Valérie Donzelli fait son cinéma

Par Petistspavs

Il y a les phénomènes de mode et les émergences utiles. On a parfois l'impression que tel acteur (Di Caprio, il y a a peu) ou actrice est partout, au générique de (presque) tous les films. Ce fut Léa Seydoux, pour notre plus grand plaisir, puis Mélanie Laurent (déjà 5 films au compteur en 2011, dont l'excellent Beginners, plus quelques uns à venir) ou Cotillard (dont on se tamponne, non ?). C'est aujourd'hui Valérie Donzelli.

Depuis la découverte de La Reine des Pommes, début 2010, j'ai dû évoquer une quinzaine de fois cette pétillante actrice-réalisatrice (auteure, habilleuse, coiffeuse, musicienne, parolière, chanteuse etc.), notamment ICI, ICI ou ailleurs. On se souvient (voir ICI) que Télérama avait, fin 2010, omis de proposer La Reine des Pommes (ainsi que Crimes de Vincent Ostria) parmi les films soumis aux suffrages de ses lecteurs pour le palmarès de l'année. Mais après plus de 10 années de carrière et une trentaine de films et téléfilms (dont l'excellente mini-série TV Les camarades du discret François Luciani avec, déjà la fidèle Laure Marsac et le précieux Malik Zidi), 2011 est et sera manifestement l'Année Donzelli.

Cinq films présentés à Cannes comportaient son nom au générique. Quatre de ces films sont sortis en salles, et se présentent comme les échantillons du dernier à venir (mais déjà présenté au public à diverses occasions), La Guerre est déclarée (en salles le 31 août). Occasion pour le fan que je suis, groupy assumé de la Valérie, de revenir sur ces quelques films.

La couleur musicale de ce tour d'horizon est emprunté au générique de fin de En ville. Seventeen seconds des Cure.

Une autre beauté du film est de poser Jérémie Elkaïm (qui assurait tous les rôles masculins de La Reine des Pommes) et  Valérie Donzelli comme couple, moderne et complexe, ce couple fût-il, dans le film, en crise. On se souvient des grands couples du cinéma qui, de Bogart-Bacall à Laurel et Hardy, sont généralement américains, les couples du cinéma français étant de complaisance (Gabin et Morgan firent leur petite affaire amoureuse hors champ). Ce serait une bonne chose pour le cinéma français que ce couple là s'impose dans la durée. La Guerre est déclarée en sera-t'elle le signe ?


Pourquoi tu pleures ? de Katia Lewkowicz ou comment ne pas se marier.
Ici, Valérie D. joue les (f)utilités (?) aux côtés d'un Benjamin Biolay déjà rencontré en 2008 sous la direction de la même Katia Lewkowicz dans le court C'est pour quand ? et, en studio, pour le superbe album biolesque La superbe (sans oublier les chansons enlevées de La Reine des Pommes co-écrites par BB et VD). Si BB, donc, mérite, dans son rôle d'adulescent gâté fils-à-maman et frère-de-sa-soeur pleurnichard et mécontent de tout, des claques, VD mériterait une bonne fessée. Bonne actrice, elle montre vis à vis de sa réalisatrice une certaine générosité dans sa bonne volonté à interpréter de manière convaincante un personnage de conne insupportable inféodée à une famille hystérique.
Dans cette charmante comédie parfois teintée de mélancolie, c'est Emmanuelle Devos qui étonne par la richesse de son jeu en grande soeur agitée mais dépositaire des névroses de son entourage.

En ville de Valérie Mréjen (avec qui Valérie D. avait débuté sa carrière au cinéma, dans Valérie, en 1999) et Bertrand Schefer, ou comment ne pas partir.

