A cheval chez les Buckaroos du Nevada

Publié le 29 juin 2011 par Calamitysuz

Durant l’été 2007, de terribles incendies ont ravagé l’Idaho. Des centaines de milliers d’hectares sont parties en fumée. Afin de sauver le bétail, on a abattu les clôtures pour permettre aux bêtes de s’enfuir et de trouver de nouvelles pâtures. L’automne venu il faut rassembler les bêtes afin de les trier et les ramener dans les pâtures d’hiver. On a fait appel aux Buckaroos. Notre petit groupe de cavaliers français va pouvoir vivre cette aventure extraordinaire inédite.

Octobre 2007, direction Jackpot dans le Nevada. Un nom pareil ça ne s’invente pas. De fait la ville se trouve à un mile de l’Idaho, construite de toutes pièces 10 minutes après l’interdiction du jeu dans l’état. Les propriétaires des casinos ont chargé leurs machines sur un camion et les ont posé de l’autre côté de la frontière, littéralement. Détail intéressant, alors que la ville se trouve donc dans le Nevada, elle est à l’heure de l’Idaho. Heureusement les panneaux sur la route avertissent les distraits du changement de « time zone ». Jackpot compte 1500 habitants, dont 900 employés du principal casino, une ville typique du Nevada uniquement orientée vers le jeu... et pourtant nous sommes chez les véritables descendants des Vaqueros !

A Salt Lake City, le temps est couvert et assez froid. Autour du petit déjeuner à l’hôtel nous faisons connaissance avec le groupe de cavaliers : 3 garçons, 8 filles ! Les cowboys vont être contents…

Nous chargeons le minibus et quittons la ville vers 9h15, direction le nord. Il bruine et le ciel est chargé, le vent souffle violement de l’est. Nous admirons les marais salants et les montagnes de sel exploité sur le grand lac salé. Le grand bassin est un vaste désert entouré de montagnes plus ou moins hautes. Le sel affleure un peu partout. Nous passons à côté de Bonneville où se trouve la célèbre piste utilisée pour les records de vitesse de voitures (ou autres engins du genre). Quelques cours d’eau entourés de cottonwoods donnent des tons d’automne à un paysage par ailleurs plutôt gris.

Nous arrivons au ranch vers 13h30. C’est une vraie maison de bois, à l’architecture assez sobre mais qui finalement ressemble assez à « la petite maison dans la prairie ». Sauf qu’en fait de prairie, elle se trouve au pied d’une montagne, au bord d’une petite rivière. Elle est ainsi abritée du vent sur au moins trois côtés. Une vaste pâture héberge les chevaux (et les vaches durant l’hiver). Bo et Cathy les propriétaires se sont construit une nouvelle maison en hauteur. Une immense antenne parabolique rappelle que la civilisation est là, traditions et modernité peuvent cohabiter en toute entente.

Les filles bénéficient du confort : nous nous installons au premier étage dans les trois chambres à coucher. Les garçons ont droit à une wall-tent (les grandes tentes pionniers en toile) équipée d’un poêle de l’autre côté de la rivière à l’abri de quelques arbres. Rémy, le guide, a lui droit à son propre tipi. Nous faisons connaissance avec René, le co-organisateur de ce séjour, Bo, le propriétaire et tout un tas d’autres personnes dont il me faudra quelques jours avant de mémoriser les noms et qui est qui. Gregg nous frappe tout de suite par son côté plus vrai que nature. Il est sellier et comme Bo « minister », pasteur Baptiste. Il a le vrai look Buckaroo : les moustaches, le foulard, le gilet sur la chemise, le chapeau, les bottes au cuir travaillé souvent enfilées au-dessus des bottes (afin d’en montrer tout le travail).

Bo, le propriétaire des lieux, arbore fièrement le vrai look Buckaroo, avec la barbe et les grandes moustaches aux pointes affinées à la cire, une carrure immense et un ventre qui dépasse de sa ceinture (on comprendra au fil des repas du ranch pourquoi). Ce qui m’a frappé chez lui c’est son regard, plein de douceur, d’étonnante sérénité. Il est révérend ne se réclamant d’aucune église mais uniquement de la bible. Nous avons eu droit à la prière avant chaque repas, mais la religion n’a jamais été abordée.

