La télévision, des habitudes pour la vie ?

Publié le 09 juillet 2011 par Fmariet

Erk Simon Dina Hammelsheim, Peter H. Hartmann, "Das Fernsehprogramm - Ein Freund fürs Leben ? ", Media Perspektiven, 3, 2011, pp. 139-146  (traduction du titre : l'émission de télévision - un ami pour la vie ?)
Que reste-t-il de la fréquentation de la télévision ? Les goûts acquis au cours de l'enfance et de l'adolescence télévisuelles perdurent-ils au-delà de ces âges pour structurer nos consommations télévisuelles d'adultes ? Combien de temps sommes-nous des enfants de la télé ? La problématique est connue et court dans toutes les analyses de consommations de média : quel est le rôle de la génération, quel est celui de l'âge ?
Pour le savoir, des chercheurs (université, télévision publique) ont approché l'effet de cohorte à partir des données extraites des données audimétriques de GfK allant de 1993 à 2010 (GfK gère et exploite le panel pour la mesure des audiences télé en Allemagne). Sept groupes d'âge de personnes de 14 ans et plus ont été constitués prenant en compte : des variables socio-démographiques de contrôle (sexe, formation scolaire, statut professionnel) ainsi que l'étendue de la réception télévisuelle (câble, satellite, terrestre). Sur ces données sont opérées de nombreuses régressions. La génération la plus ancienne est des personnes nées avant 1926.
Résultats principaux
  • Pour la durée globale de consommation, l'effet de cohorte est faible tandis que l'effet d'âge ("Alterseffekt") est fort. La durée de télévision consommée (die Fernsehnutzungdauer) augmente régulièrement avec l'âge. Ensuite, parmi les variables, la variable scolaire joue un rôle majeur : plus forte la formation scolaire, plus faible la durée de consommation télévisuelle. Le statut professionnel joue de la même manière, les personnes employées à plein temps hors de la maison regardent moins de télévision. Contrairement aux préjugés courants, ces deux résultats sont indifférents au sexe des personnes. L'effet de l'étendue de l'offre de programmes est faible.
  • Lorsque, de la durée globale, on passe aux émissions de variétés (Volksmusiksendungen), l'effet de cohorte (la génération) l'emporte sur l'effet d'âge. 
        • Effet qu'ont célébré Claude François ("Cette année là") ou Laurent Voulzy (Rockcollection), Bénabar (Maritie et Gilbert Carpentier) et Jane Birkin ("Ex-fan des Sixties"). Les goûts et dégoûts musicaux, et la propagation de la nostalgie qui s'en suit, doivent presque tout à la génération. Comme le chantent les Carpenters à propos de la radio "Its yesterday once more"...
  • Pour une émission donnée, par exemple "Tatort", série policière (Krimireihe) de 90 minutes diffusée par la première chaîne allemande (ARD, dimanche 20H15) depuis 1972, l'effet de cohorte est faible et l'effet d'âge l'emporte.
Travail remarquable par sa rigueur méthodologique et pour ses conclusions. Bien sûr, tout ceci a besoin d'être approfondi en multipliant les types d'émission, en variant les chaînes, les pays. Comment tout ceci est-il affecté par l'évolution des modes de distribution (plus longue espérance de vie des programmes, disponibles en permanence sur divers supports), par les changements de modes de socialisation (réseaux sociaux) ? Imaginons une continuation de cette étude à partir de YouTube... Cette recherche peut servir de base de départ à de nombreux approfondissements concernant d'autres médias : la presse, par exemple, aurait sans doute beaucoup à apprendre de telles études.