Espace juridique: Héritier un instant et défunt l’instant d’après (1ere partie)

Publié le 18 juillet 2011 par 237online @237online


Lorsque nous évoquions il y a peu les conditions requises pour succéder, nous avions cité, entre autres, le fait d'exister. L'héritier doit exister au jour du décès de « la personne de la succession de qui il s'agit » (en latin « de cujus » utilisé en droit pour faire court). Reconnaissons que les rédacteurs du code civil français de 1804 étaient perspicaces. Ils avaient pensé, à raison puisque ce type de problèmes se pose souvent, aux existences très brèves et aux morts groupées, d'où ils ont élaboré la théorie dite des comourants (mourants ensemble ou en même temps).
L'évocation des existences très brèves fait référence ici à la vocation successorale de l'enfant simplement conçu au moment du décès. Celui-ci hérite de son géniteur, mais à la condition qu'il naisse par la suite vivant et viable. Il arrive cependant très souvent que l'enfant décède quelques minutes à peine après sa naissance. L'on est en droit de se demander si cet enfant a eu le temps de recueillir la succession de son père et de la transmettre à son tour à ses héritiers.

Cas pratique : un homme décède en laissant derrière lui son père, sa sœur et une veuve enceinte. La détermination de ses héritiers est suspendue jusqu'à la naissance de son fils. Si celui-ci naît mort, ou alors vivant mais non viable (c'est-à-dire sans aucune chance de vivre plus longtemps ; la non viabilité étant certifiée par le médecin), il est exclu de la succession. Les biens sont alors dévolus pour le quart à son père et pour les trois quarts à sa sœur. Dans cette hypothèse, la veuve ne recueille rien, si ce n'est sa part de la communauté des biens ayant régi son mariage et préalablement liquidée le cas échéant avant le partage de la succession. Par contre, si son enfant naît vivant et viable, même s'il est surpris par la mort quelques minutes après sa naissance, la succession de son père lui est dévolue car il constitue le 1er ordre de succession et exclut par conséquent le père et la sœur de son défunt père.

L'enfant étant à son tour décédé, ses biens vont être distribués entre ses propres héritiers. Il ne laisse bien entendu aucun descendant (il est mort trop jeune pour connaître cette joie), mais il laisse derrière lui sa mère (la veuve), son grand père paternel et sa tante (la sœur de son père). En présence des ascendants, la tante n'est pas appelée à la succession. Sa mère et son grand père paternel sont tous les deux cohéritiers et recueillent chacun la moitié de la succession. Dans cette hypothèse donc, la veuve se retrouve avec la moitié de la succession de son défunt mari, succession ayant tout d'abord été échue à son fils, puis de moitié à elle à la suite du décès de son fils. Il reste cependant, et c'est très difficile, de convaincre, en cas de conflit familial, le juge de faire application de ces règles. Comment lui expliquer que l'enfant a vécu suffisamment longtemps pour succéder à son père et transmettre une partie des biens à sa mère ?

Si vous trouvez, chers lecteurs, que tout ceci est complexe, économisez tout de même vos méninges pour lorsque nous décrypterons la théorie des comourants (des personnes, héritières l'une de l'autre qui décèdent dans un même accident).

Mireille Flore CHANDEUP, 237online.com

Master en Droit Privé Fondamental