Un autre détail m’a vite frappée : la présence des colts à la ceinture. A chaque départ à cheval, le colt est placé dans son holster à la taille, dans la plus pure tradition western. Le jean, les chinks, le colt, le foulard, le chapeau, les moustaches, on peut difficilement faire plus « cliché ». Les Buckaroos ont clairement gardé intactes toutes leurs traditions et ne sont pas prêts de les abandonner. Et ça n’est même pas pour le folklore, ils sont bien au-dessus de ça. C’est tout simplement leur quotidien, leur façon de vivre. « Hollywood a fait beaucoup de tort aux cowboys » nous a expliqué Gregg. Dans les films on voit partir le cowboy sur son cheval et la nuit venue faire apparaître cafetière, roll bed (couvertures pour dormir) et provisions. Dans la réalité, un cowboy qui partirait de Jackpot à Salt Lake City par exemple emporterait au moins 3 à 4 chevaux. Deux de bât et un autre de remplacement et il lui faudrait plusieurs jours pour couvrir la distance. Hollywood a peut-être nuit à la réalité, mais en attendant il a faire connaître cette vie pour toute une population qui n’en aurait jamais rien su autrement que par le cinéma. Et que le premier cavalier passionné de l’ouest qui n’a pas découvert le monde western grâce à John Wayne lève la main.

Nous partons dès l’après-midi pour une première balade, histoire de jauger cavaliers et montures. La préparation des animaux nous prendra un long moment. Le temps de nous expliquer comment seller et préparer son cheval, la plupart des cavaliers viennent du classique, ils n’ont jamais vu une selle western.

Le filet traditionnel est l’hackamore dont le mecate (longe) est passé soit dans la corne soit à la ceinture. Passer la longe à la ceinture permet d’avoir les mains libres quand on descend de cheval, tout en l’ayant « en laisse ». Ici les chevaux ne sont pas dressés comme au Texas à ne plus bouger dès qu’une rêne est au sol. Il faut dire que la plupart des rênes ici sont attachées donc la technique n’est pas vraiment applicable facilement (cela implique de passer les rênes par-dessus la tête du cheval, donc perte de temps). Les buckaroos utilisent beaucoup le double sanglage. On nous explique que la deuxième sangle est toujours la dernière à être fixée et la première à défaire. Elle doit être suffisamment serrée pour ne pas risquer de venir taper l’arrière sous-ventre du cheval (rodéo assuré) ou risquer que celui-ci y glisse la jambe dans une pente par exemple. Au niveau des étriers, la préférence va à de très larges étriers en bois recouverts de métal, lourds et stables. La selle Buckaroo est par définition une selle de travail dans une région montagneuse. Le Nevada est l’état qui compte le plus de montagnes aux US, même si ça ne sont pas forcément les plus élevées.

L’avantage d’un vrai ranch de travail, et non un « dude ranch » spécialisé dans l’accueil, est de pourvoir partager la vie quotidienne de ses habitants et non une imitation plus ou moins réussie. Le prix à payer ? Dans notre cas : une salle de bain-WC pour 12…

Après ma surprise lorsque j’ai vu Bo et Gregg partir avec leurs armes, je réalise que je n’ai jamais été aussi loin dans la culture profonde des cowboys. Ici je suis au fin fond de la campagne américaine, avec une vie qui reste celle du début du siècle dernier (malgré la parabole à l’entrée du ranch, l’électricité et l’eau courante). Plus qu’ailleurs je sens ce vieil ouest tel qu’il a existé et que j’espérais encore exister (si on en croit les livres soit disant experts de l’ouest, il a disparu) mais pas ouvert aux étrangers.

Le lendemain matin, nous dégustons un véritable menu cowboy : pancakes, bacon, œufs brouillés, toasts, fruits et café (si on peut lui donner ce nom). Après redistribution des chevaux j’hérite de Macaroni, appelé Mac, C’est un vieil appaloosa de 20 ans, un vieux routier qui m’enseignera le métier et sur lequel je me régalerai toute la semaine.

