Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

Par Sylvie

RENTREE LITTERAIRE 2011

Editions Jean-Claude Lattès

L'une des grosses sorties françaises de cette rentrée littéraire. Delphine de Vigan, auteure du succès No et moi, nous livre ici un roman familial poignant, ayant pour point de départ le suicide de sa mère Lucile, à 60 ans, il y a quelques années.

Cette mère, que l'on a découverte bipolaire (maniacodépressive), à l'âge de 30 ans, que l'auteure va nous faire revivre grâce à l'écriture.

 

Autour de Lucile, figure stellaire, tragique, une constellation familiale tout aussi tragique, marquée par l'inceste et le suicide : un père à la fois autoritaire et libertaire, une mère aimante et fantaisiste, et 8 frères et soeurs. Un premier suicide, puis un autre.

Fragilités mais aussi force d'une communauté familiale soudée malgré les multiples épreuves.

 

Delphine de Vigan ne tombe jamais dans le misérabilisme ou dans le "trash" et pour cause : ce roman est d'abord une réflexion sur l'écriture, une interrogation sur le fait d'arriver à dire la ou une vérité.

C'est pourquoi l'auteure choisit à chaque fois de faire des pauses pour s'interroger sur le comment, le pourquoi et la portée d'une telle démarche : le faire d'aller au delà du mythe familial, ses répercussions sur sa vie et celle des autres membres de sa famille.

Nous assistons donc aussi à la "fabrication" du roman, à son origine : "interview" de ses proches, oncles et tantes, interrogations sur les multiples versions, écoute des cassettes de son grand-père qui raconte sa vie, lecture des écrits de sa mère.

 

Delphine De Vigan, qui n'est plus dupe de l'autofiction, n'hésite pas non plus à placer son roman dans la lignée des écrivains de ce genre littéraire ; elle cite ainsi un passage de L'inceste de Christine Angot et du Chagrin de Lionel Duroy. Elle prend ainsi appui sur ce qui a été fait avant elle pour justement tenir à distance les critiques que l'on pourrait lui faire.

Le plus émouvant est sans doute la référence explicite à L'intranquile de Gérard Garouste, où le peintre raconte la figure paternelle et ses périodes de dépression.

 

D'abord un très beau portrait de femme brisée, une réflexion très belle sur la portée du suicide et un récit familial qui s'assume comme tel, avec ses limites. Intéressant.