Bordeaux sonne la révolte

Publié le 31 janvier 2011 par Rémy Dodet @dribulations

Un Jussie combatif, un Fernando omniprésent et un Chalmé qui abuse des roulettes, il y a belle lurette que le virage sud n'avait pas assisté à pareil spectacle. Les quelques tags provocateurs apposés dans la paisible plaine du Haillan auront finalement produit leur petit effet. Dos au mur comme jamais après l'humiliante défaite à Angers, les Bordelais ont réagi et renvoyé de gentils Niçois à leur salade de bas de tableau. Agressifs et appliqués, à défaut d'être brillants, ils ont fourni une prestation aboutie et donné à leur monde le sentiment qu'ils évoluaient à un niveau en adéquation avec leurs qualités. Surtout, le FCGB a basculé dans la bonne partie du classement et n'accuse que 4 points de retard sur le troisième. Autopsie d'un sursaut.

FCGB : Carasso - Chalmé, Sané, Ciani, Trémoulinas - A. Diarra, Fernando - Plasil (Wendel 86e), Jussie, Ben Khalfallah (Gouffran 83e) - C. Diabaté (Modeste 46e)

OGCN : Ospina - Coulibaly, Civelli, Pejcinovic, Clerc - Sablé (Diakité 46e), Faé - Abdou Traoré, Ljuboja (Gonçalves 61e), Bagayoko (Mabiala 69e)

- 10e : Fernando avale le couloir droit à une vitesse insoupçonnée et centre en retrait. A la réception ? Diabaté ose une madjer trop peu appuyée.

- 29e : Fernando s'avance dans l'axe, claque un une-deux avec Jussie, puis un autre avec Plasil, s'emmène le ballon d'une roulette à l'entrée de la surface et frappe... sur Diabaté, qui squattait la trajectoire.

- 38e : Corner de Plasil. Tête puissante de Sané. 1-0

- 53e : Modeste décroche et file le cuir à Jussie. Le meneur écarte sur la gauche pour Ben Khalfallah. Sur une touche, le Tunisien balance un centre puissant et (chose rare) précis sur Modeste. La tête plongeante à bout portant de ce dernier n'accroche pas le cadre.

- 57e : Le stoppeur niçois Pejcinovic se faille et transmet involontairement à Fernando aux 25 mètres. Modeste hérite de la balle et trompe Ospina d'une frappe puissante. 2-0

- 62e : Alou Diarra presse au milieu de terrain, récupère le jouet, élimine, et frappe des 25 mètres de l'extérieur du droit. Ospina repousse.

Inhabituel : un joueur exfiltré sous la pression de la plèbe, des entraînements chahutés et un entraîneur ouvertement menacé. Le Haillan n'avait pas connu une telle agitation depuis bien longtemps. Et ouais. Le maillot au scapulaire ne se galvaude pas. Encore fallait-il le rappeler. Il y a fort à parier que Mathieu Chalmé, de retour face à Nice, a dû se charger de prêcher cette bonne parole. Au vrai, la rentrée de l'ex-Lillois tombait à pic pour son entraîneur qui abordait peut-être le match le plus périlleux de sa glorieuse carrière. Sa rentrée sur le flanc droit de la défense a permis d'aligner Sané dans l'axe et de faire monter Fernando d'un cran. Et c'est précisément ce repositionnement qui est l'origine de la révolte. Bridé, frustré, sacrifié au nom de l'intérêt général, le Brésilien avait faim. Tant et si bien qu'il est la cause et le symbole du réveil girondin. Rempart pour sa défense centrale, soutien pour ses latéraux, celui que l'on donnait partant l'hiver dernier a donné l'impulsion. Harcelant au pressing, précis dans son jeu long, intelligent dans ses choix, le milieu a livré un récital tactique. Et n'hésita pas à prendre le jeu à son compte ou à se projeter vers l'avant.

Volontaires mais timorés jusqu'à l'ouverture du score, les Gigis ont d'abord cherché à se rassurer. Comment ? En mettant le pied, ni plus ni moins. Et c'est Alou Diarra, dépassé ces derniers temps, qui a montré l'exemple. Même Jussie - celui que l'on surnomme le magicien - avait laissé de côté sa baguette magique pour mieux " mettre du bois ". Résultat : un grand nombre de ballons furent récupérés haut sur le terrain. Pratique pour une équipe dont la faculté à produire du jeu n'est pas démontrée. Pour autant, le retour de Fernando à sa place a aussi eu pour effet de libérer les joueurs à vocation offensive. Si l'empreinte de Jussie sur le jeu de son équipe n'est que trop souvent passagère, le Brésilien s'est au moins démené. Et les milieux excentrés Plasil et Ben Khalfallah ont pu se concentrer sur l'attaque. Le Tchèque a brillé et joué juste, comme d'hab ; la détermination et l'humilité du second ont compensé sa technique douteuse, et il est à mettre au crédit du Tunisien quelques beaux déboulés ainsi qu'une complicité intéressante avec Trémoulinas. Les latéraux ne sont pas en reste, eux qui n'ont jamais joué si haut cette saison. Et le retour d'un Chalmé - que l'on croyait cramé - revigoré et précieux par sa capacité à obtenir des coups francs inespérés a lui aussi soulagé les milieux de terrain. Seul bémol : la piteuse adversité offerte par l'OGCN, qui invite à calmer tout optimisme démesuré.

Les rumeurs émanant du Haillan décrivaient un Tigana partisan d'une stratégie défensive et des joueurs portés vers l'avant. A la vue du jeu déployé face à Nice, les seconds semblent avoir été entendus du premier. Il suffit pour s'en convaincre, d'observer les montées rageuses d'un Trémoulinas visiblement revanchard. Comprenez : les joueurs ont sauvé leur coach, à leur manière. Celui-ci gagnerait alors à ne pas modifier le système mis en place, tant l'équilibre reste encore fragile. Au delà des performances individuelles, c'est surtout la prestation d'ensemble qui a convaincu. Du pressing, du mouvement, une bonne conservation du ballon, même Jean Louis Triaud a dû se détendre sous son chapeau. Bordeaux n'est pas mort. Et il peut même être agréable à regarder. Qui l'aurait cru au sortir de l'élimination en Coupe de France ? Même pas nous. Des sourires, des tapes dans le dos, n'en jetez plus : le public de Chaban a enfin vu une vraie équipe. En baladant ces maigres Azuréens, les Bordelais ont redonné du sens à leur saison, et pointent désormais à 4 points de la 3e place. Dimanche prochain, ils iront défier des Lyonnais patraques, les squatteurs de cette 3e place, pour en savoir un peu plus sur leur niveau réel. Trop haute la marche ? Que Chalmé réitère sa geste zidanesque, et il sera permis d'en douter.