La chevauchée fantastique

Publié le 29 juin 2011 par Calamitysuz

A la découverte de l’ouest américain à Cheval

Bercée par trop de westerns, j'ai développé une véritable passion pour l'ouest américain et son mythe du cowboy. Souhaitant partir à leur rencontrer et chevaucher à leurs côtés, me voilà partie pour un extraordinaire périple de 15 jours au pays de John Wayne.

Les longues heures de vol et une escale à rallonge nous permettent de faire connaissance avec le groupe. A notre arrivée à Las Vegas nous sommes déjà amis.

Le lendemain matin, avec 9 heures de décalage horaire, tout le monde est réveillé de bonne heure. A 7 heures nous étions levés avec la ferme intention de profiter de la piscine dans la mesure où ça serait la seule que nous verrions jusqu'à notre retour. Une bonne partie du groupe est là et on plaisante sur le côté "aventure" du circuit : affalés sur nos chaises longues, lézardant au soleil

Une fois sortis de Las Vegas c'est le désert, puis l'Utah. Les cactus, le sable, les camions, les routes. Tout est source d'étonnement et de commentaires. Les premières roches rouges font leur apparition.

Et parlant de roche rouge, nous voilà sur Zion National Park. Pendant près d'une demi-heure nous montons par une route en lacets au milieu des pitons rocheux, falaises et autres canyons. Pour se fondre dans le paysage le goudron a été teinté en rouge... La route suit la Virgin River, à l'origine de la formation des gorges de Zion, sur une bonne partie du chemin, on se retrouve ainsi au fond des canyons creusés par l'eau au fil des siècles. Ce qui frappe surtout en arrivant dans le parc c'est le retour de la verdure après l'aridité du désert.

Lundi, la première balade nous mène sur Angels Landing, promontoire perché à 453 mètres d'altitude où l'on accède par des chemins que même certaines chèvres n'oseraient emprunter. Le nom d'Angels Landing ("où se posent les anges") a été donné au lieu par les premiers prospecteurs arrivés dans la région qui estimaient que les pentes étaient si raides que seuls les anges pouvaient s'y poser. En fait d'anges, quelques humains aujourd'hui y arrivent, aidés certes par quelques chaînes posées ça et là à même la roche. Mais la vue du haut vaut tous les efforts. On surplombe la rivière et les canyons. Les roches rouge et blanche se mêlent au bleu du ciel et au vert des arbres. C'est absolument superbe. Zion est à 1500 mètres d'altitude, l'air est sec et la chaleur est tout à fait supportable. La descente de la partie la plus escarpée s'avérera finalement plus facile que la descente du chemin tracé en lacets. Mais la récompense se trouvait au bout du chemin, ceux qui avaient abandonné à mi-chemin nous attendaient les pieds dans l'eau.

Nous rejoignons le point de départ de la balade de l'après-midi : les Narrows. Rémy nous annonce la couleur pour la promenade dans les gorges. Environ quatre heures de marche, les pieds dans l'eau la plupart du temps, parfois un peu plus ("d'accord il se peut qu'à un endroit on ne fasse pas pied, ça dépend du niveau d'eau"). L'idée était d'aller le plus loin possible afin d'échapper au flot des touristes et retrouver un peu de calme. Le spectacle est saisissant : les falaises s'élèvent de part et d'autre de la rivière, parfois sur 600 mètres. Au fond coule la Virgin River sur des galets et pierres, parfois du sable.

A Bryce Canyon nous empruntons le Navajo Loop trail, un sentier de balade d'1,5 km qui nous fait descendre au fond de l'amphithéâtre et voir quelques superbes pitons. Bryce Canyon, contrairement à son nom, n'est pas un canyon, mais un amphithéâtre. Au fil du temps, l'érosion (essentiellement l'eau via la pluie) a érodé la roche. Là où la pierre est plus dure, des colonnes sont restées debout tandis que le reste de la pierre s'effondrait autour. Certaines formations ont des formes étonnantes, dans une débauche de tons ocres, jaunes, rouges à faire rêver un impressionniste.

Au bout de quelques heures de route supplémentaires, nous arrivons au ranch. Les paysages sont toujours aussi étonnants et le ranch vraiment perdu au milieu de nulle part. C'est un bâtiment de bois et pierre qui fait plus penser à un chalet suisse qu'à un vrai ranch d'ailleurs. Les clichés ont la vie dure...

Ce coin de la région est désertique, ne donnant naissance qu'à des des arbustes rabougris, sapins, buissons et cailloux. Sur la piste "Hell's Backbone" qui mène à l'écurie nous sommes partis au grand galop de front. Galop effréné plutôt. "Laissez passer la horde sauvage". C'était du à fond la caisse, on fait la course, tout le monde se double... Je n'ai jamais galopé aussi vite de ma vite. Je n'étais pas très rassurée, mais c'était grisant.