Nous voilà partis pour une première journée essentiellement destinée à la balade et à la vérification d’un champ pour le cas où il y traînerait encore quelques vaches. Il fait très beau, chaud. Après les -4°C du réveil, la polaire est vite superflue. Le paysage est aride. Des buissons rabougris, beaucoup de sauge, des genévriers. Là où l’eau coule des bosquets de trembles aux feuilles jaunes colorent le paysage. De nombreux rochers animent les collines et forment des éboulis. Nous sommes à près de 2000 mètres d’altitude, le ranch est lui à 1600. Des plateaux balayés par le vent sont présents vers l’est. Vers l’ouest des sommets plus hauts, enneigés, les Jarbridge mountains, le « diable » en langue Shoshone.

Nous nous arrêtons déjeuner dans une sorte de creux à l’abri du vent. Nous admirons le paysage en contrebas, le regard portant à l’infini. René nous a remis des sacoches faites de jambes de jean cousues. Attachées à l’arrière de la selle, elles font des fontes parfaites et bon marché. Nous y avons glissé notre déjeuner et bouteille d’eau avant de partir.

Après le repas, Bo et une partie des cowboys nous abandonnent pour s’occuper d’un groupe de vaches que nous avons vu lors de notre ascension. Nous repartons avec Gregg et René. Ici le relief est escarpé et nous passons notre temps à zigzaguer, à monter et à descendre, parfois cherchant par où poursuivre quand une descente semble se terminer en falaise sans possibilité de passage. Nous avons fini par débusquer un groupe de vaches que nous avons poussées jusqu’à la vallée. La journée, assez courte finalement, s’est terminée là. Retour au ranch dans la poussière (la route est de la piste, mais avais-je besoin de le préciser ?) et une bonne ambiance.

Surprise après le dîner ! Smokey, un cowboy qui sera avec nous demain, a apporté sa guitare. Superbe soirée de vraie musique country populaire. L’avantage de la chanson sous cette forme, avec juste une guitare sèche et un cowboy qui articule (plus ou moins) est que l’on peut comprendre les paroles (pas comme toutes ces chansons où la musique est si présente qu’on n’y comprend rien). L’une des raisons du peu de succès de la country en France est notre méconnaissance de l’anglais. Les chansons traditionnelles sont toutes des chansons à texte.

A 21h30 ( !) tout le monde est parti et René nous explique comment nous travaillerons le lendemain pour rassembler les bêtes. Il a pris la peine de faire un croquis. L’important est de toujours garder à portée de vue son voisin de droite et de gauche et de gérer les vaches devant soit. Normalement cette technique permet de ne rater aucune vache. Pour le coup, comme nous serons dans la vallée, nous allons vraiment faire un U. La théorie est simple, nous verrons demain pour la pratique. Etre à la bonne place à côté du bétail demande une attention constante. Deux secondes d’inattention et l’on est en train de couper le troupeau.

Au programme 11 miles de piste : 11 miles en ligne droite par la route, sauf qu’évidemment nous n’y serons pas beaucoup sur la piste ! Il fait vraiment beau, chaud dès le matin. Je passerai la journée juste avec le tee-shirt et une sur-chemise. Nous essayons de le mettre en pratique les techniques expliquées la veille. Nous nous séparons comme indiqué à l’arrière des premières bêtes. Bo et Gregg partent avec quelques cavaliers, René d’autres et je reste avec l’équipe de Debbie, qui me demandera de rester à proximité pour traduire si nécessaire. Toute la première partie du rassemblement/déplacement se fait dans les collines. La vallée est coupée par une petite rivière, une partie du groupe ira donc de l’autre côté, je reste sur la gauche. Cette partie est escarpée, pleine de descentes et montées, d’arbres, difficile de ne pas perdre de vue son plus proche voisin. De temps à autre nous nous appelons, j’apprécierai le gilet rouge de Nelly. Le rythme est lent, les cavaliers pas toujours à la bonne place (mais ça c’est normal) puisque c’est une première pour tout le monde.

