Vacances à Venise : autoportrait de David Lean en Jane Hudson

Par Cineblogywood @Cineblogywood

En DVD : De David Lean, on est tous capables de citer au moins Lawrence d'Arabie, Le Pont de la Rivière Kwai ou le Docteur Jivago. Un peu moins, Brève rencontre. Et pour le reste, c'est l'oubli total... Et c'est bien dommage !
Parallèlement à la ressortie de ses principales oeuvres britanniques des années 40-50 – période Noël Coward au scénario (L'Esprit s'amuse, Heureux mortels), et Dickens à l'inspiration (Oliver Twist, Les Grandes espérances) – Carlotta ressort une perle du réalisateur, que je méconnaissais totalement, et que je vous encourage à découvrir tout de suite : Vacances à Venise (Summertime, 1955). Une oeuvre charnière dans le parcours du réalisateur à plusieurs titres.
Premier film de David Lean réalisé outre-Manche
- C'est tout d'abord le premier film de son auteur à être réalisé à l'extérieur de la Grande-Bretagne. Pourtant très reconnu à l'époque (cf succès international de Brève Rencontre en 1945), il a attendu 10 ans avant de s'aventurer outre-Manche. Etonnant quand on voit la suite de son parcours. Et qui confère à ce film un statut de film charnière.
- Passé maître du noir et blanc – revoyez Les Grandes espérances pour vous en convaincre, ! David Lean s'aventure là encore en utilisant la couleur. Et de quelle manière ! Flamboyance du Technicolor en 1.33, d'où qui rappelle la technique des impressionnistes. Jamais Venise n'aura été filmée avec autant de vitalité.
Portrait de femme au bord de la crise nerf
- Pour la peinture psychologique d'une âme féminine. On a tendance un peu vite à classer l'auteur du Pont de la rivière Kwai comme un cinéaste d'homme. Et pourtant, rappelez-vous Lara dans Docteur Jivago, Sarah Miles dans La Fille de Ryan, ou le personnage principal de La Route des Indes, son dernier film. Et que dire de Lawrence d'Arabie, dont l'auteur a su restituer les doutes et atermoiements, au-delà de son image de conquérant. Là, à travers le personnage de Jane Hudson incarné par Katherine Hepburn, il dépeint avec la précision d'un Graham Greene le portrait d'une Américaine solitaire, charmeuse et romantique en prise avec le sortilège de Venise...
- Pour Katherine Hepburn. Jamais je ne l'ai vue aussi resplendissante, radieuse et abandonnée qu'ici ! Rien à voir avec la mante religieuse de Soudain l'été dernier. Certes toujours indépendante, elle se laisse attirer par le charme d'un antiquaire vénitien,  et les sortilèges de la ville. Sixième nomination aux Oscars pour l'actrice !
- Pour au moins 2 scènes d'anthologie : l'une plutôt comique : la plongée accidentelle de l'héroïne dans les les eaux vénitiennes ; l'autre, plutôt mélodramatique : la double scène dite du gardénia, d'une finesse et d'une beauté à faire pâlir d'envie un Douglas Sirk !
Pour oublier Mort à Venise
- Pour Venise : on cite trop souvent Mort à Venise de Visconti ou Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg comme films ayant magnifié la cité des doges au cinéma. Certes, mais sous son côté obscur, voire morbide.….Ici, rien de tel : place à une flamboyance solaire et mélancolique qui explose !
- Enfin, pour redécouvrir David Lean. Non le cinéaste épique des années 60, mais le portraitiste intimiste et mélancolique d'êtres en butte sur une réalité qui ne s'accorde que très difficilement à leurs désirs. Une sorte d'auto-portrait, en somme !

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