Le dopage

Publié le 11 juillet 2011 par Jlhuss

... puisqu'il faut bien en parler.

Le vélo pour les nuls

En espérant que la file de commentaires nous épargnera les réflexes pavloviens, les truismes habituels qui font taper sur le cyclisme – et que sur le cyclisme comme si les autres sports de haut niveau étaient épargnés par le phénomène (défense de rire, quand on parle du football par exemple)

Un peu d'histoire.

Les épreuves cyclistes d'antan étant titanesques ("les forçats de la route" - Albert Londres), l'habitude de "prendre des tisanes" (légale) a commencé très tôt. Ça allait de l'alcool fort à la cocaïne en passant par des cocktails composés en partie de strychnine (!!) avant que les coureurs – comme bien d'autres sportifs - ne passent aux amphétamines : ce sont les frères Pélissier qui ont détaillé leurs "recettes obligées" à Londres qui en a fait un livre culte.


Les amphétamines ne donnent pas de forces. Elles diminuent la douleur, réduisent les sensations de fatigue, de faim, de soif, permettent de repousser les limites - parfois tellement qu'on en meurt. Toutes ces sensations sont des signaux d'alarme que dame nature a prévus pour nous avertir.
C'est en 1966 qu'on a commencé à les traquer, avec des tests urinaires considérés comme dégradants (Anquetil disait que "coureur cycliste, c'était le seul métier qui impose de montrer son sexe pour avoir le droit de le pratiquer") : le prélèvement se fait devant un médecin qui s'assure qu'on ne remplit pas l'éprouvette avec du pipi venu d'ailleurs (c'est arrivé : un tricheur a ainsi appris qu'il était… enceinte après avoir substitué l'urine de sa femme à la sienne). La vraie prise de conscience a eu lieu en 1967, avec la mort de Simpson sur le Ventoux. L'Anglais, chargé comme une mule et qui avait dépassé ses limites fut en plus très mal soigné ; le médecin de l'époque, connu depuis deux décennies fut remplacé après ce triste épisode. Il y a toujours des progrès à faire en termes de soins : on a vu hier comment on déplaçait un coureur dont le bassin était fracturé...
Progressivement les amphétamines, sans disparaître totalement (surtout chez les amateurs) ont cédé la place à d'autres "substances" dont la cortisone (ne cherchez pas pourquoi de nombreuses carrières furent abrégées par des douleurs atroces aux genoux, privés de cartilages). Il y a eu ensuite l'EPO - à l'origine un médicament donné aux gens anémiés par des chimiothérapies - qui permet de hausser considérablement le taux d'hématocrite (la substance qui véhicule l'oxygène et le CO2 entre les poumons et les muscles). Des mobylettes se sont transformées en bolides de formule 1, de bons coureurs – sans plus – sont devenus des cadors. C'était le moment où d'illustres inconnus l'année passée dépassaient au train et sans même transpirer des champions reconnus, dressés sur les pédales. Puis l'EPO fut détectée jusqu'à ce qu'on perfectionne la molécule (passage à l'EPO CERA). On institua alors les "passeports sanguins" qui permettent de mettre hors course un coureur dépassant les 50% d'hématocrite, sauf si la médecine peut prouver qu'il y a un motif pour cela (exemple : les Colombiens qui vivaient à 3.000 mètres d'altitude en atmosphère raréfiée)
L'EPO CERA a rendu nécessaire sa détection par contrôles sanguins, de même que la testostérone et les transfusions. (Un sportif qui "améliore" sa formule sanguine avec du sang de son groupe et de son rhésus est facilement repris par la patrouille ; s'il se charge avec son propre sang, c'est plus difficilement détectable… mais commence à y arriver)
