Yaoundé, le Cd piraté en service libre - “Les faussaires sont protégés”

Publié le 25 juillet 2011 par 237online @237online

Écrit par Le Jour   


Claude Abé. Le sociologue explique les causes de la bonne santé du commerce frauduleux des supports musicaux.
Qu'est-ce qui justifie l'expansion du Cd piraté dans la rue ?
Nous nous trouvons dans une situation au Cameroun où l'écart a été érigé en règle. La contrefaçon faisant partie des écarts, elle n'a pas échappé à cette logique. On peut donc comprendre qu'il y ait une expansion du phénomène de vente de Cd piratés, malgré les mesures de répression qui ont été déployées jusque-là. Il faut quand même signaler que la répression n'est pas suffisante, car, on constate qu'il y a un certain nombre d'acteurs du système de répression qui sont complices de cette situation. Figurez-vous, lorsque ces jeunes gens qui vendent les Cd piratés sont arrêtés, il y a des interventions très haut placées et on les relâche. C'est dire que les faussaires jouissent de protection. Il y a également un grave déficit de culture de consommation de l'art au Cameroun. S'il y avait une bonne culture de la consommation de l'art au Cameroun, tous ceux qui achètent les Cd piratés hésiteraient, car, ils auraient conscience de ce que produire un Cd implique des sacrifices pour le musicien et le producteur. Et que ces sacrifices devraient être récompensés en payant les Cd originaux.
Certains expliquent pourtant le phénomène par le coût des Cd originaux. Qu'en pensez-vous ?
Je n'ai pas voulu prendre la question par le bout facile. Parce qu'on constate que même des personnes intellectuellement et financièrement confortables achètent allégrement les Cd piratés. C'est vrai que la pauvreté est un argument qu'il ne faut pas négliger. Il y a effectivement un certain nombre de personnes, notamment ces jeunes vendeurs ambulants, qui vivent de cette activité frauduleuse. Mais, cette catégorie est marginale, si on la compare aux entreprises maffieuses qui travaillent au noir. Tous ces facteurs, pris individuellement ou mis ensemble, contribuent, à mon sens, à amplifier le problème de la vente du Cd piraté dans la rue.
La piraterie est-elle irrémédiable ?
Il ne faut pas se résoudre à la fatalité. On peut confiner la prolifération du Cd piraté dans des proportions marginales. C'est le lieu d'interpeller les autorités chargées de la régulation du secteur de la culture en général, de la musique en particulier, notamment le ministère de la Culture et les sociétés de droit d'auteur. Il faut aussi que les forces de l'ordre jouent à fond leur rôle, en appliquant sans concession la loi. La contrefaçon des Cd est une infraction punie par le code pénal, au même titre que le vol, la fausse monnaie. Il faut réprimer toute forme de délinquance (..). Il y a quelques années, le musicien Papillon avait pris à bras le corps le problème, en traquant les pirates. La société de droit d'auteur elle-même avait entrepris des actions, mais tout cela reste disparate et finalement inefficace. Il faut conjuguer les efforts pour arriver à bout de la question. En y associant des initiatives économiques, originales et volontaristes, comme celles du réseau Culture Mboa, qui s'efforce de vendre des Cd originaux à des coûts raisonnables.