Constat Amiante et exonération de la garantie des vices cachés

Publié le 29 juillet 2011 par Christophe Buffet

Le vendeur de bonne foi qui a procédé à un diagnostic relatif à la présence d’amiante peut opposer l’absence de garantie des vices cachés, même si la présence d’amiante est révélée après la vente :


“Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2010), que le 25 novembre 2003, M. X... et Mme Y...ont vendu un pavillon d'habitation à M. Z...et à Mme A...par un acte authentique comportant une clause contractuelle d'exonération de garantie des vices cachés et la mention de l'absence de produits susceptibles de contenir de l'amiante, selon le " constat amiante " dressé par la société Hexagone et y annexé ; que la présence d'amiante dans les cloisons et la façade de la chambre et du dressing du premier étage ayant été établie par une expertise, les époux Z...ont assigné M. X... et Mme Y..., la société Hexagone et son assureur la société Mutuelles du Mans Assurances (la société MMA) pour obtenir leur condamnation solidaire à leur verser des sommes pour les travaux de désamiantage et le remplacement des cloisons, ainsi qu'à titre de dommages-intérêts ;


Sur le premier moyen :


Attendu que les époux Z...font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes à l'encontre de Mme Y...et de M. X... au regard de la clause d'exonération de garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente du 25 novembre 2003, alors, selon le moyen :

1°/ que la question de l'amiante fait l'objet dans l'acte de vente d'immeuble de mentions particulières d'origine légale, qui échappent au droit commun contractuel ; que dans leurs conclusions d'appel signifiées le 14 octobre 2009, M. et Mme Z...faisaient valoir que la « clause d'exonération de la garantie des vices cachés ne s'applique pas à l'amiante qui fait l'objet d'une clause particulière dans l'acte et d'une obligation légale spécifique, relevant de la santé publique » ; qu'en estimant que les vendeurs étaient en droit d'invoquer la clause d'exonération de la garantie des vices cachés, même en l'état d'un vice concernant la présence d'amiante, et sans s'expliquer sur le point évoqué par les acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

2°/ que la présence d'amiante dans la chose vendue peut le cas échéant donner lieu à une action fondée non pas sur la garantie des vices cachés mais engagée au titre d'un manquement à l'obligation de délivrance ; que dans leurs conclusions d'appel signifiées le 14 octobre 2009, M. et Mme Z...déclaraient agir à l'encontre de M. X... et de Mme Y...non seulement sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais également sur le fondement d'un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance ; qu'en se bornant à statuer dans le cadre de la garantie des vices cachés, sans examiner la question de la délivrance conforme de la chose vendue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du code civil ;


Mais attendu qu'ayant constaté qu'avait été annexé à l'acte de vente un état établi par un professionnel et relevé que la mauvaise foi de Mme Y...et de M. X..., vendeurs profanes qui avaient rempli leur devoir d'information, n'était pas établie, la cour d'appel, qui en a déduit, à bon droit, que la clause d'exonération de garantie des vices cachés était applicable, a, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision de ce chef ;


Sur le second moyen, ci-après annexé :


Attendu qu'ayant relevé que la mention du rapport d'expertise selon laquelle la société Hexagone avait reconnu sa responsabilité n'était étayée par aucun document précis et qu'une proposition effectuée dans le cadre d'une solution amiable ne peut valoir reconnaissance de responsabilité, constaté que la société Hexagone avait réalisé son diagnostic avec une mission conforme à l'arrêté du 22 août 2002 qui précise que l'opérateur recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, et qu'il n'était pas démontré que la présence d'amiante était perceptible par un simple examen visuel, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine de la force probante des documents qui lui étaient soumis et sans être tenue de procéder à des recherches que ses constations rendaient inopérantes, pu en déduire que la responsabilité de cette société n'était pas démontrée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne les époux Z...aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X..., de Mme Y..., de la société Hexagone, de la société MMA et des époux Z...;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me B..., avocat aux Conseils pour les époux Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir débouté M. et Mme Z...de leurs demandes à l'encontre de Mme Y...et de M. X... au regard de la clause d'exonération de garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente du 25 novembre 2003 ;

AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire a constaté, sur place, d'une part que les cloisons de la chambre et du dressing, situés au premier étage, sont réalisés par des plaques d'amiante vissées sur un bâti en bois avec un vide à l'intérieur, d'autre part que la façade de la chambre et du dressing, pièces qui sont une extension du pavillon, ont été réalisées en panneau « sandwich » en amiante ciment avec isolant intérieur ; que l'acte de vente contient, en page 11, la clause suivante : « Amiante : déclaration du vendeur concernant les dispositions relatives à l'amiante : conformément aux dispositions de l'article L. 1334-7 du code de la santé publique et du décret n° 96-97 du 7 février 1996 modifié, le vendeur déclare au sujet du bien vendu qu'il s'agit d'un immeuble bâti dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997 et qu'il entre dans le champ d'application dudit décret, qu'il résulte d'une attestation en date du 22 mai 2003 délivrée par le cabinet Hexagone … que les recherches effectuées n'ont pas révélé la présence de matériaux ou de produits de construction contenant de l'amiante, que l'original de ce document est demeuré ci-annexé aux présentes » ; qu'en page 9 de ce même acte de vente est insérée la clause aux termes de laquelle l'acquéreur prendra l'immeuble vendu dans ses état et consistance actuels, sans pouvoir exercer aucun recours ni répétition contre le vendeur en raison du mauvais état desdits biens, des vices de construction apparents et cachés, de défaut de solidité des murs …, et conformément aux dispositions de l'article 1643 du code civil, le vendeur ne sera pas tenu à garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments ; que si l'expert a précisé dans son rapport que « les explications des parties font apparaître que des travaux d'agrandissement ont été réalisés lors de l'occupation du pavillon par les consorts Y.../ X..., que c'est au cours au cours de ces agrandissements que les plaques d'amiante auraient été installées. Les vendeurs étaient donc en mesure de connaître ces vices cachés », Mme Y...et M. X... contestent avoir été à l'origine des travaux d'extension visés par l'expert et indiquent qu'ils n'ont procédé à aucune modification intérieure du pavillon ; qu'en l'absence d'éléments probants quant à la réalisation par Mme Y...et M. X... de travaux au cours desquels la pose de panneaux contenant de l'amiante a été effectuée, la déclaration de l'expert qui se réfère aux seules explications des parties et qui présente un caractère dubitatif quant à l'installation de plaques d'amiante au cours des travaux d'agrandissement n'étant pas de nature à prouver ces faits, la connaissance par ces derniers de la présence d'amiante dans le pavillon vendu n'est pas démontrée ; qu'il s'en déduit que la mauvaise foi, lors de la vente litigieuse, de Mme Y...et de M. X..., vendeurs profanes et qui ont rempli leur devoir d'information, n'est pas établie ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la question de l'amiante fait l'objet dans l'acte de vente d'immeuble de mentions particulières d'origine légale, qui échappent au droit commun contractuel ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 14 octobre 2009, p. 10 § 1), M. et Mme Z...faisaient valoir que la « clause d'exonération de la garantie des vices cachés ne s'applique pas à l'amiante qui fait l'objet d'une clause particulière dans l'acte et d'une obligation légale spécifique, relevant de la santé publique » ; qu'en estimant que les vendeurs étaient en droit d'invoquer la clause d'exonération de la garantie des vices cachés, même en l'état d'un vice concernant la présence d'amiante, et sans s'expliquer sur le point évoqués par les acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la présence d'amiante dans la chose vendue peut le cas échéant donner lieu à une action fondée non pas sur la garantie des vices cachés mais engagée au titre d'un manquement à l'obligation de délivrance ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 14 octobre 2009, p. 8 § 1), M. et Mme Z...déclaraient agir à l'encontre de M. X... et de Mme Y...non seulement sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais également sur le fondement d'un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance ; qu'en se bornant à statuer dans le cadre de la garantie des vices cachés, sans examiner la question de la délivrance conforme de la chose vendue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir débouté M. et Mme Z...de leurs demandes dirigées contre la société Hexagone et son assureur, la compagnie MMA IARD ;

