Banques : pourquoi Lagarde ne comprend rien à l’économie

Publié le 30 août 2011 par Copeau @Contrepoints

Les solutions à adopter pour les banques sont tout sauf celles préconisées par le FMI.

Par Charles Gave
Un article de l’Institut Turgot

Comme les nouvelles réglementations sur les banques (Bâle III), Madame Lagarde considère qu’il faut renforcer la solidité financière des banques européennes, et qu’elles vont donc devoir procéder à des augmentations de capital massives pour éviter une répétition de la crise de 2008.

Ces tentatives de « renforcer » les banques en les forçant à effectuer des augmentations de capital m’amènent à formuler deux remarques :

– La première est qu’il n’est pas du tout prouvé que les banques aient été responsables ou uniquement à l’origine de cette crise, les États ayant une énorme part de responsabilité dans ce désastre (cf. mon livre Libéral mais non coupable chez François Bourin éditeur).

– La deuxième est que Madame Lagarde et les autorités de Bâle ne comprennent pas grand-chose à la façon dont fonctionne un système bancaire, ce qui est plus qu’un peu… inquiétant. C’est ce point que je veux développer aujourd’hui. Je vais le faire de manière un peu caricaturale, mais je pense que ce que je vais dire est juste, quoique volontairement schématique.

Le métier d’une banque est de prêter l’argent que ses déposants lui ont confié, mais aussi de l’argent qu’elle a elle-même emprunté à l’extérieur (à une autre banque par exemple). Ces dépôts et ces emprunts constituent son passif. A l’actif, elle aura les prêts qui ont été consentis, mais comme tous les prêts ne sont pas remboursés, certains emprunteurs faisant faillite, il faut que la banque ait un capital suffisant pour absorber ces pertes sans que les déposants aient à en souffrir. Bien sûr, il faut que les taux d’intérêts soient suffisamment élevés pour que la banque couvre ses frais de financement + une prime qui couvre les risques de faillites « normales». Au cas où nous entrerions dans une période anormale (récessions, dépressions), il faut en plus que la dite banque ait un CAPITAL suffisant pour absorber ces pertes anormales.

Imaginons que les autorités de contrôle, pour couvrir ce dernier risque, décident que les banques soient dans l’obligation de conserver à tout moment un capital égal à 10 % des prêts consentis. Cela veut dire que cette banque peut « porter » 900 euros de prêts et avoir une taille de bilan de 1000 euros (900 de prêts+100 de capital). Comme de nos jours la plus grosse partie de la masse monétaire (M2 par exemple) a comme contrepartie des prêts bancaires, on peut avancer sans craindre de se tromper beaucoup qu’il existe une relation forcément assez stable entre la masse monétaire dans un pays et le capital du système bancaire. Si le capital des banques est équivalent à 1000 euros, on voit bien que la masse monétaire doit être à peu prés de 10000 euros…

Imaginons encore que les génies qui nous gouvernent décident que les banques doivent avoir soudain un capital égal non plus à 10 % de leurs prêts, mais à 20 %. Les banques qui pouvaient porter une masse monétaire de 10000 euros, avec le capital dont elles disposent ne peuvent plus porter une masse monétaire « que » de 5000 euros. Elles ont donc le choix soit de faire une augmentation de capital de 1000 euros, pour pouvoir porter leurs prêts existants, soit de réduire leurs prêts de moitié (diviser leur bilan par deux).

Dans le premiers cas, on peut légitimement se demander qui va souscrire à une augmentation de capital dans un secteur dont la rentabilité va s’effondrer (fonds propres deux fois plus importants, même taille de volume de prêts = une rentabilité qui s’effondre) et dans le deuxième, comme l’a très bien montré Milton Friedman, une effondrement de la masse monétaire entraine TOUJOURS un effondrement de l’activité économique au travers d’une « déflation par la dette ».

Il est donc tout à fait évident que l’effondrement des bourses a comme « cause première » ces nouvelles règles établies à Bâle par des comptables qui ne comprennent rien à l’économie, et qui cherchent à établir des règles pour que le risque bancaire disparaisse à tout jamais, ce qui est proprement idiot puisqu’un monde sans risque est un monde en dépression.

Le plus foudroyant est que les hommes politiques ne cessent de réclamer aux banques qu’elles accordent PLUS de prêts alors qu’à l’évidence les mesures qu’ils prennent, ou font prendre, vont arriver exactement au résultat inverse…

Ce qu’il faut faire, c’est casser les grandes banques en une multitude de petites pour que des risques soient pris à nouveau et que la concurrence règne dans le monde bancaire comme partout ailleurs; interdire aux banques d’acheter des obligations d’État avec leurs dépôts, pour que l’État emprunte à un coût normal et cesse d’être subventionné de façon éhontée; et, bien sûr, BAISSER les ratios entre capital et prêts pour que les banques puissent financer à nouveau le secteur privé.

La probabilité que cela se passe ainsi est, à mon avis, exactement égale à zéro, mais je peux toujours rêver…


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