Après la mort d'Alain Robbe-Grillet

Par Florence Trocmé


On dit qu’il est mort, à la radio.

Je vais chercher ses livres dans la bibliothèque. Je cherche ses livres ; je cherche ; je cherche ; où les ai-je rangés ? Sur quelle étagère… Je cherche. Je n’ai pas relu ça depuis longtemps. Je cherche. Je trouve enfin: après Calaferte, Hardellet, Louis-Combet, Moreau, entre Rezvani et Sollers… juste avant les érotiques sans ordre. Bien rangé Robbe-Grillet.

Ils sont là et devraient être dans la bibliothèque parentale où je les ai volés pour les lire j’avais quatorze ans. Je les ai donc gardés ?

À l’époque, j’aime beaucoup ça Robbe-Grillet ; et ce nom doux et cravache. Quand j’apprends que les livres sont tout, qu’ils deviennent tout, que ma langue est tout, du sol au plafond, du sens à l’émotion dans les nuages. Robbe-Grillet. Une langue nouvelle, classique. Il y a du nouveau dans les vieux livres.

À l’université, j’étudie « La jalousie » ; elle est là aussi, les pages jaunies de Minuit emplies de notes en marge. Il n’y a pas « Le régicide ». Pourquoi ?

Les livres de Robbe-Grillet sont vieux, sont nouveaux. Toujours jamais. Pas de psychologie, celle qu’on licencie sans indemnités. A ne pas confondre avec l’émotion seule que la langue produit seule quelque chose de pur qu’en creusant on trouve à force de creuser toujours de ressasser quelque chose qui à force de creuser par la puissance du creusement jaillit tout seul renaît belle langue Robbe-Grillet qu’on n’aime pas on a tort qu’on admire ce qui le fait rire. Qui vendait aussi peu en 1957 qu’un joli tirage d’un recueil de poèmes aujourd’hui.

Merci monsieur le régicide.

Une contribution de Dominique Dou
L’énergie de l’erreur, note de lecture