La 32e Université d'Été de la Nouvelle Economie à Aix-en-Provence

Publié le 27 août 2011 par Francisrichard @francisrichard

Initialement l'Université d'Été de la Nouvelle Économie avait lieu tous les ans, ce depuis 1978. Elle a lieu tous les deux ans depuis 2007. Les participants n'en sont que plus heureux de se retrouver après une telle interruption... dans l'amphi surchauffé de la faculté de droit de l'Université d'Aix-Marseille III [ci-contre].
Les thèmes de cette année était on ne peut plus d'actualité : Quelle crise ? Quelle sortie de crise ? Après l'État Providence.

Ces thèmes auraient dû attirer l'attention de journalistes un peu curieux, qui ne se contentent pas de la rengaine répétée à satiété et sur tous les tons : c'est le méchant capitalisme qui est le responsable de tous les maux, donc de la crise financière, puis de la crise de l'endettement public. Il ne s'est trouvé qu'un journaliste pour faire le déplacement parmi tous ceux, nombreux, qui avaient été invités par les organisateurs, ce qui montre combien est grande la curiosité des médias, qui se plaignent de leur perte d'audience...
En fait il s'agit d'une journaliste, Anne Jollis [ci-contre], éditorialiste basée à Londres du Wall Street Journal Europe ici. Elle sauve l'honneur d'une profession qui se satisfait des explications données par les fauteurs de crise. Ces derniers qui sont les bénéficiaires de l'Etat-Providence rejettent évidemment sur les autres leurs propres turpitudes.
Anne Jollis a même fait mieux que d'assister. Elle a accepté d'animer un des débats de fin de journée de l'Université d'Été, qui s'est tenue du 22 août 2011 au 24 août 2011, le matin et en fin de journée dans l'amphithéâtre David, l'après-midi dans deux plus petites salles, destinées l'une au public anglophone, l'autre au francophone.
En fait l'Université a débuté, le 21 août 2011, par un dîner d'ouverture au Grand Hôtel du Roy René, comme c'est devenu la tradition. Au cours de ce repas de l'amitié, qui permet de se retrouver entre personnes qui toutes défendent les idées de liberté, deux personnalités ont pris la parole.

Leszek Barcelowicz, ancien Ministre polonais des finances, ancien Directeur de la banque centrale de Pologne, Docteur honoris causa de l'Université d'Aix-en-Provence en 1993, a rappelé fort opportunément qu'il ne fallait pas confondre Etat-Providence et solidarité... un mot cher aux Polonais, qui ont su lui donner un retentissement mondial, grâce à l'action incomparable du syndicat éponyme, dirigé alors par Lech Walesa.
Michel Kelly-Gagnon [ci-dessus], ancien Président du Conseil du patronat du Québec ici, ancien Président de l'Institut économique de Montréal ici, a expliqué pourquoi le Canada n'a pas connu la crise : en opérant de grosses coupes ciblées dans le budget, le gouvernement Jean Chrétien, pour sauver l'Etat-Providence, est parvenu à dégager des excédents budgétaires entre 1997 et 2007...
Quelle crise ? 

Leszek Barcelowicz [ci-contre, lors de la remise de la Médaille de la Ville d'Aix au Pavillon Vendôme ] explique que la crise est due à la politisation de l'économie, à la concentration du pouvoir, à l'absence de concurrence et au protectionnisme.
Pascal Salin incrimine la manipulation des taux d'intérêt par les banques centrales : un taux faible incite à investir dans des activités risquées ou non rentables. Il souligne que l'épargne est insuffisante en raison des politiques fiscales et des retraites par répartition et que la création monétaire est inutile, la déflation naturelle permettant d'augmenter le niveau de vie.

Victoria Curzon-Price démontre que le protectionnisme conduit au chômage et à la décroissance. Aux salaires bas des pays émergents, les pays occidentaux peuvent opposer une productivité incomparable. Ce qui les empêche d'être compétitifs ce sont leurs charges sociales et le modèle social. Elle donne l'exemple de la taxe CO2 qui rend inapte à la concurrence mondiale les principales activités économiques, hormis celles du bien-être et de l'environnementalisme.

