Libye : les services de renseignement américains et britanniques collaboraient avec Kaddafi

Publié le 04 septembre 2011 par Africahit
Mouammar Kaddafi, le 10 avril 2011 à Tripoli. © AFP

Américains et Britanniques ont coopéré étroitement dans les années 2000 avec les services de renseignement du colonel Mouammar Kaddafi, la CIA allant jusqu'à livrer des prisonniers au régime libyen pour interrogatoire, ont rapporté samedi des journaux.

L'Independent britannique et deux quotidiens américains, le Wall Street Journal (WSJ) et le New York Times, citent des archives découvertes dans un immeuble des services secrets libyens à Tripoli par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW).

Sous l'administration de l'ancien président George W. Bush, la CIA a livré de présumés terroristes au régime du colonel Kaddafi en suggérant les questions que les Libyens devaient leur poser, rapporte le WSJ en citant des documents découverts au siège de l'agence de la sécurité extérieure libyenne. En 2004, la CIA avait même établi "une présence permanente" en Libye, selon une note d'un haut responsable de l'agence américaine, Stephen Kappes, adressée au chef des services secrets libyens de l'époque, Moussa Koussa.

Selon le New York Times, la CIA a envoyé au moins à huit reprises des suspects de terrorisme en Libye pour qu'ils y soient interrogés. De même source, les Libyens ont demandé en échange à retrouver Abu Abdullah al-Sadiq, un dirigeant d'opposition. Un officier de la CIA a répondu en mars 2004 que l'agence tenterait de le localiser, selon un document contenu dans le dossier sur la CIA.

Isolement diplomatique

Un responsable américain cité anonymement par le WSJ rappelle qu'à cette époque, la Libye tentait de rompre son isolement diplomatique. "En 2004", dit-il, "les États-Unis avaient réussi à convaincre le gouvernement libyen de renoncer à son programme d'armes nucléaires et à aider à arrêter les terroristes qui visaient les Américains".

The Independent publie des informations similaires, et pointe les relations entre les services libyens et britanniques à la même époque. Il cite un document américain classé "secret" annonçant que les services américains étaient "en mesure" de livrer "physiquement" aux Libyens un homme, Cheikh Moussa, présenté comme membre d'un groupe lié à Al-Qaïda. Des vols secrets américains ont transporté des dizaines de suspects de terrorisme dans le monde entier à la suite des attentats du 11 septembre 2001, pour être interrogés dans des pays tiers.

Selon The Independent, la Grande-Bretagne a communiqué à l'époque des informations sur des opposants en exil du régime Kaddafi. Dans une lettre du 16 avril 2004, les services secrets britanniques informent leurs homologues libyens qu'un militant libyen vient d'être libéré en Grande-Bretagne.

La rencontre Blair-Kaddafi

Plusieurs documents ont trait à la visite très médiatisée du Premier ministre britannique Tony Blair à Tripoli en 2004, montrant que c'est M. Blair qui a insisté pour être reçu par Kaddafi sous sa tente. Selon les notes retrouvées à Tripoli, les services secrets britanniques ont aussi aidé à rédiger le discours où Kaddafi annonçait qu'il renonçait aux armes de destruction massives.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a refusé samedi de commenter des informations, qui "remontent à l'époque d'un gouvernement précédent" (celui de Tony Blair, ndlr). "Je ne peux faire aucun commentaire sur les questions de renseignement", a-t-il indiqué sur Sky News.

Le département d'Etat, contacté à Washington par l'AFP, a également refusé de commenter. Moussa Koussa, chef des services de renseignement libyens de 1994 à 2009, puis ministre des Affaires étrangères, est arrivé à Londres le 30 mars après avoir fait défection, et est reparti libre vers le Qatar.