AUX MOTIFS QUE les époux Z..., tiers au contrat conclu entre Mme Y...et M. X..., recherchent la responsabilité de la société Hexagone en application des dispositions de l'article 1382 du code civil ; qu'il ne peut être retenu que la société Hexagone aurait reconnu sa responsabilité en cours d'expertise, cette société contestant toute reconnaissance de responsabilité et l'affirmation de l'expert, quant à la reconnaissance de responsabilité par la société Hexagone, n'étant étayée par aucun document précis dans lequel le diagnostiqueur aurait reconnu une telle responsabilité ; qu'une proposition effectuée dans le cadre de la recherche d'une solution amiable au règlement du litige ne peut valoir reconnaissance de responsabilité ; que l'expert judiciaire a conclu, après s'être rendu sur place un an après la vente, que la présence d'amiante en façade n'était pas visible et donc n'était pas décelable sans investigations, qu'en revanche, la présence d'amiante dans les cloisons de la chambre et du dressing au premier étage aurait dû être décelée par la société Hexagone dans la mesure où le papier peint était posé à même les plaques d'amiante au moment de son passage, le 22 mai 2003, et où certains lambeaux de papier étaient décollés, ce qui permettait de visualiser ces plaques ; que, pour contredire le jugement qui a retenu qu'aucun élément ne permet d'affirmer que le diagnostiqueur, le 22 mai 2003, pouvait relever la présence de panneaux d'amiante par un simple examen visuel, les époux Z...produisent des photographies dont il résulterait que le papier peint était arraché à certains endroits, ce qui aurait permis de diagnostiquer la présence d'amiante dans les cloisons intérieures ; qu'ils soutiennent que les photographies ainsi versées aux débats ont été réalisées lors d'une visite des lieux avant la signature de la promesse de vente et donc avant l'acquisition ; que toutefois, la société Hexagone a réalisé le diagnostic avant la vente, avec une mission conforme à l'arrêté du 22 août 2002 qui précise que l'opérateur recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, qui correspondent à la liste définie en annexe du décret n° 96-97 du 7 février 1996 modifié (parois verticales intérieures – murs – cloisons) et qui sont susceptibles de contenir de l'amiante ; qu'elle conteste formellement que les photographies produites par les époux Z...ont été prises concomitamment aux opérations de vente et seraient susceptibles d'établir la présence d'amiante ; que lesdites photographies ne sont pas datées, ainsi que le fait valoir pertinemment la société Hexagone, et ne comportent aucun élément susceptible de les dater ; qu'il n'est donc pas démontré, d'une part, que les photographies auraient été prises au moment des opérations de diagnostic de la société Hexagone, d'autre part, qu'à cette époque le papier peint recouvrant les panneaux aurait été partiellement décollé, enfin, que la présence d'amiante était perceptible dans le cadre d'un contrôle visuel ; que la responsabilité de la société Hexagone, qui a agi dans la limite de ses investigations et dans le cadre limité à un contrôle visuel, n'est pas prouvée en l'absence de faute démontrée et compte tenu des éléments versés aux débats ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'expert peut constater un accord des parties sur son avis ; qu'en estimant qu'il ne pouvait être retenu que la société Hexagone avait reconnu sa responsabilité en cours d'expertise, faute de document précis dans lequel le diagnostiqueur aurait reconnu une telle responsabilité (arrêt attaqué, p. 6 § 4), cependant que, dans son rapport d'expertise, M. C...constatait que « la société Hexagone reconnaît son erreur au cours des réunions d'expertise et s'engage à prendre en charge les prestations de désamiantage de la chambre et du dressing » (rapport, p. 16 § 5), ce qui constituait une preuve suffisante de la reconnaissance de responsabilité émanant de la société Hexagone, la cour d'appel a violé l'article 21 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le diagnostiqueur mandaté pour effectuer un diagnostic amiante dans le cadre du décret n° 96-97 du 7 février 1996, modifié, ne peut s'en tenir à un simple contrôle visuel et doit, soit prendre le temps d'effectuer des sondages, soit mentionner dans son rapport que ses conclusions sont incomplètes et attirer l'attention des parties sur ce point ; qu'en estimant que la société Hexagone n'avait pas engagé sa responsabilité vis-à-vis de M. et Mme Z...nonobstant son erreur de diagnostic, au motif qu'elle avait pu s'en tenir à un simple contrôle visuel sans procéder à des recherches supplémentaires qui lui auraient permis de détecter la présence d'amiante (arrêt attaqué, p. 6 § 7 et p. 7 § 3), la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et le décret n° 96-97 du 7 février 1996, modifié.”