Texte d'Umar TIMOL (Île Maurice).

Par Ananda

Est-ce qu’un rêve peut nous trahir ?

Je sais la trahison des cœurs et des corps. Je sais ce que sont les hommes et les femmes pour les avoir pratiqués. Je ne m’attends pas à grand-chose d’eux. Ils sont ce qu’ils sont, grandioses et limités. Mais un rêve est d’un autre lieu, on peut incessamment l’inventer, on peut lui permettre d’autres jaillissements, on peut l’ombrer de toutes les couleurs, on peut l’exiler de toute appartenance. Un rêve est cette part d’irréalisable, nécessaire car elle une consolation à la défection du temps et aux résolutions de la mort.

Mais ce rêve m’a trahi. Sans doute parce qu’il est trop humain, sans doute parce qu’il est un corps alors qu’il aurait du être un souffle, sans doute parce qu’il est de chair alors qu’il aurait du être une trace. Sans doute parce que tu as encensé un être qui ne le méritait pas, que tu en as fait un idéal, un absolu, sans doute parce que ton exigence était absurde, que ce rêve accorde un sens à ta vie.

Mais ce rêve m’a trahi. J’aimerais pouvoir le réinventer, lui insuffler la naïveté des premiers émois, l’ancrer dans la certitude qu’il est de l’ailleurs, qui est l’Autre incarné, drapé de perfection.

Mais ce rêve m’a trahi. Il m’a perdu.

Je me retrouve, une fois de plus, dans ce labyrinthe, je ne sais où je suis, je ne sais où  je ne vais, je ne sais ce que je suis, je ne sais ce que je peux.

Ce rêve m’a perdu.

Je suis perdu.

On pourrait le comparer  à une œuvre d’art, une magnifique cathédrale, un tableau sublime, une mélodie parfaite. Je l’ai conçu de toutes pièces, je me suis acharné, sans répit aucun, à le construire, j’ai veillé à le rendre harmonieux et subtil, élégant et intense, je l’ai peaufiné, je l’ai sculpté, je l’ai inséré en moi, en un lieu de tranquillité, pour pouvoir le contempler, pour pouvoir y retourner régulièrement.

J’étais l’unique témoin de sa beauté. Maintenant il n’est plus.

Ce rêve m’a trahi. Il a suffi d’un rien. Un rien qui l’a ébréché, qui l’a ravagé, un rêve réduit en lambeaux par la lave du réel.

Un rien.

Umar Timol