Rien ne s’oppose à la nuit, de Delphine de Vigan

Par Litterature_et_chocolat @HeleneChoco

Magistral et violent

Rien ne s’oppose à la nuit est un récit autobiographique, intimiste, une confession en forme d’exorcisme. Delphine de Vigan ne se complaît cependant pas dans le narcissisme et nous livre un récit empreint de pudeur et de douceur, quoique chargé de douleur et de tristesse.

RÉSUMÉ :

Entre saga familiale et biographie, Rien ne s’oppose à la nuit nous entraîne en eaux troubles, entre inceste, secrets de famille, dépressions, suicides… A la mort de sa mère, Delphine de Vigan a essayé de reconstituer le puzzle d’une histoire qui, sur plusieurs générations, a semé les graines de la souffrance dont le paroxysme a certainement été atteint par la mère de l’auteur, Lucille, se débattant dans les affres de la maniaco-dépression.

MON AVIS : un livre poignant, dérangeant et courageux

Delphine de Vigan possède une prodigieuse maîtrise du verbe et de la formule. Aucun mot n’est superflu, tous concourent à susciter chez le lecteur une palette d’émotions subtiles et palpables. Ce nouvel opus est une pépite littéraire, au style très abouti, sobre, presque poétique.

Décontenancée dans un premier temps par le récit autobiographique alors que les précédents ouvrages étaient des romans, j’ai eu le sentiment que l’auteur erre et louvoie sans but, dans un journal intime dont on se demande où le lecteur va trouver sa place. Après avoir lu Le Chagrin, de Lionel Duroy (que Delphine de Vigan mentionne à plusieurs reprises) et Le roman des Jardin, d’Alexandre Jardin, les premiers chapitres de Rien ne s’oppose à la nuit m’ont paru bien fades.

Et soudain, au détour d’une page, Delphine de Vigan confie que, cette fois, elle ne parvient pas à introduire romance et fiction dans son récit. L’histoire familiale est trop lourde, intime, personnelle et paradoxalement ne lui appartient pas assez pour la dépecer et la façonner comme elle le souhaite. On se laisse alors porter par les mots, et on plonge dans les ténèbres qui rongent cette famille à la dérive tenant avant tout à sauver les apparences.

Avec brio, une fois encore, cet écrivain fabuleux n’épargne pas le lecteur, et lui insuffle toute son angoisse et sa souffrance. Terrassé, subjugué, vaincu par k.o, il faut un moment pour reprendre ses esprits après la lecture de Rien ne s’oppose à la nuit.

JE VOUS LE CONSEILLE SI…

… vous avez aimé les précédents ouvrages de Delphine de Vigan. Contrairement à d’autres écrivains prolixes et très attendus à chaque rentrée, Delphine de Vigan nous bluffe avec ce livre d’une grande qualité littéraire et stylistique. On espère également que, libérée et apaisée, Delphine de Vigan pourra renouer avec la fiction.

… votre êtes prêt à affronter des vérités dérangeantes. Les secrets de famille, la maladie mentale, l’inceste sont des sujets tabous et, comme dans ses précédents romans, Delphine de Vigan relate avec courage et honnêteté des histoires terribles qui sont pourtant le lot quotidien de milliers de personnes.

EXTRAITS :

Bien qu’ayant souffert de la maladie de Lucille, Delphine de Vigan évoque sa mère avec amour et délicatesse :

Lucille est devenue cette femme fragile, d’une beauté singulière, drôle, silencieuse, souvent subversive, qui longtemps s’est tenue au bord du gouffre, sans jamais le quitter tout à fait des yeux, cette femme admirée, désirée, qui suscita les passions, cette femme meurtrie, blessée, humiliée, qui perdit tout en une journée et fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, cette femme inconsolable, coupable à perpétuité, murée dans sa solitude.

Tout au long du récit, l’auteur n’a de cesse de s’interroger sur les conséquences de ses révélations :

Ai-je le droit d’écrire que Georges a été un père nocif, destructeur et humiliant, qu’il a hissé ses enfants aux nues, les a encouragés, encensés, adulés et, dans le même temps, les a anéantis? Ai-je le droit de dire que son exigence à l’égard de ses fils n’avait d’égal que son intolérance, et qu’il entretenait avec certaines de ses filles des relations au minimum ambiguës?

VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE :

Le roman des Jardin, d'Alexandre Jardin

Le chagrin, de Lionel Duroy

Challenge 1% – Rentrée littéraire 2011

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