23h23, Pavillon A - Stéphane BEAU

Par Liliba

Je m'étais régalée l'année dernière avec la lecture d'un roman de Stéphane Beau : Le coffret. Aussi ai-je tout de suite accepté quand l'auteur m'a proposé très gentiment de lire son nouveau roman. J'en suis ravie, car j'ai dévoré ce tout petit livre, qui bien que très court, m'a fait une forte impression.

Tout d'abord, il faut souligner qu'on a dans les mains un livre vraiment ravissant. Couverture rouge sombre éclairée d'une reproduction du tableau Couloir de l’hôpital Saint Paul de Van Gogh, c'est déjà chic. En plus de cela, le livre est très joliment relié de fil noir, et je trouve que là, ça fait carrément ultra classe, par rapport à tous les livres que nous lisons de nos jours et dont les pages sont bêtement collées. Ça donne un petit coté ancien, et aussi précieux qui me plaît beaucoup !

Voilà donc une histoire bien étrange, mais parfaitement envoûtante. Nous sommes dans un asile psychiatrique de campagne. Et ce qu'il s'y passe dépasse l'imagination... Au milieu de la nuit, à 23h23 exactement, un vrombissement a retenti, puis tout s'est éteint. Soudainement, tout le monde a disparu, malades comme personnel soignant et l'hopital est plongé dans un noir terrible, plus noir que noir, sans fond. Dans ce grand vide noir angoissant, ne restent que Vincent, Georges et Marie qui font connaissance car ils sont les seuls rescapés de ces disparitions massives.

Les trois compères, déjà affectés par leurs névroses personnelles doivent trouver la force de faire face à cette situation étrange et tentent d'en savoir un peu plus en inspectant les bâtiments. Pourquoi tout le monde a-t-il disparu ? Et pourquoi eux sont-ils restés ? Quel est le sens de tout cela ? Va-t-on revenir à la normale ? Tout cela est bien mystérieux et les angoisse profondément, mais leur donne en même temps comme des ailes pour sortir de leur coquille de dépressifs, parler, échanger, et livrer aux autres un peu d'eux-mêmes.

L'étrangeté de la situation et son coté oppressant sont fort heureusement atténués par les conversations que mènent les trois malades. Chacun déballe un peu de sa vie, de son passé, du parcours qui l'a amené à être interné en HP et, aidés par les circonstances exceptionnelles, ils portent sur leur chemin de vie un regard doté d'un recul et d'une lucidité assez impressionnants, de même que d'une bonne dose d'auto-dérision. L'humour de l'auteur nous offre des situations vraiment cocasses : ainsi apprend-on que Georges est le tenant du dernier prix Goncourt, furieux car il juge que ce prix a été attribué à son plus mauvais livre !

Bien sûr que tous les gens internés dans ce genre d'établissement ne sont pas "fous" ! Ce sont ici plutôt des histoires de solitude, de refus de s'assimiler à la vie et l'environnement, à se fondre dans le moule de la société sans rien dire qui puisse compromettre, de faire semblant... Et bizarrement, le fait de se retrouver seuls, plutôt que de les enfermer, leur ouvre des portes, des perspectives, des horizons, et leur donne courage et volonté alors qu'ils étaient le jour d'avant abattus et sans vision d'avenir. Ils font des projets, rêvent ! Voilà qu'ils ont à nouveau envie de vivre... Mais le hasard, le sort ou le destin, comme vous voudrez l'appeler, les tient dans sa main et ne les laissera pas s'envoler si facilement...

Je vous conseille donc de vous précipiter sur ce petit livre dont la lecture fut pour moi fut un vrai régal : cette histoire mystérieuse, comme un conte fantastique, bien que toute simple est très agréable à lire et soulève pas mal de sujets de fond qu'on aurait envie ensuite de creuser un peu. Le thème, comme l'hôpital, est bien noir, mais style et humour de l'auteur font que jamais la lecture n'est pesante, au contraire, c'est même tout à fait rafraîchissant !

A lire, donc !

Merci Monsieur Beau pour cette très belle lecture !

Vous pouvez commander ce roman sur le site de l'éditeur ou bien sur Le grognard, sur lequel sévi l'auteur.

Calou l'a lu, elle aussi.

Ce roman est paru aux Editions du Petit Véhicule et me semble tout à fait entrer dans le cadre du Challenge des Agents Littéraires sur les petits éditeurs.