Assurances santé : Quand le gouvernement entame le pacte de solidarité, on fait quoi?

Publié le 06 septembre 2011 par Damienamselem

J'aime bien faire le tour du monde de ce qui se dit sur les assurances, cela permet d'une part de voir ce à quoi l'on a échappé, ou accessoirement, ce qui pourrait bien nous attendre. Ainsi il y a déjà un moment que j'avertissais sur le risque de voir un jour les contrats d'assurance santé soumis au questionnaire médical, ou bien – complément logique - de voir les tarifs des primes soit être conditionnés par l'état de santé au moment de l'adhésion, soit toujours dans la même logique évoluer en fonction de l'état de santé du patient. Certaines de ces charmantes particularités sont déjà à l'oeuvre dans de nombreux pays, qui n'ont pas eu la chance soit de jamais avoir, soit d'avoir maintenu les acquis sociaux que nous possédons encore en France.

C'est par exemple le cas de l'Angleterre ou le système des assurances santé est particulièrement injuste et fonctionne selon le principe énoncé plus haut.

Quand ce sont les pouvoirs publics qui lancent le signal

Or voici déjà quelques semaines, le premier coup de boutoir a été appliqué à ce système, non par les assureurs, mais par l’État lui même, par la voix du chef du gouvernement Monsieur François Fillon qui lors de l'annonce de son plan de réduction des déficit a annoncé certaines mesures concernant les assurances santé : L'une d'entre elle, la décision de supprimer (quasi dans son intégralité) l'exonération de la taxe sur les convention d'assurance dont bénéficiait les contrats solidaires et responsables, risque d'avoir de lourdes conséquences, si nous – « acteurs de la société civile »  - ne sommes pas vigilants.

Les dessous de l'histoire

Pour comprendre les enjeux derrière cette réforme, il faut garder présent à l'esprit deux choses :

1) En procédant ainsi François diminue l'incitation à vendre des contrats solidaires et responsables

Ces contrats qui bénéficiaient donc d'un avantage sous forme d'une plus faible taxation, devait pour cela remplir certains critères, concernant la prise en compte des dépassements, l'application des franchises liées au respect du parcoure de soins, et surtout : LE FAIT DE NE PAS SUBORDONNER L'ACCES AU CONTRAT A UN QUESTIONNAIRE MEDICAL.


Ces contrats sont à la fois commercialisés par les assureurs privés, et surtout pour les mutuelles (chez lesquelles elles représentent la quasi intégralité (sinon la totalité, merci d'éclairer ma lanterne) du parc de contrats.

2) Le principe de solidarité, tant vanté pourtant par le gouvernement actuel se trouve encore écorné…

En supprimant l'incitation à vendre du contrat responsable – ou en la diminuant tellement que l'incitation devient trop faible pour justifier ce choix, M. Fillon prend directement le risque de favoriser un passage – probablement en douceur, mais attention au réveil – de contrats libres basés sur une vraie mutualisation du risque et une solidarité des assurés (intergénérationnelle / sociale, etc) vers des tarifs à la carte qui varieront avec l'état de santé - Le risque de l'assuré proprement dit.

On rappelera à toutes fin utiles que les mécanismes d'incitations sont une des clés des politiques publiques : Ils peuvent être vicieux (comme la fiscalité aménagée sur le logement qui a fait monter les prix) ou vertueux (le contrats responsables étant en l'occurence le parfait exemple). Vous l'aurez compris, ils mettent souvent en avant la fiscalité - Arme par excellence des politiques publiques que celle-ci soit “positive” (on bénéficie d'une exonération en faisant ceci) ou “négative” (on est surtaxé en faisant cela par exemple).

Des assureurs à l'affut?

Les assureurs - je l'ai constaté dans des propos d'assureurs eux même - aimeraient bien introduire dans les assurances santé, le principe d'une tarification adaptée au risque (lisez-donc dans la deuxième partie de cet article, ce que dit Javier Mur un responsable de la branche santé d'Accenture à propos de son souhait de voir transposer dans les assurances santé le principe à l'oeuvre dans la tarification des assurances auto).  On voit bien sûr facilement les campagnes de lobbying et de publicité (ultérieurement) qu'il serait possible de décliner à partir de ce principe : Nous sommes en fait clairement dans un exercice de dialectique auquel nous a habitué le chef de l’État et certains de ses épigones. Je vous donne un exemple :

- Trouvez-vous normal de payer aussi cher votre mutuelle santé que Mr Dupont alors que vous êtes jeune et en bonne santé et que lui est âgé et malade ?

Plus perverse et bien dans la tendance actuelle d'un modèle comportementale pour les assurances, on pourrait aussi argumenter comme ceci :

- Trouvez-vous normal de payer pour votre voisin qui fume, boit, bref choisi d'avoir un comportement égoïste et irresponsable, alors que quant à vous votre comportement est vertueux. Ne trouvez-vous pas normal que celui qui a un comportement irresponsable, paye les conséquences de son irresponsabilité ?

Mais peut-être vous même êtes vous sensible à cette argumentation? J'aborderai dans un autre article, (à moins de revenir sur celui-ci déjà fort long ma foi) - les dangers qu'il y a à adopter une telle logique, pourtant parée des plus beaux atours…

Le risque d'une “assurance comportementale”

On pourra imaginer ce genre d'argumentation avec le tabac, l'alcool, les drogues, mais aussi l'obésité de plus en plus stigmatisée sur le plan comportemental : Cela s'inscrit précisément dans la tendance actuelle en matière de prévention : les assurances (l'assurance maladie, mais aussi les mutuelles ou les assureurs privé) mettent en avant les comportements (behaviour) pour responsabiliser les assurés sociaux, on imagine bien que le revers de la médaille, c'est ce que j'ai évoqué plus haut. Et c'est précisément ce qui se passe en Allemagne (ou les fumeurs payent plus cher certains contrats), ou aux Etats-Unis, ou même Barack Obama n'avait rien (en tout cas au moment de la rédaction de l'article cité) contre le principe d'une surtaxe de certains comportements à risque, et ou la Chaîne Safeway peut imposer des tests obligatoires (deuxième partie de l'article) à ses employés bénéficiant d'un contrat collectif…

Moralité?

RESTONS TRES VIGILANTS ET MOBILISES