Mise en esclavage

Publié le 10 août 2011 par Uscan
Les "plans de sauvetage" profitent aux créanciers et réduisent les emprunteurs en esclavage
Par John Perkins

En écrivant ceci, j’observe le chaos économique en Grèce. Je suis certain que nous partageons tous ces sentiments de peur de l’effondrement économique, qui sont rampants dans les autres pays européens, et en réalité dans le monde entier.

Ces évènements sont des cas classiques de ce que je décris en détail dans mes livres “Confessions d’un assassin financier” et “L’histoire secrète de l’empire américain”.

La Grèce a été frappée par des assassins économiques. Programmé pour faire défaut sur sa dette, le gouvernement d’Athènes ouvre la marche des pays déclarés en « cessation de paiement sélective » parmi les 17 pays de la zone Euro. Dans ce processus, cette nation qui vît naitre la démocratie il y a plus de 2000 ans, montre clairement à quel point le capitalisme de prédation travaille à réduire les libertés de ses citoyens. Ce n'est pas le peuple grec qui a contracté ces dettes, et pour une large part ce n'est pas non plus lui qui en a profité ; néanmoins, il restera enchaîné à cette fardeau pour les décennies à venir parce qu’il a été leurré par la communauté bancaire internationale et par ses propres dirigeants.

Les plans de sauvetage financier servent les créanciers et réduisent les emprunteurs en esclavage. Alors que les manifestants envahissent les rues d’Athènes, et s’opposent vigoureusement aux mesures d’austérité draconiennes imposés par l’Union Européenne et le FMI, les leaders du pays plient et acceptent les plans de renflouement. Il est devenu évident que ces plans de renflouement, concernant notre propre crise aux États-Unis, n’ont fait que bénéficier à la corporatocratie, par exemple en permettant aux PDG de se payer des bonus extravagants. Il s'agit d'emprunter de l'argent au bénéfice des banques centrales, du FMI et des dirigeants de multinationales au détriment des populations et de leur bien-être.

Dans mes livres, je décris comment la politique et l'économie sont aujourd’hui contrôlées par une poignée de personnes que j’appelle la corporatocratie. Ceci est clairement démontré par le fait que même en cas de “restructuration de la dette” ou de “remise de la dette” il existe toujours une contrepartie qui consiste à privatiser des pans entiers de l’économie du pays, auparavant considérés comme publics. Des usines, des écoles, des prisons, et même des morceaux de l’armée sont vendus à des multinationales. Ceux qui demandent moins de gouvernement, soutiennent - volontairement ou non - un nouveau modèle d’impérialisme des multinationales.

Ces sociétés usurpent les moteurs de l'économique, qui historiquement ont toujours été considérés comme faisant partie du domaine public. Lorsque j’étais un assassin économique dans les années 1970, on m'a ordonné d’appliquer ces politiques dans bon nombre de pays du "tiers monde". Il m'a fallu plus d’une décennie pour y voir clair à travers les écrans de fumée et les miroirs déformants des modèles de la Banque Mondiale et des écoles de commerce. J'ai fini par comprendre que tout cela n'était qu'un gigantesque braquage. L’Islande, l’Irlande et la Grèce sont maintenant touchés ; l’Espagne et le Portugal sont dans la ligne de mire. Le grand braquage s’étend maintenant aux États-Unis à travers les campagnes actuelles de coupes budgétaires anti-gouvernement.

Je me sens personnellement insulté par ces élus officiels qui jouent le jeu de la corporatocratie. Ils nous disent que nos fonctionnaires sont des incapables et que le secteur privé fait un bien meilleur boulot. Ces soi-disant “patriotes” dénigrent le gouvernement qui a gagné la seconde guerre mondiale, bâtit notre système autoroutier et nous a aidé à devenir la nation la plus prospère de l’histoire. Les généraux de l’armée sont remplacés par des mercenaires de BlackWater. Les réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement sont donnés aux PDG d’entreprises dont les salaires sont supérieurs à tous ceux, combinés, des hommes et femmes qui mettent les tuyaux bout à bout pour permettre la distribution de l’eau.

Quand nos élus financés par les grosses entreprises ont forcé le gouvernement à reculer, à démanteler les règles qui étaient des filets de sécurité établis après la grande dépression des années 1930, les multinationales ont laminées Wall Street. Elles nous ont menées à cette terrible récession, et elles ont demandées que le gouvernement finance leur redressement et leur vende ses propres biens. Nos biens.

S’il vous plaît, ayez en tête que tout cela n’a strictement rien à voir avec la création d'un monde meilleur pour nous et nos enfants. Il s'agit de détruire la démocratie, de castrer le gouvernement par le peuple et d'y substituer le gouvernement par la corporatocratie. Malgré la rhétorique patriote qui est utilisée, toutes ces actions ne font que renforcer un Nouvel Ordre Mondial dirigé par les règles impérialistes de la corporatocratie.

Nous ne devons en aucun cas accepter un gouvernement des multinationales. Nous devons éliminer tous ceux qui sont financés par les lobbies et voter pour ceux qui peuvent vraiment changer les choses. Nous devons rejeter en masse les barons voleurs de la corporatocratie.

Il y a quelques 2400 ans un général grec du nom de Périclès se tînt devant une audience à Athènes et déclara: “On nous appelle une démocratie, car l’administration est au main du plus grand nombre et non d'un petit groupe, avec une justice équitable pour tous et dans tous les litiges.” Que la crise grecque nous rappelle à tous que la démocratie est attaquée en ce moment. Elle ne survivra que si vous et moi, nous les peuples, soutenons les gouvernements qui sont “dans les mains du plus grand nombre et non d'un petit groupe”.

par John Perkins