La construction en cinq chapitres clairement découpés, narrés en voix off par cinq des personnages que rencontre Achab sur son chemin, décuple la fascination éprouvée pour ce petit bonhomme déterminé, transformé trop vite en un marin torturé et malheureux. D'un chapitre à l'autre, on change totalement d'univers, et surtout de protagonistes, puisqu'à part Achab aucun n'apparaît pendant plus d'un chapitre. D'où cette narration chorale, faisant de ce héros maudit un mystère ambulant sur lequel tout le monde a un point de vue biaisé mais pas de vue d'ensemble. Le jeune Virgile Leclaire, puis l'incroyable Denis Lavant sont deux incarnations hors pair de cet homme si fascinant. La distribution, foisonnante et judicieusement choisie, est à l'unisson. Carlo Brandt et Jean-François Stévenin sont vraiment des acteurs trop rares.
La relative froideur du cinéma de Ramos trouve un peu ses limites vers la fin, lorsque le film se focalise (de façon pas trop appuyée) sur la relation d'Achab et Moby Dick. Là, le réalisateur pioche un peu, versant subitement dans la poésie qu'il avait violemment rejetée jusque là. D'où quelques courts moments au bord de l'onirisme, pas détestables en soi, mais qui auraient gagné à être davantage suggérés. Cela n'altère pas en tout cas la beauté de Capitaine Achab, voyage intérieur et solitaire au coeur d'un mythe ne demandant qu'à être exploré.
7/10