Déjeuner sandwich au ranch puis départ pour une nouvelle balade de quatre heures toujours dans la partie désertique. Canyons, à pics vertigineux, roches et falaises. C'est superbe. Ce sont vraiment les décors qu'on a pu voir dans nos bons vieux westerns. Les plateaux au loin, les canyons en contrebas. On est passé par des endroits dans lesquels même à pied, je ne me serais pas forcément sentie rassurée. Il faut faire confiance à son cheval et ça passe tout seul. Quelques superbes galops dans des chemins de sable sinueux entre les sapins (la résine ça colle...). Les chevaux sont fabuleux, passant partout sans rechigner, obéissant au millimètre.

Sur la route j'ai un peu discuté avec Bob, le propriétaire. Il parle lentement et articule, ce qui permet de le comprendre parfaitement. Il nous dit que si l'on trouvait des vaches en route on pourrait les monter vers les pâtures plus haut dans la montagne. La découverte de ce travail s'avérera exceptionnelle. C'est vraiment extra de faire avancer les vaches. On est complètement indépendant, chacun va à son rythme, part dans son coin ramener une vache dans le bon chemin. Chacun travaille autour du troupeau et on ne se suit pas en file indienne ! Ah ça change des balades classiques...

Le lendemain, nous nous attaquons au "cattle driving" (convoyage de bétail), mais du vrai de vrai, jusqu'en haut des pâturages à 3000 mètres en haut de la forêt. Ce qu'on a fait hier d'après Bob c'est de "faire du cheval à côté des vaches" (il a le chic pour nous donner du coeur à l'ouvrage le Bob).

Au petit déjeuner, en préparation de notre rude journée, un vrai repas de cow-boy : bagel aux blueberries, omelette, bacon et raisins et jus d'orange (ouf !). Nous sommes donc repartis au même endroit que la veille et avons commencé à rassembler les vaches que nous trouvions en route. L'aîné des garçons était avec nous. Sa mère nous a raconté qu'il y a quelques années, alors qu'il n'avait que 10 ans, elle était en train de convoyer des vaches avec lui et un autre cowboy. Au bout d'un moment elle s'était inquiétée car elle ne le voyait plus depuis un certain temps. Et voilà Cru qui arrive avec 30 vaches à lui tout seul. Evidemment, il a probablement commencé à monter à cheval avant de savoir marcher...

Le déjeuner est bref. A 14h30, nous étions à nouveau en selle pour affronter la partie la plus dure du convoyage : le reste de la route était un chemin de deux mètres de large au mieux au milieu de la forêt épaisse, pleine de pierres et tout en montée. Il fallait tout le temps aller récupérer les vaches, qui refusaient obstinément de marcher là où c'était plus facile, et se perdaient à loisir au milieu des arbres. Afin d'éviter qu'elles se dispersent trop, on a commencé à crier pour les faire avancer plus vite. C'était vraiment extraordinaire. Les chevaux n'ont peur de rien et avancent même quand ils doivent pousser les branches d'arbres devant eux, sauter par dessus des arbres morts, monter des "sentiers" raides. Ils sont vraiment étonnants.

Après cinq jours au cœur de la vie cowboy, nous quittons le ranch pour d'autres aventures.

En route vers Capitol Reef plus au nord. Les paysages sont toujours aussi stupéfiants, mélange du vert de la forêt et les roches blanches et rouges toujours présentes. Au détour d'un virage, la vue porte jusqu'à l'infini. Le sentiment d'espace est implacable.

Après l'installation du camp nous partons en randonnée. Le sentier monte allègrement. Première pause pour admirer des pétroglyphes Fremont, et manger des figues de barbarie. Le grand intérêt géologique de Capitol Reef (qui doit son nom à ce que de nombreuses roches ont des formes de dômes, comme le Capitol) est ce qu'on appelle le "Waterpocket Fold". L'eau crée des sortes de bassins dans la pierre, qui finissent par se creuser pour laisser passer l'eau et créer de nouveaux bassins plus bas et ainsi de suite. La pierre n'ayant pas la même résistance partout cela crée des formes assez originales tout en courbes.

Monument Valley... Me voilà enfin au pied des célèbres roches rouges chères à John Ford. Les chevaux sont des mustangs qu'Hermann et son frère, des Navajos "full blooded" ont capturés et dressés. J'hérite d'une petite jument blanche du nom de "White Snow" assez rapide. Rémy nous avait prévenu, autant Bob ne connaît que le pas et le galop, chez les indiens les balades se font quasi intégralement au trot... assis. Certains ont abandonné, raccourci leurs étriers et monté à l'anglaise pour pouvoir trotter enlevé. Ca ne nous a pas empêchés de faire quelques galops assez sympathiques, d'autant qu'ils n'étaient généralement pas lancés par Hermann, mais par nous quand nous avions envie de nous faire plaisir. Sur la dernière partie de la balade nous nous sommes lancés dans un grand galop pour faire la course. J'ai poussé mon cheval à fond, un vrai régal.

