La strategie du "me too"

Publié le 14 février 2008 par Jean Lançon

Dans le microcosme qui le nôtre (celui que l'on appelle globalement "2.0"), nombreux sont les commentateurs (professionnels ou non) qui, à d'aussi nombreuses occasions, vantent les mérites de tel ou tel nouveau service web sortant de terre, et suggèrent de le décliner en version française et/ou européenne. Importer un concept ou s'en inspirer pour en faire une déclinaison plus proche, c'est ce que dans notre jargon nous appelons faire un "me too" ("moi aussi").

Il y a des cas où cela peut s'avérer pertinent. Je pense, entre autres, à iBazar (clone d'eBay à l'époque du 1.0), ou encore à OLX (clone récent de Craigslist, avec il est vrai bon nombre d'améliorations par rapport au modèle original).

Seulement voilà, il y a un hic. De nos jours, il est très facile pour n'importe quelle start-up de s'implanter dans plusieurs langues et de toucher différents pays sans changer grand chose (et bien souvent rien) à sa structure. Décliner un site en de multiples langues est devenu un jeu d'enfant. Et parallèlement, du moins en France, les internautes semblent moins chauvins à l'égard des TLD locaux (.fr en l'occurrence) qu'ils ne le furent jadis.

A qui viendrait l'idée de créer un Facebook français, un MySpace français, etc. ? Sans même être encore traduit dans notre langue, Facebook nous a conquis. Et MySpace y était également parvenu bien avant que sa version française ne voie jour.

Certains diront sans doute qu'implanter un clone en France (ou en Europe, ou n'importe où en fait) peut être une stratégie payante afin de provoquer un rachat. Là encore, I must disagree. Le temps que votre site prenne son envol, son modèle américain (ou autre) aura conquis davantage de personnes que vous, sur votre propre territoire. Hé oui, le buzz ne connaît pas de frontières.

Il y aura bien sûr des exceptions. J'oserai même dire : des coups de bol. OLX existe parce que Craigslist n'a pas réellement d'implantation européenne et ne semble pas s'en tracasser. A l'inverse, iBazar a été racheté par eBay lorsque cette dernière a décidé de s'ouvrir à la France (en précisant cependant que d'une part, les Français s'accomodaient assez bien du site eBay américain sur lequel ils étaient déjà inscrits, et d'autre part iBazar a quelque peu "forcé le destin" en achetant à l'époque le domaine ebay.fr).

Faire un me too français d'un site anglosaxon (ou autre) me semble donc risqué, que ce soit en vue de l'exploiter durablement ou de se le faire racheter dans les meilleurs délais. Je ne parierais pas un dollar sur n'importe lequel de ces deux cas de figure.

En revanche, une autre forme de me too peut fonctionner. Il s'agit cette fois d'inventer de nouvelles stratégies, de bâtir de nouveaux modèles économiques, et aussi d'aller plus loin que le site "modèle". Inventer n'est pas forcément difficile, le tout étant de rester un utilisateur du web avant d'en être un entrepreneur. D'être lucide et critique sur ce que l'on consulte. D'être pertinent dans ses réflexions. De prendre parfois beaucoup de notes pour ne pas perdre ses remarques ni ses idées.

Nous n'en sommes pas seulement aux balbutiements du web 2.0, nous n'en sommes qu'au b-a-ba de l'internet tout court. Tout est à faire. Créer des formes innovantes de me too me semble, entre autres, une voie pertinente pour avancer et faire avancer.

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