Une si douce amertume ...

Publié le 08 août 2011 par Asiemute

Toujours à Matsue (c'est fou ce que j'ai pu faire en si peu de temps à Matsue ...), une petite pose douceur au Yakumo-an-Bekkan, qui se trouve dans le jardin d'une maison de samouraï dont je vous parlerai plus tard.

Il s'agit du matcha jelly, une des spécialités de Matsue, dont je ne connais pas le nom japonais.

En fait, ce que j'ai dégusté, est à base de matcha jelly : j'essaie de me rappeler la composition car je l'avais noté sur mon Iphone et, comme j'ai changé d'Iphone en rentrant, envolées les petites notes "pense-bête", envolées les photos, envolée ma mémoire ... mais non, il m'en reste encore un tout petit peu ;)

Le matcha jelly est, comme son nom l'indique, une gelée à base de thé vert matcha. Ici, la gelée est surmontée d'une aérienne mousse au matcha, posée sur un lit de anko (confiture d'azuki - haricots rouges), accompagnée de glace à la vanille et de shiratama (petites boulettes de riz gluant). Oishi, oishi, oishiii !! Comme pour la dégustation du matcha, il faut que l'amertume de thé vert soit atténuée par une saveur sucrée. Ici, la glace à la vanille et la confiture d'azuki (je ne vous parle pas des calories ...) contrebalancent parfaitement le goût de la gelée.

Quoi de mieux qu'une promenade jusqu'au Meimei-An, une maison de thé située en haut d'une colline pour éliminer quelque peu ...

Ce petit pavillon de thé a été construit en 1779 par Fumai Matsudaira, daimyô de Matsue.

"Un jour, mon très regretté ami, Mitsouda Komiozi, alors attaché à la légation japonaise de Paris vint me voir.
- Il faut absolument que vous connaissiez la cérémonie du thé, me dit-il.
- La cérémonie du thé ? ...
- Oui, c'est très important. Votre éducation japonaise ne peut être complète si vous ne la connaissez pas.
Il faut toutes sortes de préparatifs, toutes sortes d'objets, quelquefois d'un grand prix. On a vu certaines collections de ces bibelots coûter des centaines de mille francs.
- Diable ! ...
- Nous simplifierons, dit-il en riant. Mais il faut tout de même des préparatifs.
- Enfin, en deux mots, qu'est ce que c'est ? ... Une procession ?
- Non, pas du tout. Il n'est pas nécessaire d'être nombreux pour accomplir la cérémonie; trois, c'est le meilleur nombre; la tranquilité et le recueillement conviennent surtout.
- C'est donc un rite religieux ?
- On le croit quelquefois, mais c'est une erreur : il n'y a rien de religieux dans cette pratique. Cependant, c'est un bonze bouddhiste nommé Shuko qui, d'accord avec le shogun Yoshi-Massa, en a fixé les règles vers le quinzième siècle.
- Alors de n'est pas très ancien ?
- Au commencement du neuvième siècle, il est déjà question de la cérémonie du thé. Mais la précieuse boisson n'était encore servie qu'à la Cour. Le thé ne s'est décidément acclimaté et vulgarisé au Japon que plus tard. Il nous avait été apporté de Chine, où il est l'objet d'une sorte de vénération; quelque chose d'analogue peut-être à ce que vous éprouviez autrefois pour "le jus de la treille". Il existe en Chine une Bible du Thé qui date du huitième siècle. Les poètes chantent la boisson bienfaisante dans tous les mètres et sur tous les tons. Il faut, disent-ils, en boire sept tasses
* La première ne fait que parfumer la bouche et arroser le gosier;
* la seconde console de la solitude et de la mélancolie;
* à la troisième, l'esprit séveille, le coeur s'anime, on se sent capable d'innombrables travaux;
* la quatrième fait monter à la peau une moiteur qui s'évapore en emportant toutes les tristesses;
* la cinquième purifie les os et la chair;
* la sixième rend le buveur pareil aux génies immortels;
* à la septième, une brise caresse vos bras, vous soulève, on va s'envoler ...
A mesure que l'arbriseau précieux a prospéré chez nous, le même enthousiasme s'est développé et on a toujours attaché une grande importance à la culture, à la conservation et à la préparation du thé.
Pendant les violentes et longues guerres civiles qui troublèrent le Japon vers le quinzième siècle, les moeurs s'étaient singulièrement modifiées : l'esprit soldatesque, la rudesse, la brutalité régnaient en maîtres. On eut l'idée d'introduire dans les camps l'usage du "Tcha-no-you", cérémonie du thé (littéralement : l'eau du thé") afin de ramener dans les relations entre les hommes la douceur, l'urbanité, la délicatesse d'autrefois. La tentative eut le meilleur résultat.
- Comment cela se peut-il ? Par quel pouvoir singulier l'eau du thé a-t-elle suffi pour réformer l'éducation de grossiers soldats ?
- Quand vous aurez vu, vous comprendrez, dit Komiozi. Je vais m'occuper des préparatifs et nous prendrons jour."

Extrait de l'ouvrage de Judith Gauthier publié en 1919 "Les Parfums de la Pagode"


  

Pas de cérémonie du thé, mais une petite dégustation dans le pavillon moderne attenant à la maison de thé. Dommage, mais la vue sur le jardin contribue tout de même à la sérénité de l'instant ...

Matsue, Japon, le 29 juin 2011

Mon album photo sur Matsue, c'est ICI, sur Google +