Dîner chez les indiens d'un "taco Navajo". Puis nous nous sommes rassemblés autour du feu pour écouter Hermann nous parler des Navajos et des vieilles légendes indiennes. Pour la nuit, certains ont installé les toiles de tente par terre et se sont couchés dans le Hogan, la maison traditionnelle des Navajo. Un autre groupe est allé se coucher autour du feu. Pour ma part, je me suis installée seule à l'écart des arbres pour pouvoir admirer le ciel étoilé et les étoiles filantes. L'air est un peu frais, mais mon duvet est bien chaud, le contraste est agréable. Il y avait un orage époustouflant derrière Monument Valley. Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'un spectacle de son et lumière ; ce qui en quelque sorte était vrai, sauf que mis en scène par un pyrotechnicien d'un autre calibre...

Les Navajos gèrent complètement Monument Valley qui se trouve sur leur réserve. Nous voilà donc partis pour trois heures de visite et de délire sur les formes des roches. Certaines formes sont très classiques et connues, portant chacune un nom. Il faut d'ailleurs parfois faire preuve d'un peu d'imagination et tout le monde ne voit pas la même chose. Par la suite, nous avons commencé à inventer des formes où il n'y en avait pas. On va leur refaire leur parcours de visite à ces indiens...

Installation au camping de Lac Powell, qui est loin d'être aussi agréable que les autres. Ici c'est beaucoup plus tourisme de week-end familial. Le temps d'installer le camp, nous allons faire trempette pendant que Rémy va s'occuper de réserver le bateau pour le lendemain. L'eau est claire et bonne, la lumière du coucher de soleil sur les roches sur la rive en face est exceptionnelle. Corvée de bois pour le barbecue. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin... (et en l'occurrence on aurait apprécié le foin). Laurence a eu de la chance et a trouvé un joli tas sous un barbecue voisin. Moi j'ai trouvé une grosse bûche, idéale pour la veillée de Noël, pour faire griller la viande, moins !

Nous passerons la journée du lendemain sur le lac, à explorer les différents canyons. Le temps était un peu gris, mais c'était peut-être mieux ainsi, on ne souffre pas trop de la chaleur à l'arrêt, après tout nous sommes en plein milieu du désert, malgré toute cette eau. Cette journée de détente et de baignade nous a fait le plus grand bien, par son côté villégiature « en bord de mer ».

Quelques heures de route vers Grand Canyon nous font arriver de nuit dans la forêt entourant le parc, ce qui nous a permis de voir un maximum d'animaux le long de la route (bien vivants, je vous rassure), et de ne pas s'arrêter à l'entrée pour payer dans la mesure où les rangers étaient partis se coucher depuis longtemps. Seul un lapin était assis au milieu de la route semblant nous attendre (on se croirait dans les Lettres de mon Moulin de Daudet).

Promenade le long du Canyon avec de nombreux arrêts pour admirer le point de vue. Le temps est un peu couvert, c'est dommage, mais il paraît qu'il y a très souvent un peu de brume au-dessus du Grand Canyon, brume due à la pollution... La vue du Grand Canyon est époustouflante. C'est vraiment aussi grandiose qu'on me l'avait dit.

Le dernier soir nous tenterons notre chance aux casinos de las Vegas. Si on pouvait décrocher le jackpot et rester, ça ne nous déplairait pas...

Tant de souvenirs et d'images se bousculent encore dans ma tête. Mais on ne peut pas forcément mettre sur le papier les instantanés qui ont fait de ce voyage ce qu'il a été. Les rires partagés pour des bêtises, la montée d'adrénaline face au vide, le souffle coupé par la beauté d'un paysage, l'émotion à voir des dizaines de marmottes s'enfuir devant soi, le piqué d'un aigle chassant, la sensation de plénitude en contemplant les étoiles dans le ciel la nuit au-dessus de Monument Valley, et se dire "ça y est, j'y suis enfin, j'ai accompli un rêve". Autant d'instants précieux qui resteront à jamais dans mon coeur... Je ne sais plus qui a dit "la première chose à faire pour qu'un rêve se réalise, c'est de se réveiller". Alors réveillez-vous !

Susana Gonzalez, © Août 1999

Si John Ford vous a fait rêver, faites du rêve une réalité

Si vous souhaitez vous aussi vivre ce circuit exceptionnel de 16 jours c'est possible. Côté équitation, il faut maîtriser les trois allures et avoir une certaine expérience de l'extérieur. Côté balades à pied, c'est à la portée de tout le monde, d'autant qu'elles sont toujours escamotables. Si la langue de Shakespeare vous fait défaut, ça ne sera pas un problème, un accompagnateur bilingue sera à vos côtés pour vous aider à communiquer.

Pour partir dans des conditions uniques, avec un spécialiste de la région, prenez contact avec l'Agence du Voyage à Cheval : www.agenceduvoyageacheval.com ou Rémy Pagnard au 03 81 62 02 96