La situation de la langue française à Montréal, un débat inutilement alarmiste

Publié le 14 septembre 2011 par Shadlaw @rachadlaw

Encore une polémique inutile. Nous avons le don au Québec de passer à côté de vrais enjeux et dépenser de précieuses énergies dans la marge. Une nouvelle étude de l'Office québécois de la langue française (OQLF) vient de révéler que moins de la moitié des Montréalais parleront français à la maison d'ici 2031. Grande révélation devant l'éternel.
Pour commencer, c’est quoi ce concept de « langue parlée à la maison », un concept sympathique pour remplacer celui de langue maternelle. Le concept de langue maternelle comporte une certaine connotation d’exclusion alors que l’autre a l’air plus politiquement correct mais en réalité les deux donnent des résultats statistiques pas tellement différents. N’est-ce pas plus naturel de parler sa langue maternelle à la maison ? J’aurais aimé l’utilisation du concept de « la première langue officielle parlée » qui est plus inclusif et plus juste pour mesurer l’évolution du Français à Montréal.
Quelques données positives et encourageantes pour mitiger cette envolée de données alarmistes qui déchaînent les passions ces derniers jours.Selon une étude du Conseil supérieur de la langue française (2008), 78% des immigrants connaissent le français en 2006, 68 % l’anglais, et 50 % les deux.Selon les statistiques du Secrétariat à la politique linguistique, dans la Région métropolitaine de Montréal, la population ayant le Français comme langue maternelle est restée plus ou moins stable entre 1971 et 2006 alors que l’Anglais a décliné de 21,7% à 12,5%, et ce même si les autres langues ont augmenté de 12 à 21,8%. Mais en même temps sur l’île de Montréal, la population de langue maternelle française a baissé de 61,2% à environ 50%. On ne peut expliquer cette baisse que par le fait que les Québécois de souche se sont repliés vers les banlieues pour trouver un meilleur cadre de vie. On les retrouve par centaines de milliers à Mascouche, Sainte-Thérèse, St-Bruno, Boucherville, etc.
Une autre statistique intéressante, le pourcentage d’Anglais parlant français a significativement augmenté de 57,2 à 68,6% alors que celui de Français parlant Anglais n’a augmenté légèrement que 50,6 à 54,7%. Il y a de quoi à être satisfait, belle retombée de la loi 101. En 2006, 10% de Québécois de souche sont trilingues alors 50,3% des Allophones le sont.Le pourcentage de la population allophone étudiant en français au Québec (primaire et secondaire) est passé de 14,6% en 1971 à 81,5% en 2006. C’est ca le futur du Québec. Peut-on arrêter de nous écœurer avecle concept de « la langue parlée à la maison » qui n’évalue pas avec justesse la vigueur et le progrès de langue française au sein de la population immigrante du Québec.
Selon une enquête longitudinale de Statistique Canada auprès des immigrants en 2005.Au Québec, 55 % des immigrants ont déclaré parler bien ou très bien le français six mois après leur arrivée, ce pourcentage grimpant à 73 % quatre ans après leur arrivée.Pour ce qui est de la connaissance de l’anglais au Québec, on observe que 40 % des immigrants pouvaient le parler bien ou très bien six mois après leur arrivée, ce pourcentage passant à 54 % quatre ans après l’arrivée.
Si on utilise ce fameux concept de « langue parlée à la maison », on constate paradoxalement qu’une partie de la population québécoise de souche contribue au déclin de la langue française en l’abandonnant pour l’Anglais. Le phénomène des transferts linguistiques, c'est-à-dire le changement d'habitude dans l'usage d'une langue, sert à mesurer le taux d'assimilation d'un groupe. Ainsi, on compte 73 375 Québécois de langue maternelle française qui en 1986 ne le parlaient plus à la maison et 82 000 en 2001.