Si la participation de Valérie à ce film singulier est parfaitement anecdotique, En ville apparaît dans la production française actuelle comme un objet rare, précieux et qui appelle l'attention. Exceptionnellement, éprouvant certaines difficultés à parler du film, j'ai demandé à une personne proche, dont le point de vue m'a semblé particulièrement fécond, d'écrire à ma place. Merci à toi pour le texte qui suit.
Amour ou amitié, on ne saurait dire quel lien sentimental unit Iris et Jean. C’est dire si les
 histoires d’A. sont complexes. Lorsqu’une jeune provinciale, rongée par l’ennui, rencontre un photographe voyageur, il serait plutôt question d’alter ego.
Avec leur film riche d’une brièveté qui lui permet d’atteindre son but sans se fourvoyer, Valérie Mréjen et Bertrand Schefer offrent à Lola Créton un rôle saisissant qui nous incite à espérer pour la jeune actrice une brillante carrière. On la retrouve interprétant un personnage féminin proche de celui qui la révéla il y a peu au grand public dans Un Amour de jeunesse. A nouveau, elle campe une jeune femme qui oscille entre deux hommes, l’évident premier amour, aussi paumé qu’elle, et l’inattendu homme d’âge mûr, artiste dans l’âme. Sauf que, contrairement à Camille qui semblait subir ce tiraillement, Iris tente de maîtriser sa vie par une certaine forme d’égoïsme, motivée par son envie dévorante de mettre les voiles. Cette force de caractère s’incarne dans le regard noir de l’actrice qui domine l’écran ; un regard téméraire, mais pas effronté, un regard de résistante désenchantée. Iris crache ses vérités à la gueule du monde que ça plaise ou non à celui-ci. Ce sont des déclarations sans appel qui nous laissent avec une interrogation : la vérité ne sortirait plus de la bouche des enfants mais des adolescents, situés entre une innocence relative et une lucidité désarmante.
Histoire d’A. sans drame, En Ville dresse également le portrait singulier d’un couple éphémère et platonique lié par la photographie. Tandis que Jean (rare et précieux Stanislas Merhar), en mouvement permanent, fixe pour toujours les images d’une ville qu’il ne fait que traverser, Iris donnerait tout pour échapper aux paysages qu’elle ne peut plus encadrer. Aussi, le sort est ironique lorsque son énigmatique visage se retrouve placardé sur les murs gris de son pays natal.
Emprunt de mélancolie, En Ville ne commet pas la faute de nous dire que tout ira bien, ou mieux, en témoigne le Seventeen Seconds signé The Cure qui clôt cette aventure et nous rappelle « The dream had to end - The Wish never came true ».

L'Art de séduire de Guy Mazarguil ou comment coucher quand on est psy et rigide de la touche.
Si Valérie Donzelli apparait dans cette minuscule comédie comme un rayon de soleil, c'est sans doute que son scénariste-réalisateur n'a pas potassé le manuel de la FEMIS, Comment séduire son public... Je n'aime pas dire ça d'un film, surtout d'un premier film, mais L'art de séduire est un film nul. Malgré le charme paresseux de Mathieu Demy en psy coaché par un client, malgré la présence de Julie Gayet, dont le charme est totalement anesthésié par un rôle plombant, il n'y a rien à sauver dans ce film heureusement assez court, surtout pas la fin, téléphonée et qui donne l'impression que l'auteur a manqué de pages pour terminer son scénario. La présence fantasque et fantaisiste de Valérie, rayonnante mais en roue libre, ne

La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli ou comment survivre avec élégance.
Les inrocks a pu dire de La Guerre est déclarée qu'il avait constitué l'événement du Festival de Cannes 2011. Dans le contexte un peu gris d'un cinéma français bien trop recroquevillé sur lui-même pour songer à prendre le large (sauf quelques rares films fauchés et/ou underground), le deuxième long métrage de Valérie Donzelli, événement de Cannes, risque fort d'agir localement comme un grand accident climatique traumatisant pour le petit milieu des professionnels de la profession. Appel d'air, appel au jaillissement de la vie, geyser d'émotion et d'énergie, catalyseur de toute volonté émancipatrice, ce film qui, entre des mains plus frêles aurait tourné au mélo pleurnichard et moralisateur (un enfant malade, des parents qui se battent contre le système, forcément émollient -- Cotillon et son Caneton auraient fait ça très bien) devient entre les mains agiles, nerveuses, puissantes de la jeune réalisatrice-actrice un acte de (re)naissance, un pont roulant vers le bonheur d'exister, de respirer encore et plus que ça, de respirer ensemble. C'est un peu comme si Minelli mettait en scène (le Minelli de Band wagon) un remake de Douglas Sirk, en musical, pourquoi pas. Il y a dans La Guerre est déclarée un sens musical, un sens du rythme qui nous entraînent vers la comédie musicale, ses valeurs, son volontarisme joyeux (The Band wagon, encore).

A nouveau et pour la quatrième fois, Valérie et Jérémie Elkaïm forment ici un couple de cinéma qui renvoie aux grands mythes hollywoodiens. Un couple confronté au vide sidéral de la mort possible d'un enfant et qui invente le bonheur, dans une sorte de compromis sidérant entre un égoîsme qui aide à tenir et une invraisemblable tension vers les autres, qui aide à vaincre la peur.

Pour une fois le cinéma français tient un grand film populaire non putassier, une réalisatrice qui, de film en film se montre plus inventive, plus gonflée (ce qui manque tellement à ce côté de la planète film) et impose une vision de plus en plus ample de son art. La profession ne s'y est d'ailleurs pas trompée et un mois avant la sortie nationale du film, la bande annonce était visible et la RATP ornait le cul de ses bus de l'image radieuse de Valérie et Jérémie :

Alors, puisque la dernière raison de retourner au cinéma est bien le plaisir qu'on peut encore y trouver, ce blog lance dès aujourd'hui un petit buzz à usage de ses lecteurs cinéphiles (OK, de ses lecteurs donc) avec un petit rappel de temps en temps. Non, le bonheur n'est pas dans le pré, il est, parfois, dans les salles de ciné.