Mac répond vraiment bien aux ordres même s’il a parfois tendance à vouloir aller retrouver ses copains. Comme toujours ça regorge de lapins. Je suis surprise quand l’un d’eux reste assis un moment à me regarder avant de se décider à partir. Je crois bien que c’est la première fois qu’en j’en vois un de si près et à l’arrêt ! Au bout d’un moment Debbie nous demande d’accélérer sinon on y sera encore à la nuit tombée. Nous accélérons donc franchement sur les derniers kilomètres. Le petit trot de Mac est très agréable. Moi je dis, le « jog », il n’y a que ça de vrai. Nous arrivons enfin à la clôture où Gregg s’est posté pour compter les têtes. Bo arrivera quelques instants plus tard avec 6 bêtes supplémentaires, pour un total de 398 (sans compter les petits veaux). Il est 17h00 passées, la journée a été longue...

On nous annonce le programme du lendemain : rassemblement chez un voisin et séparation des taurillons. Superbe occasion de voir du vrai travail de ranch à l’ancienne. Opportunité unique d’être accueillis chez un voisin qui accepte de nous ouvrir ses portes et « travailler » chez lui.

Quand la météo se mêle de plans parfaitement préparés…

Nous nous réveillons sous des trombes d’eau et Bo nous dit qu’on attend que le temps se lève un peu ou que le voisin nous appelle pour aller le rejoindre. En attendant René nous présente le matériel de débourrage des buckaroos. Ici ils travaillent les jeunes chevaux à l’hackamore, celui qu’on appelle plus souvent bosal, un anneau en forme de goutte en cuir tressé. Il appuie sur le chanfrein du cheval et ne touche pas du tout à la bouche. Les branches épaisses sont du même diamètre que les rênes, fermées. Au fur et à mesure de l’évolution du travail, le diamètre des branches diminue (ainsi que celui donc des rênes). Ca n’est que bien plus tard que l’on passe au mors de bride. D’ailleurs au départ on met le mors au cheval et on le laisse libre pour qu’il s’habitude à l’objet avant de commencer à travailler avec. L’intérêt est de conserver la bouche la plus sensible et intacte possible.

Nous partons enfin retrouver notre voisin. Accompagnés de Steve, le propriétaire, et son fils nous partons vers un champ. Nous nous séparons en deux groupes de part et d’autre de la rivière faisant une grande boucle pour rabattre toutes les bêtes. La pluie menace mais nous n’écopons que de quelques gouttes. Nous ramenons les bêtes à travers des pâtures assez plates, sans arbres, une seule petite colline. Nous sommes à la sortie d’un canyon, au bord d’une succession de plateaux, une vallée naturelle qui n’a pas nécessité d’être particulièrement préparée pour accueillir les pâtures à bétail.

Nous faisons entrer les bêtes dans un champ à côté de la maison et il se met à pleuvoir sérieusement. Nous mettons nos chevaux à l’abri dans de vieux bâtiments de bois qui doivent servir de boxes occasionnels, ou à engranger le foin. Certains sont faits avec de vieilles traverses de voie ferrée, un autre en vieille pierre. On a vraiment là l’histoire de la conquête de ce pays. Plus ça va et plus je sens le poids de l’histoire, bien plus que je ne l’ai jamais senti lors de mes autres voyages aux Etats-Unis.

Le temps de finir de déjeuner, la pluie s’arrête enfin. Steve demande qui est volontaire pour continuer à travailler : tout le monde. Quelle surprise ! Il rigole, il n’a jamais eu une équipe aussi nombreuse… ni probablement aussi féminine. Steve et son fils se mettent au travail. Ils nous expliquent qu’ils doivent sortir certaines bêtes du troupeau. Nous nous installons donc en ligne pour créer une barrière afin de les bloquer. L’occasion de les voir travailler est unique. Bo est particulièrement époustouflant, il a une allure folle, des pointes de vitesse exceptionnelles. Un cavalier hors pair. Ce qui est assez drôle car quand on le voit à pied, il a un côté plutôt débonnaire et son ventre proéminent pourrait faire croire à des aptitudes moins fines. On sépare d’un côté, puis de l’autre. On renvoie le groupe dans une pâture, on récupère les séparées qu’on re-sépare à nouveau. Difficile de suivre ce qu’on sépare vraiment… Nous ne sommes pas très performants et une ou deux bêtes parviennent à s’échapper. Je suis assez vexée, aussi nombreux et on se laisse avoir par un futur steak haché (Steve nous dira en riant qu’ils ont passé l’été à courir après cette vache !).

