[Critique dvd] Le blé en herbe

Par Gicquel

A sa sortie en 1954, ce fut un scandale. L’adaptation du roman de Colette permettait à un plus grand nombre de découvrir les amours interdites entre une femme et un jeune garçon. Il faut donc bien le situer dans son époque, car si vous découvrez ce film, la déception risque d’être grande.

Il a bien mal vieilli tant pour sa mise en scène très convenue, que pour le jeu des acteurs, pincé et mécanique.

On peut apprécier l’éclat rayonnant d’Edwige Feuillere, et la beauté de Nicole Berger, qui malheureusement décédera accidentellement une dizaine d’année plus tard. L’une et l’autre s’adonnent à une récitation ininterrompue de monologues et dialogues que le jeune Pierre-Michel Beck, annone péniblement.

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Ce n’est donc pas tant la réalisation qu’il faut retenir, que son propos, outrancier pour l’époque. Et je pense tout aussi provocateur aujourd’hui, face au puritanisme latent, et à l’idéologie bien-pensante qui nous fait rechercher en vain, les successeurs de Coluche, et Desproges.

Il fallait donc le faire, ce film pour évoquer à la sortie de la seconde guerre mondiale, la liberté des mœurs, parler de vérité sexuelle au cœur d’un huis clos petit bourgeois dont  Claude Autant-Lara était issu. Il s’y attaque par le biais de l’évocation de ces liaisons dangereuses (aucune scène directe, tout en suggestion), initiation sentimentale dont le cinéma se nourrit encore et toujours.

LES SUPPLEMENTS

« Chronique d’un scandale annoncé » de Dominique Maillet (44 mn)

Où il est bien évidemment question de l’accueil houleux dans certaines villes de France et particulièrement en Normandie. Il en sera de même pour un autre film de Autant-Lara  » La Jument verte ». Le «  Libération » de l’époque titre «  A Caen, l’évêché a lancé ses commandos de judokas, que l’Université a victorieusement défendu ». Des projections se font sous les sifflets, et les boules puantes. On dénonce alors « un film particulièrement malsain » et la «  démoralisation de la jeunesse ».

Un petit rôle pour Louis de Funès, mais déjà les grimaces à n'en plus finir

Freddy Bauche, l’ancien directeur de la Cinémathèque Suisse, et ami du réalisateur, reconnaît «  qu’il voulait choquer, mais à ses yeux il n’y avait rien de scandaleux. Il utilisait le cinéma pour dire quelque chose ». Et de citer son premier film « Ciboulette»,l’histoire d’un riche fêtard, qui trompé par sa maîtresse, s’amourache de Ciboulette, une petite maraîchère qui deviendra cantatrice.

Madeleine Lazard, la biographe de Colette, et Danièle Delorme qui l’a bien connue évoquent longuement ce que fut la romancière, à travers notamment la genèse du roman, plus ou moins biographique.

Pierre-Michel Beck, le jeune Phil du film évoque sans grand enthousiasme ses souvenirs de tournage. «  Je n’avais jamais embrassé et encore moins couché avec une femme. J’étais gêné » dit-il en parlant très vaguement de l’équipe «  avec qui je n’avais pas vraiment de relations, une fois quitté le plateau ».

Colette , à la découverte de ses " personnages"

« L’orgueil » de Claude Autant-Lara ( 28 mn )

Il s’agit d’un court métrage inscrit dans  «  Les sept péchés capitaux » , un travail collectif de Yves Allégret,  Eduardo de Filippo, Jean Dréville , Georges Lacombe .Bien que réalisé à la même époque , ce petit film possède à mon avis des qualités incroyables . Dont un quatuor de comédiens fantastiques qui rendent cette histoire au plus près de ce qu’elle est : une gifle monumentale à la bourgeoisie de l’époque . Michèle Morgan , tout à fait dans son rôle est très bien entourée par Françoise Rosay, Jean Debucourt et Louis Seigner. Petit film, mais grand cinéma.