Pour Tom Palmer il faut déconnecter cupidité et capitalisme, car les connoter revient à reprocher la maladie à la médecine. C'est l'interventionnisme qui est responsable de la persistance de la pauvreté parce qu'il engendre privilèges et corruptions, c'est le capitalisme des petits copains, le crony capitalism. Tom cite Tarek el Taib Mohamed Bouazizi, le désormais fameux vendeur ambulant tunisien, décédé le 4 janvier 2011, à l'âge de 27 ans, des suites de son immolation deux semaines plus tôt :

"Le capitalisme du libre marché est le seul système compatible avec la dignité humaine."
Jean-Pierre Centi [ci-dessous avec Pierre Garello] rappelle que le pacte de stabilité de la zone euro se donnait pour objectifs : 3% de déficit maximum et 60% du PIB de dette publique maximum. C'étaient des objectifs purement arbitraires. La règle était pourtant l'équilibre budgétaire au XIXe siècle. Cette règle a été oubliée au profit de la théorie keynésienne selon laquelle le devoir d'agir passe par la pratique du déficit budgétaire, comme si le tout se comportait différemment de l'élément, l'économie d'un pays de celle d'une entreprise... Il n'y a que deux façons de répudier une dette : explicite en disant aux prêteurs qu'on ne leur doit rien, implicite en pratiquant l'inflation.

Quelle sortie de crise ?
Face à la crise il y a ceux qui pensent qu'il faut attendre que le système basé sur l'Etat-Providence s'effondre, d'autres qu'il est réformable, voir l'exemple du Canada, et enfin ceux qui pensent que son effondrement est déjà effectif...
Pour un libéral à quoi sert une constitution ? A limiter le pouvoir répond Jean-Philippe Feldman. Une constitution ne peut le faire qu'en déclarant les droits et notamment les droits de propriété, en séparant véritablement les pouvoirs, en décentralisant verticalement et horizontalement, en appliquant la subsidiarité verticale et horizontale. Mais il ne faut pas s'illusionner. Une constitution n'empêche ni l'autoritarisme, ni le totalitarisme, ni la technocratie... Et de citer Georges Pompidou :
"Comment se ruiner ? Par le jeu ? C'est le plus rapide. Par les femmes ? C'est le plus agréable. Par les technocrates ? C'est le plus sûr."
Les institutions helvétiques se caractérisent, nous dit Victoria Curzon-Price, par la décentralisation politique et la démocratie directe. Il en résulte une concurrence institutionnelle vive, un processus de découverte institutionnelle permanente, une limitation du pouvoir politique et des impôts raisonnables, même si les dépenses publiques représentent tout de même 37% du PIB...
Pierre Bessard rappelle que le secret bancaire n'est pas un privilège mais une protection envers l'Etat et envers les tiers. De même les paradis fiscaux participent à la préservation des droits individuels et permettent un arbitrage vis-à-vis des excès budgétaires. La minimisation fiscale est un devoir moral. L'Etat devrait être au service des citoyens et non l'inverse. 
L'impôt est un moyen dans l'Etat limité à ses fonctions régaliennes, nous dit Jean-Philippe Delsol. Mais c'est une arme dans l'Etat-Providence, une arme au service d'une idéologie. Il s'agit d'égaliser, de déraciner les fortunes, selon l'expression d'un certain Maximilien Robespierre... Pour Jean-Philippe Delsol, qui est favorable à la flat-tax (l'impôt proportionnel, qui touche tout le monde) l'impôt progressif consiste à faire payer les riches (seuls 50% des Français payent l'impôt sur le revenu).
Après l'Etat-Providence.
Mario Rizzo donne raison à Friedrich Hayek. L'extension de l'Etat, avec son accumulation de lois et de réglementations, est responsable de la crise que nous connaissons aujourd'hui. Il faut diminuer les dépenses publiques et réduire l'Etat. Pour y parvenir un consensus est nécessaire. Il ne surviendra que lorsque le fond aura été atteint.
Steve Davies souligne que réduire l'Etat-Providence rencontre des oppositions. Pourtant il ne peut pas perdurer. La vie sociale en est trop fortement endommagée. Couper dans les dépenses fait mal. Steve préfère donc présenter les choses autrement : le choix privé est l'expression de la liberté, qui seule permet la croissance du marché et la sortie de crise.
Douglas Den Uyl expose les arguments avancés en faveur de l'Etat-Providence : la défense des pauvres, le besoin plutôt que le profit, l'égalité etc. Et ceux avancés pour le critiquer : l'Etat-Providence c'est donner aux uns en prenant aux autres, c'est la dépendance, l'inégalité réelle, la stagnation etc. Il ajoute que cela conduit surtout à l'atomisation de la société. Pourquoi ? Parce qu'il est contraire à la morale et encourage l'égo-centrisme.
En effet une personne ne peut être morale que si elle accepte la responsabilité de ses actes et qu'elle agit selon des principes. Ce qui suppose d'être libre de choisir ses principes d'action. Ainsi il est moral d'aider volontairement les autres en leur consacrant 10% des ses revenus. Il n'est pas moral que ce soit l'Etat qui prélève, par la coercition, ces 10% pour aider les autres.
Douglas Rasmussen traite de la justice. Le mot recouvre trois significations : la justice metanormative, la vertu de justice, la justice personnelle. La première a trait aux droits individuels qui sont limités par le consentement, la deuxième à la considération des autres, ce qui est différent de l'égalité de traitement, la troisième à deux maximes principales : connais-toi toi-même et deviens ce que tu es. Un ordre libéral doit fournir la justice metanormative qui permet à la vertu de justice et à la justice personnelle d'exister. En fin d'exposé, Douglas cite Benjamin Franklin :
"Where liberty dwells, there is my country" [où la liberté demeure, se trouve mon pays]
Jean-François Mattei estime que la crise politique actuelle est une crise identitaire. Elle ne date pas d'hier. Paul Valéry en parlait déjà en 1919. Aussi a-t-il consacré son dernier livre aux procès faits à l'Europe. Il cite quelques exemples du refus d'assumer l'héritage :

