Dossier : Berluti – Queen of Shoes

Publié le 08 août 2011 par Modissimo

« Lorsque j’ai eu ma première paye, j’ai tout claqué pour une paire de Berluti ! » cette phrase semble être la version masculine du phénomène Louboutin.

Depuis la première boutique, ouverte en 1928, jusqu’au statut de numéro 1 qu’occupe aujourd’hui la marque, bien du temps s’est écoulé…

Une semelle Berluti en cours de fabrication

Surnommée la reine du soulier (par snobisme, il est de bon ton de parler de souliers et pas de chaussures chez Berluti …), Olga Berluti continue de perpétuer cette tradition de chausseur d’exception qui a fait le succès de l’enseigne.

Berluti : sur-mesure & prêt-à-chausser

Un artisan en train de réaliser le montage, qui consiste à mettre la tige de la chaussure en place sur la forme.


Des formes fuselées, des patines profondes comme une laque chinoise, les souliers Berluti sont hors-normes et confèrent un style certain à son propriétaire.

Une tradition artisanale : tous leurs produits sont réalisés à la main dans les ateliers Berluti . Effet de sfumato à la Leonard de Vinci, bleu Klein intense, le chatoiement des couleurs est truculent, et fait penser à de véritables œuvres d’art moderne, réalisées à même le cuir.

La marque dispose évidemment d’un service sur-mesure, quintessence du slow luxe, les souliers sont alors réalisés de manière totalement artisanale, dans les ateliers de la rue Marbeuf à Paris, avec pour leitmotiv confort et esthétique (… et ça a un prix : à partir de 4000 euros la paire. Blam).

Quant au prêt-à-chausser, il est fait en Italie, à Ferrare (pour une fourchette de prix variant de 700 à 1200 euros).

Que ce soit en prêt-à-chausser ou en mesure, le client adopte son modèle ‘’nu’’, c’est à dire qu’il ne comporte ni patine ni coloris. Ces derniers seront alors choisis par l’heureux élu, et la paire sera renvoyée dans les ateliers pour le coup de peinture final ainsi que le glaçage, conférant à la chaussure son brillant incomparable.

Hélas, ce service n’est disponible que dans la boutique historique… Si vous faites votre shopping chez Barneys à New York, passez votre chemin.

Un vendeur de la rue Marbeuf m’avoue qu’à terme, cette personnalisation de la patine ne se cantonnera plus qu’au service sur-mesure…

Berluti : l’art de la patine

Des patines inimitables…

La confection d’un soulier sur-mesure est certes un vrai spectacle pour les yeux mais l’essence du procédé de fabrication demeure dans la réalisation de la patine, à l’aide d’encres, d’huiles essentielles et de beaucoup de savoir-faire. Ce procédé artistique se termine par un cirage, tout un art chez Berluti, à réitérer à la maison, et qui relève plus de l’amusement que de la contrainte (vous conviendrez qu’en possédant une paire qui vaut un salaire mensuel, mieux vaut prendre plaisir à les entretenir…).

Pour les non-initiés, les patines recouvrant la chaussure (oui, j’ai osé!) sont célèbres chez Berluti, car la couleur unie n’existe pas, tout est dans la tonalité, nous aurons du beige moiré, des fauves flamboyants, des violets irisés, des bleus opalescents, mais en aucun cas des couleurs pleines et sans nuances.

Et c’est ce qui fait tout l’attrait pour la marque, qui excelle dans ce domaine. C’est malheureusement un luxe éphémère… et ces tableaux chaussés s’affadissent et finissent par disparaître. Avec un entretien consciencieux, il paraît que la patine peut perdurer une petite dizaine d’années… Heureusement, la maison propose un service de remise à neuf, jadis gratuit, il est maintenant payant… Rentabilité quand tu nous tiens.

