Pape en roue libre

Par Borokoff

A propos de Habemus Papam de et avec Nanni Moretti 3.5 out of 5 stars

Nanni Moretti

La flamme blanche annonce aux milliers de fidèles réunis au Vatican, sur la place de Rome, que les cardinaux ont élu leur nouveau pape. Alors qu’il ne s’y attendait absolument pas, Melville (Michel Piccoli) est élu Pape par le Conclave, composé de Cardinaux de tous les pays. Mais au moment de s’adresser à la foule, Melville fait marche arrière, trop ému et dépassé par la tâche qui lui incombe. Effrayé, le Conclave fait alors appel au grand psychiatre Brezzi (Nanni Moretti) pour résoudre la crise et persuader Melville de changer d’avis. Mais au moment où le scandale menace d’éclater, où la foule des journalistes et des pèlerins commence à gronder, Melville disparait…

Après s’en être pris au pouvoir italien et à Silvio Berlusconi dans Le caïman (2006), Moretti s’attaque cette fois à l’Église et à la psychanalyse. Avec un goût toujours aussi prononcé pour la satire.

Avec son personnage de psychanalyste truculent mais un brin désabusé, Moretti critique la désuétude dans laquelle est tombée l’Église, son incapacité à évoluer et à vivre avec son époque. L’Église catholique, pas moderne ? Doux euphémisme lorsque l’on voit ces Cardinaux vieillissants assemblant des pièces de puzzle dans leur chambre le soir ou dosant leurs gouttes dans un verre d’eau. Pour mieux railler un certain passéisme de l’Église, Moretti a imaginé des cardinaux jouant au volley-ball et aux cartes en attendant un hypothétique retour du malheureux élu.

Michel Piccoli

Ce que reproche implicitement Moretti à l’Église, c’est son hypocrisie, son refus de considérer par exemple que la dépression existe mais sous d’autres termes dans les textes bibliques. Dans une scène cocasse de psychothérapie devenue « collective », Moretti psychanalyse le futur ex-pape devant un parterre de Cardinaux curieux. Avant cela, il s’est vu refuser le droit d’aborder à peu près tous les sujets liés à son enfance, le sexe, ses rêves, etc… « Il vaut mieux éviter » lui fait-on comprendre.

Impuissante face au mal dont souffre Melville, la psychanalyse en prend aussi pour son grade. Brezzi est un brillant orateur plein d’humour (sa femme, elle aussi psychanalyste, l’a quitté par « jalousie ») mais il échoue au final à soigner Melville.

De quoi souffre d’ailleurs ce Pape qui ne veut pas le devenir ? De dépression, mais encore ? En vieillard fatigué et apathique, incapable d’assumer sa tâche, Piccoli est merveilleux. Déphasé au début du film, il retrouve peu à peu de la vie et des couleurs après s’être s’enfui et avoir rencontré une troupe de théâtre pour lequel il se passionne. Mais n’est pas donné à tout le monde de devenir Pape, et Melville s’en rend bien compte, qui se considère davantage comme un bon soldat de Dieu que comme un leader de l’Église.

Nanni Moretti et Michel Piccoli

Ce que Moretti critique en creux, c’est ce pouvoir immense qu’un Cardinal se voit soudain conférer alors qu’il n’a rien demandé. Habemus Papam est le portrait d’un homme simple dans le fond, heureux lorsqu’il contemple l’existence des autres mais à l’opposé de l’homme de pouvoir que l’on voudrait qu’il soit.

Moretti est toujours aussi classe et élégant en psychanalyste un brin cynique et observateur de cette cour des miracles. Dommage que sa charge contre l’Église et les limites de la psychanalyse ne soit pas plus féroce (on pense à Buñuel). Car si Habemus Papam a tout pour plaire, il lui manque peut-être une dimension. Les scènes où par exemple les Cardinaux dansent et applaudissent sont superflues, les parties de volley-ball filmés au ralenti trop nombreuses…

www.youtube.com/watch?v=l0IgjyCFaGA

Film italien de Nanni Moretti avec Michel Piccoli, Nanni Moretti (01 h 40).

Scénario : 3 out of 5 stars

Mise en scène : 3 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 3.5 out of 5 stars

Compositions : 3.5 out of 5 stars