Guide de Mongolie de Svetislav BASARA

Par Lecturissime

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« Le dichotomie veille-rêve est tout à fait dévaluée. » (p. 124)

L’auteur :

Svetislav Basara est né en 1953 en Serbie occidentale, à la frontière bosniaque. Auteur d'une œuvre iconoclaste et impertinente, il flirte brillamment avec l'absurde, sur la ligne fragile et jubilatoire qui sépare - ou relie - fiction et réalité. Il a publié de nombreux romans et recueils de nouvelles dont Le Pays maudit, Phénomènes, Le Miroir fêlé ou encore Guide de Mongolie. Un recueil de nouvelles, Perdu dans un supermarché, a paru en 2008 aux éditions Les Allusifs.

L’histoire :

Un écrivain serbe est dépêché en Mongolie pour y écrire un guide de voyage. Lui qui rêvait de s'extirper de sa morosité quotidienne, atterrit dans un pays perdu, lieu de tous les possibles – ou, de temps à autre, on brûle encore des sorcières. Il échoue au bar de l'hôtel Gengis Khanà Oulan-Bator, ou il voit défiler un évêque hollandais égaré dans un rêve, un officier russe devenu lama, un mort vivant au passé lubrique et même l'énigmatique Charlotte Rampling. Que tout cela confine à la folie importe peu ; la vodka coule à flots, délie les langues et libère les pensées les plus délirantes de Basara. Flottant entre rêverie et ivresse, au coeur d'un univers jubilatoire ou la seule certitude est qu'il n'y en a aucune, il se laisse emporter dans un tourbillon extravagant de dérision qui n'épargne rien, ni personne. (Quatrième de couverture)

Ce que j’ai aimé :

L’univers de Basara est peuplé d’êtres improbables, issus à la fois de sa vie, de son imagination, et quelquefois, droit venu du royaume des morts. Tout en s’imbibant de vodka, boisson indispensable dans un univers incertain et fluctuant, ils dissertent joyeusement autour de concepts en –isme : onirisme, nihilisme, l’existentialisme, communisme, nationalisme, capitalisme, alcoolisme…

D’un ton décalé, voire déjanté, Basara dénonce «  la décadence universelle » tout en s’interrogeant sur la création, à la recherche de ce « quelque chose » qui, peut-être, l’éloignerait du dégoût…

« Voyons un peu, alors, ce que je cherche dans cette glose stérile que je compose péniblement depuis déjà quinze bonnes années, portant, de surcroît, tout aussi péniblement, un masque d’écrivain. Pour jouer ce rôle, j’ai dû perdre au moins dix kilos et commettre un tas de sottises que sans cela je n’aurais jamais faites. Par exemple, je suis forcé de boire beaucoup, alors que je ne supporte pas l’alcool. Qu’y puis-je ? Le rôle doit être tenu d’une manière professionnelle. (…) Je ne suis pas du tout intéressé par des personnes concrètes ; aucun être qui s’estime et qui vaut quelque chose ne fréquente ce monde, même sous un pseudonyme. Ce monde est un Eldorado pour les vauriens, les glandeurs, les imposteurs, les dupes et les sots. (p. 110)

 

« Mais j’écris, je me casse la tête afin de tenir ma promesse : introduire dans ce monde une chose, une notion et un être qui ne font pas partie de son organisation merdique.

Je vais bien finir par trouver quelque chose. » (p. 116)

 

« J’ai lu un jour dans Fuentes une phrase intéressante (laquelle, soit dit en passant, pourrait vous servir d’épigraphe pour quelque futur roman) :

« Mais la raison, ni lente ni paresseuse, nous apprend que sitôt répété, l’extraordinaire devient ordinaire, de même que dés que cesse la répétition, ce qui auparavant passait pour fait commun prend figure de prodige… » » (p. 129)

 

Guide de Mongolie est un court récit à l’humour noir définitivement salvateur…

« Basara est à la littérature ce que Kusturica est au cinéma : un fou, un génie, un libertaire, un amuseur, un effronté, un sentimental. Un électron libre dans la fournaise qui nous sert d’humanité. » Martine Laval, Télérama

Ce que j’ai moins aimé :

Les divagations décousues de l’auteur peuvent quelquefois désarçonner le lecteur…

Premières phrases :

« Cette année-là, année du dragon de fer selon le calendrier chinois, si le printemps avait été vieux jeu, l’été fut extravagant. Il neigea deux fois en juillet, une fois le jour ne se leva point, et la nuit dura ainsi quarante-huit heures. Tout alla à l’avenant, jour après jour. Il ne se passait rien. »

Vous aimerez aussi :


Du même auteur : Le miroir fêlé

Autre : L’année du jardinier de Karel CAPEK

D’autres avis :

 

Encres vagabondes, Papillon, Yves 

Télérama, Matricule des anges

Guide de Mongolie, Svetislav BASARA, Traduit du serbe par Gojko LUKIC et Gabriel IACULLI, Les Allusifs, 2006, 131 p, 13 euros

POCHE : Guide de Mongolie, Svetislav BASARA, Traduit du serbe par Gojko LUKIC et Gabriel IACULLI, 10/18, juin 2008, 144 p, 7 euros