Ou en est l’irak ?

Publié le 17 juillet 2011 par Metamag

 

 

OU EN EST L’IRAK ?


Le départ US menacé par l’iranisation du pays


Posté par: Jean Bonnevey le: 17/07/2011  

Il ne peut y avoir de printemps arabe en Irak. Mais l’Irak existe-t-il encore vraiment ? Le président Saddam Hussein peut être considéré, pour le moment, comme le dernier des Irakiens. Il ne s’agit pas de porter un jugement sur son régime, mais de constater qu’il a gouverné un Irak historique, tel que créé par le vrai « printemps arabe ». Printemps, on le sait, pourri par les rivalités coloniales franco-britanniques. 
Cet Irak, dominé par les Sunnites, car les Anglais se méfiaient du fanatisme des Chiites, faisait coexister les deux branches principales de l’Islam ainsi que des ethnies aussi différentes que les Arabes et les Kurdes. Il y a donc bien eu un Irak multiconfessionnel et multi-ethnique. Ce n’est pas l’Irak d’aujourd’hui.
Si le départ des Américains se déroule comme prévu, on assistera à une mainmise de l’Iran, par Chiites interposés, sur la plus grande partie du pays. Les Kurdes sont déjà quasiment indépendants. Il ne restera plus qu’un Irak sunnite résiduel, dépendant économiquement du bloc iranien. Ce scénario n’exclut pas une évolution plus violente, avec des tentatives de partitions et de nouvelles guerres, civiles et religieuses. 
Le fait religieux l’emporte sur le fait ethnique
Ce qui a changé, c’est que le fait religieux l’emporte, pour le moment, sur le fait ethnique. Pendant la guerre Irak- Iran, Saddam-Khomeiny, les Irakiens chiites combattaient, en tant qu’Arabes, le Perse. Aujourd’hui, les Irakiens chiites se sentent plus près des iraniens, car chiites, que des Irakiens arabes sunnites. Cela ne durera pas ; mais Téhéran profite, au maximum, de cette situation.
Les deux pays, ennemis héréditaires, ont été en guerre pendant huit années. Mais, depuis la signature de six accords bilatéraux, les relations diplomatiques semblent repartir du bon pied. Même si aucun détail sur le contenu de ces accords n’a été dévoilé, le Premier ministre irakien a vivement remercié le vice-président iranien, Mohammad Reza Rahimi. Ce dernier a déclaré, en retour : « je veux dire à tous les Irakiens que nous avons oublié la douleur du passé, que les cœurs de tous les Iraniens sont avec l’Irak», avant d’ajouter « nous sommes prêts à nous tenir aux côtés de l’Irak, à rebâtir ce pays et à lui apporter de la sécurité ».
A
 l'emprise économique et politique, amorcée par l'arrivée des Chiites au pouvoir à Bagdad, en 2006, s'ajoute, désormais, celle d'un islam «à l'iranienne», qui gagne du terrain. Cette situation provoque de vives tensions avec les milieux laïcs et les minorités religieuses irakiennes, qui accusent le gouvernement d'ouvrir la voie à la charia, la loi islamique. 
Terre sainte du chiisme, l'Irak suscite toutes les convoitises de la République islamique iranienne. Les investissements visant l'augmentation du tourisme religieux se multiplient : construction d'un aéroport à Nadjaf, projets d'hôpitaux à Karbala et Nadjaf, accords bilatéraux facilitant le voyage des pèlerins, support logistique et médical pendant les périodes de pèlerinage. Un accord signé entre les autorités irakiennes et le ministère de la Culture et de l'Orientation islamique iranien prévoit l'organisation annuelle d'un festival de films consacré à l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet, considéré comme l'une des principales figures du chiisme.
Américains pas encore sortis du guêpier 
Rapidement après sa prise de fonction, en remplacement de Robert Gates et alors qu'un nouveau soldat américain était tué dans le sud du pays, le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, s’est rendu à Bagdad pour demander au gouvernement irakien d'agir, avec force, contre les combattants chiites, soutenus par l'Iran. «Le problème pour l'Irak est la sécurité et surtout ce qui est mis en œuvre pour faire face aux livraisons iraniennes d'armes aux rebelles en Irak. Je veux soulever ces questions avec les dirigeants», a-t-il dit aux journalistes qui l'accompagnaient.
Les armes fournies, selon Washington, par l'Iran aux rebelles irakiens soulèvent «une grande inquiétude», a averti M. Panetta. «Je souhaiterais que l'Irak fasse plus d'efforts pour pourchasser ces extrémistes qui font usage de ces armes. Si nous devons être partenaires, ils (les Irakiens, ndlr) ont la responsabilité d'assurer une protection contre ce type d'attaque», a-t-il affirmé, estimant que cela était «dans l'intérêt de l'Irak».
Depuis le 6 juin, et près d'un an après que l'armée américaine eut décrété la fin des missions de combat pour ses troupes. 17 soldats américains ont été tués. Un chiffre seulement dépassé en 2008, lorsque les forces américaines étaient directement engagées dans des opérations contre les insurgés. Quelque 46.000 soldats américains sont toujours en Irak, essentiellement engagés dans la formation et le conseil des forces irakiennes..
Les responsables américains multiplient depuis plusieurs mois les démarches auprès de Bagdad pour maintenir un contingent, en dépit de l'accord signé en novembre 2008 entre Washington et Bagdad pour le retrait des derniers soldats américains fin 2011. Mais sans préciser l’importance de ce contingent. L'administration Obama aurait proposé de maintenir 10.000 hommes, selon le Washington Post. Mais cette éventuelle prolongation est largement impopulaire en Irak.
Tandis qu’un haut responsable kurde, Kamal Kirkuki, souhaite le maintien de la présence américaine, le puissant mouvement chiite de Moqtada Sadr a menacé de reprendre la lutte armée contre les forces américaines si celles-ci ne quittaient pas l'Irak, comme prévu, à la fin de l'année. Obama n’est pas encore sorti du guêpier. L’Irak reste, plus que jamais, une fatale erreur américaine.

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