Les nouveaux territoires de Berluti

La maroquinerie n’est pas en reste, et on peut enfin considérer des produits tels que la valise ‘’Formula 1000’’ ou le sac ‘’2 jours’’ comme des objets de mode, l’attaché-case devient un véritable accessoire masculin,  au même titre que le Kelly d’Hermès le serait pour une femme…

Et on peut espérer plus, car la direction artistique de la marque a été confiée à Alessandro Sartori, occupant précédemment le poste chez Z Zegna, afin qu’il réalise, pour la première fois dans l’histoire de Berluti, des collections de prêt à porter ‘’pour habiller l’homme contemporain en total respect des valeurs et de l’histoire de la Maison’’, affirme Antoine Arnault. Loin de lui l’idée d’une motivation bassement pécuniaire of course

Les huiles essentielles colorées, outils de base du patineur


Au risque de perdre son âme originelle de chausseur, Berluti se lance donc dans le vêtement, et on peut s’attendre néanmoins à de bonnes surprises en matière de blousons en cuir patinés et chamarrés, ou même de tee-shirts en peau, réalisés grâce à ces nouvelles techniques de découpe laser qui permettent d’obtenir une finesse de cuir jamais atteinte auparavant (procédé qui a fait la joie des créateurs cette année, avec des peaux à toutes les sauces).

Quant aux tissus, la marque devra faire ses preuves dans un domaine qui lui est totalement étranger, nul doute qu’avec les moyens déployés, elle saura satisfaire l’amateur exigeant.

Prédestiné par le prénom – qu’il partage avec le fondateur, Alessandro Berluti – espérons que M. Sartori ne tentera pas de dénaturer l’esprit de la maison en se lançant dans un prêt à porter desigualesque, qui ne correspondrait pas à l’image dandy trendy, si joliment relayée par Olga depuis de nombreuses années.

La palette de l’artiste…

Mais pour l’instant, on en reste au traditionnel soulier, qui est loin d’être hégémonique en matière de chaussures de luxe…  En effet, le raffinement a ses limites, et des bémols sont à relever.

Fabriquées quasi-exclusivement dans un cuir ‘’Venezia’’, réputé pour sa souplesse et son appétence pour les couleurs (point essentiel  pour la marque), les Berluti sont cousues en Blake, ce qui confère une extrême finesse à la chaussure.

Mais tant le cuir que les coutures caractéristiques rendent ces petites merveilles très fragiles, et par temps de pluie, on en déconseille le port. Des chaussures d’apparat en quelque sorte, qui sont plus adaptées aux épaisses moquettes de palace qu’aux trottoirs parisiens crados…

Les ‘’formes’’, réalisées en bois naturel, pendouillant au-dessus d’un escarpins à lacets ‘’Alessandro’’, modèle emblématique imaginé par le fondateur de la marque, Alessandro Berluti, en 1895

Comme pour toute marque-symbole, le débat fait rage, certains portent Berloute aux nues, d’autres l’exècrent.

On ne saurait que trop vous conseiller, si vous avez la chance de pouvoir claquer quelques milliers d’euros en pompes, de comparer avec d’autres marques, selon l’usage destiné, votre style, et ce que vous voulez paraître.

Le dandy aigri, celui qui ne fait bien sûr rien comme tout le monde, vous parlera de la déréliction du savoir-faire artisanal des bottiers de luxe, et vous conseillera des marques très bien (mais différentes stylistiquement parlant) comme Corthay, Aubercy, Crokett & Jones ou Weston

Mais LVMH ne rime pas avec pigeon, et la qualité est au rendez-vous chez Berluti aussi.

On paye certes cher un travail d’artiste, mais c’est toujours moins onéreux que dans une galerie d’art.
Et c’est plus utilitaire.

La patine est un art… Si vous voulez donner une seconde vie à votre paire de croquenots marrons, ne vous y risquez pas en autodidacte… Mieux vaut investir et la faire réaliser par un professionnel, il en existe un certain nombre, principalement sur Paris. Mais voici celui qui fait les plus belles patines du monde.