Enfin nous partons dans une prairie rassembler les bêtes pour les ramener au corral. Les couleurs sont superbes. Le ciel est de plomb, quelques rayons éclairent la prairie jaune des foins récemment coupés. Tout le monde s'amuse, certains commencent à vraiment apprécier le travail à cheval et à faire preuve d’un véritable intérêt. Ils regardent, écoutent et arrivent à agir correctement.

Le programme du jour suivant consiste à repartir rassembler des vaches dans une autre pâture. Sauf que la route en a décidé autrement. Sur une pente Bo est passé, René s’est embourbé et Rémy a fait marche arrière pour prendre de l’élan et passer sauf qu’il a glissé dans la boue et est parti sur le bas côté. Le sol est lourd (très lourd) et collant. Nous descendons du minibus et en deux secondes nos pieds pèsent trois kilos chacun, la boue attache. Nous déchargeons les chevaux de façon à qu’une fois libéré du poids de 8 chevaux René parvienne à se désenliser. Bo détache le pick-up du van pour aller sortir le minibus de Rémy. Et pour couronner le tout il se met à neiger. René sort son harmonica. Greg propose d’allumer un feu et de sortir les haricots… Puis il nous propose un « cow pie contest » : le jeté de bouse de vache. Le principal dans l’histoire consiste à choisir la bonne bouse : bien sèche (forcément), légère, aérodynamique. Tout le monde se prête au jeu et je fais le reportage photo. Ca je n’avais jamais fait ! D’un commun accord le programme est abandonné, le risque est trop grand d’aller s’enliser plus loin et puis tout le monde a froid. La neige finira par s’arrêter assez rapidement et nous partons en balade.

La vue est superbe. Les grands espaces à perte de vue avec quelques plateaux nus. Du haut d’une colline avec de grands genévriers nous admirons la vallée. Etonnante descente sur un sol plein de pierres, ce qui ne pose aucun problème aux chevaux bien évidemment. Petit galop sur une piste. Nous allons jusqu’à l’une des zones brûlées cet été. Les incendies ont commencé le 5 juillet suite à la foudre. Phénomène assez courant, il a été ignoré dans un premier temps et puis tout le monde a été débordé. Des centaines de milliers d’hectares ont brûlé. La chaleur extrême a sérieusement endommagé la terre. Le BLM (Bureau of Land Management – nos Eaux et Forêts) a décidé d’ensemencer en suivant la règle habituelle de la biodiversité. Les ranchers ont réussi à négocier qu’ils ne plantent qu’un seul type de buisson et de l’herbe à forte valeur protéinée. Face à l’ampleur de la catastrophe, le BLM a cédé, mais dans un premier temps il voulait replanter de la sauge alors qu’il s’agit d’une plante parasite, même pas originaire de la région. Il y en a tellement que de toutes façons, les arbustes auront tôt fait d’envahir les terres. Mais la nature reprend ses droits toute seule et les premiers brins d’herbe font déjà leur apparition au milieu des branches calcinées.

Quelques nouveaux flocons de neige nous sont apportés par le vent. Le déjeuner est dans les glacières dans la voiture mais comme il fait froid nous chargeons les chevaux et rentrons à la maison.

L’après-midi, René nous explique comment préparer des chevaux de bât. La règle principale est l’équilibre et ensuite l’art de faire des nœuds. Seuls les marins, montagnards et cowboys utilisent encore les nœuds aujourd’hui. Le poids maximum à mettre sur un cheval est d’environ 70 kgs et pas plus de 5 à 7 chevaux attachés en ligne. La neige tombe par intermittence puis à gros flocons quand nous nous attaquons au lasso. Il fait froid (oui, je sais, la neige c’est froid). J’explique quelques bases à certains et René me glisse d’autres trucs que je ne connaissais pas. Mais avec les mains glacées difficile de faire des prouesses...

