La piel que habito : horreur charnelle & baroque

Par Vance @Great_Wenceslas

Un thriller de Pedro Almodovar (2011) avec Antonio Banderas, Elena Alaya & Marisa Paredes.

Vu en salles au Cinéma Ciné Quai St Quentin 02 – Salle 5

Séance de 17h45 – Vost & 2D

L’histoire : (Source Allociné) Depuis que sa femme est morte carbonisée dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau, grâce à laquelle il aurait pu sauver son épouse.

Une chronique de Sypnos

Ce qui saute tout de suite aux yeux de l’amateur de fantastique, c’est la filiation directe de cette « Peau habitée » avec les Yeux Sans Visage de Franju, un classique de l’horreur à la française dont l’Espagnol emprunte le côté baroque et le cadre grandiloquent d’une demeure devenant un véritable château de Frankenstein version contemporaine.

Fort de cette constatation, on notera que le synopsis de départ est assez proche de l’œuvre citée. Dans l’original, un professeur fou essaie de rendre visage à sa fille défigurée tandis qu’ici, on va bien plus loin. En effet, Almodovar a décidé dans son interprétation de seulement s’appuyer sur cette idée de départ pour nous emmener sur d’autres pistes et pas des moins monstrueuses.

Comme les personnages principaux de cette histoire, Almodovar va transformer son récit en être hybride. En passant du drame au thriller, il va orchestrer un jeu de dupes dans lequel le premier dont on se joue n’est autre que le spectateur. Comme les protagonistes du film qui en auront le rôle à chacun leur tour, nous ne sommes que des souris avec lesquelles le chat Almodovar se joue et de belle manière.

En nous orientant vers certaines destinations tout en ne nous donnant que des cartes biaisées, le réalisateur nous conditionne à penser d’une façon, à voir à sa manière une situation qui nous apparaît alors claire. Las, c’est  pour mieux se jouer de nous et finalement nous retourner l’épiderme et les sangs. Une parfaite manipulation comme je n’en avas pas vu d’aussi réussie depuis celle orchestrée par Rob Zombie lors de son splendide The Devil’s Rejects. Reste que là, Almodovar fait encore plus fort car il nous bouscule ouvertement dans nos ressentis, nos chairs, notre sexualité…

 

En parfait suspens et en parfait thriller psychologique qu’il est, la Piel Que Habito n’en oublie pas pour autant d’être ce qu’il est avant tout, à savoir un film d’horreur, bien qu’ouvertement esthétique.

En effet, il faut véritablement un esprit tordu pour amener la caméra et les comédiens à parfaitement se jouer de nous tout en nous subjuguant. C’est un pari réussi qui se fait en empruntant aux canons du genre (Hostel notamment) et en déclinant ces scènes de pur genre au profit d’un esthétisme soigné qui permet au réalisateur de travailler sur toutes les couches de derme de ses personnages.

Ainsi, la demeure du professeur joué par Banderas devient à la fois charmante, accueillante, clinquante, aseptisée, froide et glauque… Des aspects de son propriétaire que nous découvrirons au fil du récit pour espérer finir par comprendre les tenants et les aboutissants de ce drame se déroulant devant nos yeux ébahis.

Objet de voyeurisme, revenge movie et finalement drame purement humain, le dernier film du réalisateur d’ Etreintes Brisées abat ses cartes avec dextérité pour nous séduire par la beauté de ses images et de son actrice principale.

A celà, il vient ajouter les éléments de folie nécessaires à faire bousculer un ensemble que l’on sent précaire pour finalement jouer l’atout maître. Celui-là même qui fait que les films d’Almodovar ne sont pas que des objets filmiques de grande qualité visuelle et scénaristique mais également des œuvres profondément charnelles et humaines.

 

En effet, avec l’horreur, le stupre et la folie viennentt le questionnement du spectateur sur ce qu’il a pu ressentir face aux retournements de situations et surtout les questions du devenir de son personnage principal qui, nous ne pouvons que l’espérer, aura droit à une seconde chance dans cette autre peau après toutes les épreuves qu’il aura eu à traverser.

C’est là la force du film, garder une fenêtre ouverte sur l’humanité, l’amour et tout ce qui découle des complexités de l’humain. Sous chaque peau, il ya un être qui aime, un être qui fait des erreurs, un être qui se fabrique en fonction des épreuves physiques et morales qu’il aura à subir dans la vie… C’est là toute l’horreur et toute la beauté de l’humain qui se cache derrière chaque visage… et ça Almodovar l’a bien compris.

Ma note : 8/10

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