- L'Union européenne a chargé une ONG, la Generation Europe Foundation, de recenser les fêtes religieuses européennes. Aucune fête chrétienne ni juive n'a été recensée. Coût : 5 millions d'euros.
- Aucun des sept billets libellés en euro ne comporte d'illustration réelle : elles sont toutes fictives [ci-contre le château Régis à Saint Menet où s'est achevée l'Université d'Été].

- Le projet de Constitution européenne ne faisait pas référence aux racines chrétiennes de l'Europe.
Le conférencier cite alors René Char :
"Notre héritage n'est précédé d'aucun testament."
Hannah Arendt se demandait comment utiliser cet héritage. En l'assumant, répond Mattei, en faisant nôtre ce qui le caractérise, et qui est l'objet de reproches : la découverte de l'universel et l'idée d'ouverture, qui sont les fruits de la liberté.
William Faulkner disait :
"Le passé n'est jamais mort, il n'est même pas passé."
Alors que faut-il faire ?

Il faut faire savoir que l'Etat-Providence est le problème et non pas la solution. Il est le problème parce que, s'il répond à des besoins réels, il manque de transparence et que l'information sur lui est proche de zéro. Les populations manquent d'éducation économique et subissent au contraire, de la part de l'Etat-Providence, une propagande qui est une éducation véritablement anti-économique.

Il faut faire savoir que l'Etat-Providence est immoral - il est par exemple immoral de transmettre des dettes aux générations futures - et que la conception de l'homme, libre et responsable, et l'économie sont inséparables. L'Etat-Providence s'oppose à la liberté et à la responsabilité et ne peut pas enseigner l'économie. Il n'enseigne que deux idéologies qui lui sont favorables : le socialisme et le keynésianisme.
Dans tous les pays occidentaux, il faut faire savoir quel salaire complet les personnes perçoivent, ou plutôt ne perçoivent pas, en réalité, quel est le jour de leur libération fiscale, à partir duquel elles travaillent pour elles-mêmes et non plus pour l'Etat, quel est le poids de la dette publique de leur pays en prenant des exemples concrets plus parlants que des milliards d'euros, de dollars ou de francs suisses, qui sont bien abstraits.
Il faut transmettre le raisonnement économique en utilisant tous les moyens modernes existant, à destination de tout le monde, sa famille, ses proches, les médias, via Internet, des articles, des traductions, des films. Car les choses ne changeront pas sans la pression de la société civile. 
Je terminerai par cette citation de Jacques Garello, juxtaposant deux titres de livre écrits par Adam Smith :
"Les sentiments moraux font la richesse des nations."
Francis Richard
PS
J'ai bien conscience que ce compte-rendu de la 32e Université d'Été de la Nouvelle Économie est lacunaire. Tous ceux que je n'ai pas cités ou dont je n'ai pas rendu compte des travaux me pardonneront, j'en suis sûr. Comme lorsque je fais une recension d'un livre que j'aime, je n'ai pas d'autre ambition que de mettre en appétit.
Le programme de cet événement boudé par les médias se trouve ici.
Les deux dernières photos ci-dessus montrent que les participants savent non seulement penser, discuter, mais vivre... et chanter [Emmanuel Martin à gauche sur la dernière photo est non seulement un chanteur insigne mais l'animateur d'un site remarquable, Un Monde Libre, ici].