On ne citera pas de nom parce qu'il ne faut jamais accuser sans preuve, mais de curieux décès de sportifs – et pas que des cyclistes, loin de là : en ce domaine le football ou l'athlétisme sont fort bien représenté – sont dus à ces transfusions. Parce qu'un tel "geste médical" pratiqué avec des poches conservées dans des glacières domestiques dans un environnement "chambre d'hôtel", pour provoquer des chocs anaphylactiques ou des septicémies foudroyantes…
Quelques réflexions, en vrac.
Il est absurde de nier le dopage dans le vélo. Mais il faut le replacer dans le contexte : c'est le seul sport où on pratique tant de contrôles autant urinaires que sanguins (aucun contrôle sanguin pour le football… donc les 2/3 des molécules "efficaces" sont indétectables). C'est clair que quand on cherche, on trouve ; si on ne cherche pas, on est sûr de ne pas trouver ! Et les footeux sont d'une parfaite mauvaise foi quand ils disent que leur discipline est affaire de dextérité plus que de force pure : d'abord on cavale (beaucoup) sur un terrain ; ensuite quand on manque de lucidité à cause de la fatigue, je doute que la précision des passes et des tirs soit identiques.
Quand les performances augmentent et que les records tombent en athlétisme et en natation et ce dans des conditions surréalistes, c'est "le progrès humain". En vélo, c'est "la preuve que ce sont tous des dopés" alors que les progrès en matériel ont été gigantesques ces vingt dernières années. (Je me suis toujours demandé si l'arrêt brutal de la carrière de Manaudou n'était pas dû au fait qu'elle ne voulait pas devenir une camée).
Les cyclistes professionnels sont les seuls à devoir signaler leur présence partout dans le monde, à subir des contrôles inopinés 365j sur 365 sans préavis, pour compléter le "passeport sanguin". (Les autres sportifs, rarement contrôlés, ne le sont que dans les stades)
Cela permet de les "tracer" (une augmentation du taux d'hématocrite qui ne correspond pas à un séjour en altitude ou à un entraînement en caisson dépressurisé, c'est signe de transfusion ou de cure d'EPO) Des anomalies dans "le passeport" et le coureur – voire son équipe – sont indésirables sur telle ou telle grande épreuve. Landis a été privé de son Tour. Vous imaginez une équipe de football privée de sa coupe du monde parce que ses joueurs auraient "pris un truc" détecté huit jours après ?
Une dernière remarque, sur le cyclisme français. Nous avons la chance d'avoir une AFLD intraitable sur la lutte anti dopage, très en avance sur les autres pays. Peut être est-ce pour cela que les performances de nos pioupious sont en deçà ? (paramètres parmi d'autres ; parce que logistique et méthodes d'entraînement comme exigences des directeurs sportifs entrent aussi en ligne de compte) A noter qu'au fur et à mesure que l'UCI est contrainte de faire son job de façon moins laxiste, les Français deviennent meilleurs comparés aux autres.
Dopage "bizarres", dans divers sports.
Anabolisants vétérinaires pour augmenter la masse musculaire.
Bêta bloquants (anti hypertenseurs) pour diminuer le rythme cardiaque.
Antidépresseurs (laroxyl) pour diminuer les tremblements (tir, arc, et… pétanque; Il faut dire qu'à Marseille il se joue parfois des dizaines de milliers d'euros dans des paris clandestins, sur une partie)
Ventoline, pour mieux respirer en dilatant les bronches.
Diurétiques… qui ne dopent pas directement mais qui masquent certains produits.
Conclusion : Le citoyen lambda a le droit de condamner le dopage. Mais dans la mesure où il se rue sur les tranquillisants dès qu'il est un peu stressé, sur les coupe-faim pour maigrir au lieu de se bouger le cul, sur le café quand il baille (au lieu de se coucher plus tôt), sur le red bull, l'alcool, le tabac, voire le "petit joint pour déstresser", "le rail de coke pour tenir" (chez les bobos cadres, ça le fait bien), etc., est-il en position morale pour jouer les Fouquier-Tinville?

benjamin

(à suivre : l'affaire Contador, toujours en suspens)