cause du goût d'amande amère qu'elle développe à la cuisson. La couleur de la griotte confite dans le sirop n'a évidemment plus rien du vermillon du fruit cru, mais c'est bien le même fruit. On trouve également le terme de "marasque" pour désigner ce fruit, d'où le nom de marasquin donné à la liqueur qui en est issue. 

Voilà, je crois, pour l'essentiel. Mais les appellations populaires et régionales sont extrêmement variées et parfois impropres, elles contribuent à brouiller les pistes. Par exemple, en Poitou, les maraîchers vendent les griottes Montmorency sous le nom de guignes...  D'autres appellations recouvrent des réalités variables : je n'arrive pas à savoir si "cerise anglaise" désigner une cerise molle ou une cerise acidulée, ou les deux, autrement, si c'est une guigne ou une griotte, ou tout simplement l'une de ces petites cerises "sauvages" qui poussent sur les merisiers des jardins.

 Gelée de griottes et groseilles

  

Grâce aux groseilles, très riches en pectine, cette gelée est très facile à réussir et son goût est particulièrement savoureux.

- 1 kg de griottes (non dénoyautées)

- 500g de groseilles (poids net, égrappées)

- 10 cl d'eau

- 800g de sucre pour 1 litre de jus obtenu

- le jus d'un citron

1. Faites cuire les fruits à feu doux avec l'eau, à couvert, en pressant avec une écumoire pour les faire éclater, environ 15 minutes.

2. Filtrez le jus obtenu à l'aide d'un chinois. Il ne doit rester ni pulpe de griottes, ni pépins de groseilles. Pesez-le et ajoutez le sucre et le jus de citron.  

3. Faites cuire à feu vif dans une bassine en cuivre ou une marmite très large. Remuez régulièrement et faites le test de l'assiette froide. Lorsque la gelée est prise, mettez en pot, fermez les pots, retournez-les et laisser refroidir.

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