Fillon défile

Publié le 20 juillet 2011 par Malesherbes

Un certain nombre de personnalités se sont élevées contre l’évocation par Eva Joly d’une éventuelle suppression du défilé militaire du 14 juillet. J’extrais de ces déclarations deux phrases, une prononcée par notre premier ministre : « Chaque année nous rendons hommage à nos forces armées le jour de la fête nationale », l’autre émanant de Jean-Michel Baylet : « la suppression du défilé militaire du 14 juillet affaiblirait une nouvelle fois le lien qui lie notre armée à notre Nation au moment où celui-ci devrait au contraire être renforcé ».

Si l’on en croit ces distingués politiques, Eva Joly aurait ainsi proposé d’affaiblir le lien unissant notre armée à la Nation. Pour ma part, j’estime que, voici quatorze ans, un coup beaucoup plus sévère a été porté à l’intégration de l’armée dans la Nation qu’elle protège. Ceci fut fait en deux étapes. La première prit place le 28 mai 1996, quand, au détour d'une allocution télévisée, le président de la République française, Jacques Chirac, annonça la fin du service militaire obligatoire. La seconde fut le vote, le 28 octobre 1997, d’une loi «suspendant» la conscription.

La conscription et le service militaire obligatoire avaient été institués il y a plus de 200 ans, le 5 septembre 1798, par la loi Jourdan, stipulant en son article premier : « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ». Je ne me souviens pas que la possibilité d’une suspension de la circonscription ait donné lieu en 1996-97 au débat qu’elle méritait. Certes, un certain nombre de considérations militaient en faveur de cette suppression : les armées modernes n’ont plus besoin de bataillons nombreux, la mise en œuvre des technologies d’aujourd’hui nécessite des durées de formation importantes, réduisant à peu de chose la période effectivement utile des conscrits, les coûts de ces équipements consomment l’essentiel des budgets de la défense.

Je n’en suis pas certain mais je crains qu’aient alors été mal appréciés d’autres éléments. Tout d’abord, les guerres récentes ont montré que, du fait de la simultanéité des théâtres d’opération, on peut parfois se trouver avec des effectifs militaires insuffisants. Mais surtout, une armée de conscrits est un outil efficace pour ancrer l’armée dans la Nation. N’oublions pas que, si le putsch d’Alger de 1961 a échoué, c’est grâce à l’attitude du contingent. Même s’il n’était pas parfaitement égalitaire, les sursis, les affectations scientifiques, les exemptions permettant à certains d’éviter la règle commune, le service militaire a néanmoins permis à des générations d’appelés d’apprendre à connaître des jeunes issus de régions diverses et de milieux sociaux différent du leur. Même si parfois il pouvait constituer une perte de temps, il était souvent un bel instrument d’éducation, permettant à certains d’acquérir un métier qu’ils n’auraient jamais pu obtenir autrement. Accessoirement, il permettait aussi à des jeunes d’avoir le permis de conduire sans avoir à payer des leçons d’auto-école.

On a institué pour remplacer ces survivances de temps révolus la journée défense et citoyenneté. J’ai entendu un des conviés à cette manifestation, limitée à un samedi, déclarer : « Zut, le samedi, c’est pour les copains ! ». Assurément une remarque qui montre que certains ignorent tout ce que c’est qu’appartenir à une nation. Mais deux majorités différentes ont l’une comme l’autre accepté de supprimer le service militaire voilà quatorze ans. Auraient-ils eux aussi mal assimilé «  une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l'histoire française » ?