Expressive Pen by Philips Electronics

Par Topolivres

Le constructeur Philips brevette le "stylo expressif"



Le géant de l'électronique néerlandais, annoncent les spécialistes tech du New Scientist, a obtenu en octobre un brevet pour une invention que l'on n'attendait pas précisément de lui, puisqu'il s'agit d'un projet de stylo : en fait, une sorte de Bic 16 millions de couleurs parmi lesquelles la sélection se verrait opérée, non par une action du pouce sur un vulgaire mécanisme à ressort, mais à chaque instant par l'état émotionnel de la personne qui le tiendrait en main. Après le téléviseur Aurea dont le cadre dynamique propage les tons de l'image au-delà de l'écran, l'Expressive Pen imaginé par Philips pourrait ainsi transposer en toute scientificité sur la page la couleur de l'humeur de l'écrivain et ses diverses nuances au cours de la rédaction.
Dans le détail, Evert Van Loenen, Geert Langereis, Ralph Kurt et Steffen Reymann décrivent un instrument d'écriture, de type feutre/roller ou stylet tel qu'employé aujourd'hui en infographie, lequel grâce à un système de capteurs et microprocesseur intégrés se révélerait "capable de moduler son tracé en réponse à un signal sensoriel émis par l'utilisateur, comme par exemple la conductance de la peau" (soit la capacité de celle-ci à laisser passer un courant électrique, censée augmenter avec l'"éveil" de l'individu qu'elle enveloppe), le rythme cardiaque ou bien la pression exercée par les doigts ou sur la feuille. S'appuyant sur certains acquis de la neurophysiologie, l'équipe d'ingénieurs explique alors comment "le fait que le tracé du stylo subisse une modification et passe par exemple du bleu au rouge permet d'exprimer un changement d'humeur chez l'utilisateur".
Outre les champs d'application considérés par les inventeurs - journaux intimes et correspondance privée, faits de papier encore ou dans l'esprit sans doute aussi de bits -, on secoue un frisson et se prend à rêver le mix détonant qu'offrirait à son voyeur lecteur l'auteur de fiction qui voudrait jouer le jeu. L'engin transcendant un avenir de convoyeur d'émoticônes chics pour fourrer la couche verbale de son substrat d'affects, sans autre considération pour l'harmonie de l'ensemble que la synchronie. André Breton au temps des outils froids. La témérité d'un Claro sans les bleus !
(Ce billet n'est pas sponsorisé mais étudie toute proposition de bêta-test.)
Alice Guzzini

"Profitant d'une soudaine capillarité, ou plutôt conductivité du papier, je me laisse aspirer, sliourp ! hors du tracé des mots pas encore secs et remonte tel un homme-obus le fût tendu de la plume. Parvenu à la jonction des doigts - ses doigts, bon sang ! les doigts de Flaubert ! -, je m'immisce sous les ongles ras, m'enivre de leur brutalité chantante, puis m'enfuis dans les veines minuscules que recèlent les boisseaux des nerfs - névrose, vous dis-je ! névrose... -, et en quelques instants j'ai atteint le coude qu'en pliant il - lui ! le grand homme ! - m'aide à contourner afin de mieux me propulser jusque dans le gras de l'avant-bras où après une ou deux hésitations musculaires je suis irrémédiablement hissé par la tension de l'épaule dont le brutal haussement me descelle et m'envoie forer, bien en deçà, sous l'éponge pulmonaire, jusqu'au coeur, gros comme celui d'un boeuf, tout persillé d'humeurs tonitruantes.
Les contractions de cette pompe affolée me cognent, c'est la raclée, j'essaie de me protéger mais en vain, je l'ai bien cherché, je l'ai mérité, et Flaubert de moi ne fera, je le suppose, l'espère, qu'une - beurk - bouchée."
Claro, Madman Bovary, p. 132
 


Claro
Madman Bovary
Verticales 2008
17 euros

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