Chronique des héros pas supers

Publié le 29 juin 2011 par Sammy Fisher Jr
J'ai envie de vous parler de deux BD que je viens de lire, même si à proprement parler, il ne s'agit pas de "BD", mais plus de "comics", encore que ce terme soit parfois péjorativement connoté.
Même si je ferai un jour un billet pour expliquer pourquoi l'architecte qui a conçu la bibliothèque Champollion de Dijon doit être sévèrement châtié, celle-ci bénéficie, comme la très grande partie des bibliothèques de ce pays, du formidable travail de ses bibliothécaires, magasiniers, et assistants de bibliothèque -car le personnel des bibliothèques est très diversifié, pour ne pas dire super hiérarchisé- jonglant avec les contraintes d'un bâtiment qui pourrait à l'extrême rigueur abriter une galerie d'art contemporain spécialisée dans l'absurde.
Leur dernière bonne idée a été de consacrer un présentoir spécifique aux auteurs de comics, dans lequel j'ai pioché un Joe Sacco et un Frank Miller.
J'ai découvert Joe Sacco dans le numéro 13 de XXI où il signait un reportage sur les dalits, "fermiers aux pieds nus" du Kushinagar, dernière sous-castes des intouchables : ce sont eux que l'on trouve quand on creuse encore un moment, quand on croit avoir atteint le fond de la misère. 

Joe Sacco est un journaliste et dessinateur, surtout connu -j'ai l'air comme ça, mais j'ai tout lu dans XXI- pour ses albums sur la Palestine, Gaza et la Bosnie. C'est un atypique : un aventurier, un globe-trotteur, un dessinateur, un observateur, et parfaitement pourri de talent de surcroît.

Journal d'un défaitiste n'est pas vraiment comparable au reste de son travail : c'est plus personnel, plus disparate et plus ancien. C'est un ensemble de récits mêlant des souvenirs personnels, comme sa tournée avec un groupe de rock en Allemagne ou sa vision de la guerre de Golfe (la première, celle de Bush père), la mise en dessin de l'enfance de sa mère à Malte pendant la Seconde Guerre Mondiale et des récits satiriques, souvent avec des personnages grotesques. L'ensemble présente un dessin à tendance psychédélique, genèse d'un auteur en devenir. On trouve quand même quelques planches plus proches de son style de "dessinateur reporter".
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Ma deuxième trouvaille est donc le Batman : Dark Knight de Frank Miller. Je connaissais Frank Miller en tant qu'auteur de Sin City et 300, que je n'ai pour l'instant fait que feuilleter en librairie, espérons que ce nouveau secteur de la bibliothèque me permettra dans un avenir proche de les lire en entier.

Illustration extraite de Sin City

Illustration extraite de 300


Dark Knight est donc un autre de ses gros succès, plus fondé à mon sens sur la qualité du scénario que sur le côté percutant des dessins. Jugez plutôt : Batman est une légende. Il a disparu depuis 10 ans, raccrochant la cape et les batarangs. Et Gotham, privé de son justicier (mais que fait la police ?) s'enfonce dans le crime. A la faveur des exactions particulièrement sanglantes et déjantés d'une bande de criminels, l'homme chauve-souris va faire son retour...

Une des premières pages de Dark knight


Mais ce n'est pas aussi simple. D'abord parce que ce retour est aussi une victoire de Batman sur Bruce Wayne ; si l'homme chauve-souris revient, ce n'est pas tant pour faire régner la justice, que pour finir sa guerre personnelle contre le crime, quelles qu'en soient les conséquences. Et puis le monde a changé. Les super héros n'ont plus la cote, et sont surtout perçus comme une menace. L'insertion de petits écrans de télévision où des personnages débattent sur le "pour" et le "contre" de Batman résument très efficacement le problème.
Cet album montre un Batman qui sort des sentiers battus et largement rebattus du genre : il ne cache pas le côté obscur du personnage, qui feint d'ignorer les implications politiques de ses actes pour mieux s'abandonner à ses démons. Les siens sont Harvey Dent et le Joker, qui font un dernier tour de piste, mais sont-ils les seuls ?
L'exact opposé de Batman, Superman, ne sort pas non plus grandi de l'histoire. Au choix offert aux super-héros de disparaitre ou de rallier le gouvernement, il choisit le ralliement. Servir son pays, d'après Clark. La compromission lui répond Wayne.
De fait, c'est bien un Superman aux ordres d'un président  Reagan caricatural qui est mis en scène, jusqu'à l'affrontement final avec Batman, qui se soldera par...
Et si vous le lisiez, hummm ?