Justice pénale ou combat de catch?

Publié le 30 juillet 2011 par Kalvin Whiteoak

Dans notre bonne vieille Europe, on aime à prétendre qu’une vérité peut devenir « la vérité » au travers d’un processus judiciaire. Que n’entend-on pas de ci de là que la Cour a tranché, que tel ou tel est reconnu coupable ou innocent, que l’arrêt exécutoire a force de chose jugée, qu’on ne peut dès lors revenir ni sur son dispositif ni sur son contenu, faute de faits nouveaux ou de violations grossières de règles procédurales.

Une sorte d’intangibilité quasi pontificale érigée en dogme et vers laquelle estiment devoir tendre les autorités de poursuite pénale, drapées dans leur quête perpétuelle. On sait, sans que cela soit franchement démontré par les statistiques, que l’erreur judiciaire est présente dans ce système, qui repose sur l’intime conviction et donc sur une part non négligeable de subjectivité gratuite ou de croyance.

On l’admet néanmoins comme un pis-aller, comme un modèle permettant soi disant aux victimes de « faire leur deuil », de « verbaliser » une fois pour toutes l’outrage ou encore d’obtenir réparation à travers l’octroi de conclusions civiles. Quels que soient ses défauts, et ils sont nombreux, ce système prétend chercher à travers l’ensemble d’un processus calibré, à faire éclater une vérité sur un ensemble de faits donné.

A l’inverse, et l’affaire DSK en est le plus actuel des reflets, le système judiciaire pénal américain se moque complètement de la vérité. Il repose entièrement sur une guerre des camps qui vise avant tout un but: abattre la partie adverse quelle qu’elle soit, quels que soient les moyens utilisés pourvu que l’ivresse de la victoire soit présente. Convaincre avec un dossier que l’on constitue souvent à grands frais, voici ce à quoi travaille un avocat américain. Comme le fait parallèlement son adversaire du moment, le procureur.

Ne pas passer pour un naïf dépourvu d’arguments, avoir un bon dossier, collectionner les indices et les erreurs, tel est le quotidien de l’auxiliaire de justice outre Atlantique. Dans un petit nombre de cas, un jury populaire devra ensuite décider à l’unanimité et « beyond any reasonable doubt« , qu’un comportement donné est synonyme de crime et passible ou non d’une sanction. Mais ce jury fonctionnera sur la base de faisceaux d’indices ou de preuves matérielles qui lui seront présentés, un peu comme la carte avant le repas.

Le choix opéré, ce n’est vers aucune vérité judiciaire que l’on cherchera à tendre, mais vers l’appréciation de deux performances: celle de la défense comparée à celle de l’accusation. La vérité judiciaire américaine est aussi proche de la vérité avec un grand V que l’est le score d’un match de base-ball. Le tout dans une chaleureuse ambiance de popcorns, de frites au ketchup et de bière, si possible sans alcool, le seigneur n’étant jamais très loin.

Et encore dans cette hypothèse a-t-on envisagé la tenue formelle d’un procès. Mais quand tel n’est pas le cas, et qu’un accord de plaider coupable total ou partiel est passé, toute chance de pouvoir un jour connaître ce qui s’est réellement passé dans un complexe de faits donné est perdue.

Décidément, que ce soit de ce côté-ci ou de l’autre de l’Atlantique, la justice des hommes est bien imparfaite. A voir ce qu’elle est au quotidien, mérite-t-elle vraiment qu’on la considère comme un pouvoir dont l’indépendance doit être à tout prix préservée? il est permis d’en douter, ce d’autant que cette fameuse indépendance n’est de fait qu’un mythe. Mais ceci est un autre sujet.