Selon le recensement 2006, alors que les immigrants allophones de longue date parlent l'anglais plutôt que le français à la maison, ceux arrivés depuis 1971 adoptent majoritairement le français. Parmi les allophones arrivés au pays entre 2001 et 2006, et qui parlent soit le français soit l'anglais le plus souvent à la maison, 75 % y parlent principalement le français. Cette proportion représente un sommet en regard des autres périodes d'immigration.De quoi les Québécois ont-ils réellement peur ? De la disparition de la langue française à moyen et long terme (ce qui est illogique, vu les tendances statistiques) ou plutôt de voir les Francophones de « souche » devenir minoritaires à Montréal (peur à connotation ethnocentrique) ? Il faut dire les vraies affaires et arrêter de mêler tout le monde avec des statistiques partielles et alarmistes. L’immigration seule n’est pas la cause du déclin de la langue française à Montréal. Oui, les tendances démontrent que les Francophones « de souche » vont être minoritaires à long terme à Montréal.La sous-fécondité, l'étalement urbain et l'immigration contribuent inévitablement à la réduction de leur poids démographique. Mais cela n’implique pas nécessairement la disparition de la langue française. En réalité la proportion d’Allophones maîtrisant le Français ne cesse d’augmenter au fil des années et certains immigrants parlent même un Français de meilleure qualité que des Québécois de souche, sans que ce soit leur langue maternelle. Pourquoi s’accrocher doncà ce concept de « langue parlée à la maison » pour analyser l’avenir de la langue française à Montréal ? Je ne peux pas parler le Français avec mes parents parce qu’ils ne la comprennent pas. Le Français n’est pas ma langue maternelle mais j’aime cette langue que j’utilise tous les jours au travail, dans mes activités à l’extérieure de la maison ou ailleurs. Et en termes de maîtrise de la langue, je peux dire, sans fausse modestie, que je n’ai rien à envier à la majorité des Québécois de souche.
Si le Français tient tellement à cœur aux Québécois et que c’est une priorité d’assurer sa pérennité par rapport à tous les autres défis de la nation, voici des suggestions très pratiques à considérer :- Investir dans l’amélioration des compétences linguistiques auprès des Québécois de souche. Selon des chiffres récents,la moitié des adultes au Québec ont de faibles compétences en lecture et une piètre maîtrise de langue française.- Renforcer les ressources de francisation des immigrants ne parlant pas le Français à leur arrivée au Québec.- Limiter l’immigration provenant des pays asiatiques (Chine, Inde, Pakistan) et des pays de l’Amérique latine. La majorité des immigrants ne parlant pas français à leur arrivée au Québec provient de ces pays. Malheureusement l'Asie et l'Amérique latine resteront un grand réservoir d'immigration dont les habitants continueront d'ignorer le français.- Privilégier l’immigration provenant des pays francophones avec la possibilité d’avoir plus d’Haïtiens, d’Algériens, de Marocains, de Vietnamiens, de Libanais, de ressortissants d’Afrique subsahariens. Il faut être cohérent, Québec contribue avec les autres pays francophones à la consolidation de la Francophonie à l’international comme une façon d’améliorer la position du Français face à l’Anglais. Malgré tout le feuilleton des accommodements raisonnables et autres problèmes d’intégration, les Québécois vont devoir faire le choix difficile entre le déclin de la langue française à long terme et l’ouverture à des cultures complètement différentes avec lesquelles ils n’ont pas grande chose en commun à part cette belle langue française.
Pour conclure, il est important d’avoir une vision globale de la situation et surtout d’éviter les solutions hâtives, simplistes et déconnectées telles que la proposition du Parti Québécois qui prône une réduction du nombre d’immigrants comme solution au déclin du Français à Montréal. Ca ne règlerait rien et mieux c’est une bonne façon de remplacer un problème par un autre, le défi du Québec n’étant pas seulement la prépondérance de la langue française sur l’Île de Montréal. Le député Yves-François Blanchet, porte-parole en matière d'immigration et de langue du P.Q n’a certainement pas pris le temps de lire tous les rapports de l’OQLF sinon, il aurait pu éviter cette sortie ridicule, opportuniste et pompeusement électoraliste.