-6° au réveil, l’hiver est à la porte…

La météo semblant peu disposée à collaborer, nous partons en balade dans la colline derrière la maison. Nous bénéficions d’une vue extraordinaire sur un canyon au fond duquel coule une rivière. Les couleurs sont étonnantes. Quelques flocons tombent, le vent souffle, il fait froid… Nous passons au-dessus de Jackpot, guère plus impressionnante de jour que de nuit. C’est vraiment minuscule ! On rentre pétrifiés de froid pour le déjeuner. Pain de maïs, haricots rouges, cookies. Le repas chaud n’est pas de trop.

Comme toujours dans ce genre de séjour, la semaine a filé avant que l’on n’ait vraiment réalisé que les jours passaient. Les adieux sont difficiles, nous serions bien restés quelques jours de plus à participer au travail, la météo capricieuse nous ayant joué un bien mauvais tour. Nous disons au-revoir à ces étonnants buckaroos méconnus en nous promettant d’essayer d’en apprendre davantage sur leur culture équestre.

Susana Gonzalez

Les Californios

Dans le nord du Nevada, les cowboys sont appelés Buckaroos. Le terme buckaroo vient de l’espagnol vaquero. La tradition buckaroo trouve ses racines chez les Californios.

Les Californios étaient des colons de langue espagnole de Haute Californie, d’abord possession espagnole puis mexicaine, bien avant l’annexion par les Etats-Unis en 1848. Les Californios étaient de descendance espagnole et mexicaine, vivant autour des missions établies par l’église catholique. Dès 1830 les Californios se sont différenciés des mexicains en s’attribuant des terres après la dissolution des missions mais la découverte de l’or en Californie les fera disparaître vers 1850. Certains descendants se réclament encore Californios mais il est difficile de différencier à l’heure actuelle leur culture de celle des mexicains. Si leur histoire est peu connue, au moins un californio a laissé sa marque dans l’histoire. Il se faisait appeler Diego de la Vega, mais était plus connu son le nom de… Zorro !

Les traditions cowboys

Si le terme de Buckaroo est peu connu en France, il nous rappelle surtout qu’il n’existe pas une mais plusieurs traditions cowboys. Du cowboy texan à celui de Floride en passant par le Paniolo d’Hawaï, chaque région a développé sa culture en fonction de ses besoins et de sa situation.

Le cowboy Texan

Au début des années 1800, la couronne espagnole puis le Mexique offrirent des terres dans ce qui allait devenir le Texas à des colons des Etats-Unis. En 1821, les premiers anglo-saxons arrivèrent dans cette communauté espagnole. Suite à l’indépendance du Texas en 1836, encore plus d’américains arrivèrent sur les zones de ranch du Texas. Ici les colons furent fortement influencés par la culture vaquero mexicaine, empruntant leur vocabulaire et tenues, mais aussi leurs traditions et culture de travail du bétail. Le cowboy texan était généralement un célibataire qui vendait ses services d’une saison à l’autre.

Après la guerre, la culture vaquero s’étendit vers l’est et le nord, se combinant aux traditions de l’est qui se développa tandis que les colons partaient vers l’ouest. D’autres traditions ont vu le jour comme le déplacement du bétail massif mis en place pour atteindre les voies ferrées du Kansas et du Nebraska.

La tradition du cowboy texan tient donc ses racines d’une combinaison de cultures différentes, ainsi qu’à l’adaptation à la géographie et climat de l’ouest du Texas et le besoin de déplacer les animaux sur de grandes distances.

Le Buckaroo de Californie

Le Vaquero, cowboy espagnol ou mexicain, qui travaillait les jeunes chevaux, a vu le jour en Californie et sur les territoires proches pendant la période coloniale espagnole. Les colons américains n’arrivèrent en Californie qu’après la guerre Américano-mexicaine, la plupart étant des chercheurs d’or plutôt que des ranchers, laissant donc cette tâche aux espagnols et mexicains restés en Californie. Le vaquero ou buckaroo était considéré comme un travailleur hautement qualifié, qui restait généralement dans le ranch où il était né et où il faisait vivre sa famille. Par ailleurs la météo de Californie, très différente de celle du Texas, permet un pâturage plus intensif (par opposition à « l’open range »). De même la vente des animaux se faisait essentiellement sur place sans besoin de déplacer les troupeaux. La culture cowboy de Californie et du nord-ouest a donc gardé une influence espagnole plus forte qu’au Texas.

