Fille noire, fille blanche de Joyce Carol Oates

Par Lagrandestef

Fille noire, fille blanche

de Joyce Carol Oates
Points (2011)
Editions Philippe Rey (2009)
377 pages
(Black Girl, White girl, 2006)

Roman, EU
Résumé

Elles se rencontrent au cœur des années soixante-dix, camarades de chambre dans un collège prestigieux où elles entament leur cursus universitaire. Genna Meade, descendante du fondateur du collège, est la fille d'un couple très " radical chic ", riche, vaguement hippie, opposant à la guerre du Vietnam et résolument à la marge. Minette Swift, fille de pasteur, est une boursière afro-américaine venue d'une école communale de Washington. Nourrie de platitudes libérales, refusant l'idée même du privilège et rongée de culpabilité, Genna essaye sans relâche de se faire pardonner son éducation élitiste et se donne pour devoir de protéger Minette du harassement sournois des autres étudiantes. En sa compagne elle voit moins la personne que la figure symbolique d'une fille noire issue d'un milieu modeste et affrontant l'oppression. Et ce, malgré l'attitude singulièrement déplaisante d'une Minette impérieuse, sarcastique et animée d'un certain fanatisme religieux. La seule religion de Genna, c'est la piété bien intentionnée et, au bout du compte inefficace, des radicaux de l'époque. Ce qui la rend aveugle à la réalité jusqu'à la tragédie finale. Une tragédie que quinze ans - et des vies détruites - plus tard, elle tente de s'expliquer, offrant ainsi une peinture intime et douloureuse des tensions raciales de l'Amérique.

Mon avis

ll y a longtemps que je voulais découvrir Joyce Carol Oates, en ayant beaucoup entendu parler, très souvent en bien, sur la blogosphère littéraire. C'est chose faite avec Fille noire, fille blanche et même si globalement j'ai beaucoup aimé ce livre, je suis quand même partagée par des sentiments ambivalents.
Le cadre principal de cette histoire est celui d'un collège" Schuyler College" aux Etats Unis et nous sommes en 1974. Deux jeunes filles de 18 ans, Genna et Minette sont "roommates", camardes de chambre littéralement (même si le mot camarade ici n'est pas forcément le plus approprié). Genna Meade est une jeune fille blanche et rousse, élevée par des parents ultra libéraux (un père avocat défenseur des droits civils et des terroristes, et une mère hippie et alcoolique) et descendante des fondateurs de l'école.Minette est une fille noire et a été élevée dans la religion par des parents ulta conservateurs (son père est révérend). Très vite, Minette semble  être la cible d'attaques racistes et la suspicion s'installe au sein de la petite résidence universitaire
Tout dabord, sur la forme générale, mon avis est extrêmement positif. J'ai trouvé la construction intéressante,( mélange de chapitres longs et d'autres très courts, et surtout j'ai trouvé ce livre  très bien écrit. Je ne sais pas si la traduction est fidèle au style de Joyce Carol Oates, en tout cas la traduction de Claude Seban m'a semblé remarquable . Le rendu est sombre, presque anxiogène, inconfortable et parfois déstabilisant. Et  même si elle ne sont pas positives, j'aime les sensations que procure la littérature quand elle va au delà des mots.
Les thèmes abordés sont nombreux : bien sûr la société des années 70 , les préjugées et droits raciaux, l'importance de la famille et de l'éducation et la culpabilité (thème central au livre mais dont on ne comprendra l'importance qu'à la fin)
Ce qui m'a dérangé ici, ce sont les personnages. je les ai trouvé agaçants et caricaturaux (la mère de Genna, Véronika , en hippie alcoolique est un modèle du genre) , même si certains vont à l'encontre des clichés habituels . Le personnage de Minette tout d'abord, cette jeune fille noire, à l'aspect ingrat, boulimique, sale, solitaire, désagréable,  antipathique, ultra croyante . Une  fille dont on s'apercevra peu à peu qu'elle met elle même en scène les attaques raciales, comme un appel au secours pour qu'on la remarque alors qu'elle se refuse à s'ouvrir aux autres et rejette en bloc tout signe amical. Minette qui va s'enfermer dans une sorte de cercle vicieux , de spirale infernale, une sorte de folie  dont elle ne ressortira pas. J'ai aimé la complexité de ce personnage agaçant au possible avec ces "Par-don" intempestifs, m'ai n'ai éprouvé aucune sympathie pour elle.
Le personnage qui m'a le plus gêné est celui de Genna que j'ai eu beaucoup de mal à cerner. Narratrice de cette histoire, même si elle parle de son histoire familiale (et en particulier  de son père Max à qui elle voue une sorte de culte) , j'ai eu l'impression de passer complètement à côté d'elle. J'ai eu l'impression de quelqu'un de paumée à la recherche de qui elle est, en qu^te d'amour également, mais sûrement étouffée  par l'héritage familial qu'elle porte en elle mais contre lequel on lui a appris à lutter.
Une lecture qui est loin de m'avoir laissée indifférente, m'ayant à la fois beaucoup plu et agacé.Je lirai d'autres ouvrages de Joyce Carol Oates,  assurément.


L'auteur
Joyce Carol Oates est née le 16 juin 1938 à New York et a été élevée dans un milieu rural. Elle était très proche de sa grand-mère paternelle. Elle a commencé à écrire dès l'âge de quatorze ans.Elle enseigne la littérature à l'université de Princeton où elle vivait avec Raymond Smith, son époux, décédé en février 2008. Il dirigeait une revue littéraire, la Ontario Review.Depuis 1964, elle publie des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Au total plus de soixante-dix titres. Elle a aussi écrit plusieurs romans policiers sous les pseudonymes de Rosamond Smith et de Lauren Kelly. Elle s'intéresse également à la boxe.Son roman Blonde inspiré de la vie de Marilyn Monroe est publié pratiquement dans le monde entier et lui a valu les éloges unanimes de la critique internationale. Elle a figuré deux fois parmi les finalistes du Prix Nobel de littérature.