Sarkozy racle l'extrème fond

Publié le 22 février 2008 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa

PARIS (Reuters) - Prenant une décision sans précédent, Nicolas Sarkozy a demandé au premier président de la Cour de cassation des propositions pour rendre immédiatement applicable la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés - une mesure censurée par le Conseil constitutionnel jeudi.

Nicolas Sarkozy sème le trouble sur la "rétention de sûreté"
Reuters
Reuters - Vendredi 22 février, 20h57
"L'application immédiate de la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés (...) reste un objectif légitime pour la protection des victimes", a déclaré le porte-parole de l'Elysée, David Martinon.
Le chef de l'Etat demande à Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation de "faire toutes les propositions nécessaires pour l'atteindre", a-t-il ajouté.
La loi permettant la détention illimitée après la prison de criminels supposés dangereux a été validée dans son principe mais les Sages en ont fortement limité l'application interdisant quasiment toute rétroactivité, conformément aux principes généraux du droit.
Cette décision met en principe fin à la procédure. L'article 62 de la Constitution stipule en effet que "les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles".
Les services du premier président de la Cour de cassation, plus haut magistrat français, se sont réunis dans la soirée. Ils ont simplement confirmé à la presse avoir reçu la proposition de mission de l'Elysée mais n'ont pas réagi officiellement.
"INQUIÉTANT POUR LA DÉMOCRATIE"
L'annonce de la décision présidentielle a provoqué la stupéfaction et l'indignation des syndicats de magistrats.
"C'est une décision ahurissante, unique dans l'histoire de la Ve République", a déclaré à Reuters son secrétaire général Laurent Bedouet. "Jamais un président n'a demandé au président de la cour de Cassation comment contourner une décision du Conseil constitutionnel", a-t-il ajouté.
"On a de l'émotion. Le président de la République est le gardien des institutions. Demander au président de la Cour de cassation les moyens pour contourner une décision du Conseil constitutionnel, c'est inquiétant pour notre démocratie", a expliqué pour sa part Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, classé à gauche.
Elle a précisé que son syndicat demanderait à Vincent Lamanda de refuser la mission proposée par l'Elysée.
La loi sur la "rétention de sûreté" prévoit que les criminels condamnés à 15 ans de réclusion et plus pour "assassinat, meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration" pourront être enfermés à leur sortie de prison.
Cela se ferait pour une période d'un an renouvelable indéfiniment, sur décision de justice, après un avis d'experts sur leur dangerosité.
La "rétention", considérée non comme une peine mais une mesure de sûreté par le Conseil constitutionnel, autorise pour la première fois en droit français, hormis le domaine psychiatrique, l'emprisonnement d'une personne sur un "profil" et non en raison de faits."
Cette "première" suscite des critiques à gauche.
Le Conseil constitutionnel a estimé dans son avis rendu jeudi que les personnes déjà condamnées et celles qui le seront pour des faits commis avant la publication de la loi ne seraient pas concernés par le texte, sauf dans certains cas précis.
Ils concerneraient les détenus libérés qui ne respecteraient pas des obligations comme le port d'un bracelet électronique et un traitement médical.
Le Conseil a également stipulé qu'avant d'ordonner la rétention, il faudra vérifier si les détenus ont bénéficié en prison de soins adaptés à leurs troubles de la personnalité.
Avec ces restrictions, la loi ne devrait s'appliquer pour l'essentiel que dans une quinzaine d'années et dans des cas très limités en nombre.
Emmanuel Jarry et Thierry Lévêque
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