Les cowboys de cette région furent appelés buckaroos (déformation de vaquero) par les colons anglais. Le terme continue à désigner les cowboys du Grand Bassin, d’une partie de la Californie et quelques zones du nord-ouest.

Le “look” Buckaroo inclut la moustache, le chapeau “old style”, la chemise avec un gilet, des bottes travaillées portées généralement au-dessus du pantalon.

Le « cowhunter » ou « cracker cowboy » de Floride

Le cowboy de Floride des 19ème et début du 20ème siècle est également différent de celui du Texas ou de Californie. Les cowboys de Floride n’utilisent pas le lasso pour attraper le bétail. Leur outil principal est le fouet et les chiens. Les animaux, vaches et chevaux, de Floride sont petits. La vache native de la région pesait en moyenne 300 kilos, avec de longues cornes et de grands pieds. Les cowboys n’ayant pas besoin d’une corne pour leur lasso, la plupart n’utilisaient pas de selle western, préférant les selles McClellan. Si certains portaient de hautes bottes pour se protéger des morsures de serpents, la plupart portaient des brogans (sorte de bottine militaire). Ils portaient des chapeaux de paille bon marché et des ponchos pour se protéger de la pluie.

Le bétail fut introduit en Floride à la fin du 16ème siècle. Pendant le 17ème les propriétaires des ranchs étaient des espagnols qui approvisionnaient les garnisons espagnoles et Cuba. Ceux-ci faisaient appel à quelques vaqueros espagnols, mais la main d’œuvre était surtout indienne. Les maladies et les guerres finirent par mettre fin aux ranchs espagnols au début du 18ème siècle. Les indiens commencèrent alors à rassembler le bétail abandonné mais ils furent déplacés par le gouvernement américain au 19ème siècle. Au milieu du 19ème les blancs géraient de grands troupeaux sur les espaces ouverts de Floride du sud et du centre. Ces troupeaux devinrent critiques lors de la guerre de sécession, un groupe militaire étant formé pour les protéger des raids des soldats nordistes. Après la guerre, les troupeaux de Floride étaient essentiellement destinés aux marchés du Golfe du Mexique et de Cuba.

Le Paniolo Hawaïen

Le cowboy hawaïen est un descendant direct des vaqueros de Californie et du Mexique. Le terme serait une hawaïenisation du terme “espagnol”. Ceux-ci tirent donc leur tradition des vaqueros mexicains.

Au début des années 1800, les quelques bêtes offertes au roi d’Hawaï s’étaient multipliées de manière astronomique créant de réels problèmes sur l’île. En 1812, un marin installé sur l’île obtint l’autorisation de capturer les bêtes en liberté et de développer une industrie du bétail.

A l’origine, la tradition hawaïenne de ranching consistait à capturer les animaux sauvages en les conduisant dans des trous creusés dans la forêt. Une fois les animaux quelque peu calmés par la soif et la faim, des rampes permettaient leur sortie. Ils étaient attachés par les cornes à celles d’un animal dressé et conduits vers les paddocks où ils trouvaient de l’eau et du fourrage.

Lors d’une visite en Californie (encore mexicaine à l’époque) en 1832, le roi d’Hawaï fut impressionné par les dons des mexicains et en invita quelques-uns à venir enseigner le travail du bétail. Encore aujourd’hui, l’équipement traditionnel du paniolo reflète l’influence de l’héritage vaquero. La selle hawaïenne traditionnelle, la noho lio, ainsi que de nombreux outils sont clairement d’influence mexicaine/espagnole et de nombreux ranchs portent encore le nom des vaqueros qui ont épousé des femmes hawaïenne et sont restés sur place.

A votre tour !

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