Wikipédia : CAr à la casse

Publié le 17 septembre 2011 par Pierrotlechroniqueur

Depuis maintenant une bonne année, et même, en réalité, depuis la réforme de juin 2010, qui a amené beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en a résolu — ce qui, au passage, était prévisible — le Comité d'arbitrage (CAr) est abondamment critiqué. Le plus souvent, ne nous voilons pas la face, à raison. Les lecteurs assidus de ce blog savent du reste très bien que je suis de plus en plus dubitatif vis-à-vis de cette institution — je n'ai pas manqué d'étayer mes critiques — et particulièrement mécontent de certains comportements des arbitres actuellement en place (pour quelques jours encore).

Je dois dire que l'affaire de ces dernières 24 heures n'a pas contribué à altérer mes préventions, bien au contraire ... Puisque c'est tout frais, commençons par quelques mots sur ce nouveau psychodrame. Il était prévisible dans la mesure où les arbitres, comme en témoigne ceci, ont délibérément cherché à priver les administrateurs de toute marge de manœuvre dans l'appréciation de la situation en vue de favoriser une stricte exécution bureaucratique, bête et méchante des mesures frappant Suprememangaka (surnommé SM). Les esprits chagrin diront que l'objectif était ainsi de court-circuiter les administrateurs proches de SM — ou simplement choqués par la chasse à l'homme, de plus en plus évidente, menée contre lui (voir ici pour mieux comprendre) — une éventualité qu'on ne peut écarter. Mais lobotomiser ainsi les administrateurs en revenait à compter sur la sagesse et le bon sens, aléatoires et hypothétiques, de ceux qui verraient une transgression parfaitement bénigne (par exemple, un avis de fond sur Legifer ...) des conclusions de l'arbitrage par SM, donc à faire fi de la nature humaine, parfois rancunière, mesquine et donc prompte à se saisir du moindre prétexte pourvu qu'il satisfasse son amour-propre. Et, dans ce cas, ce qui devait arriver arriva : les administrateurs, n'en déplaise aux arbitres, ont bel et bien un cerveau et s'en servent. Cela n'a rien du "putsch" (Wikipédia n'est pas un État ...) et tout de l'appel à la raison ... non entendu par les arbitres. Difficile, du coup, de ne pas souscrire au commentaire de diff de Buisson.

L'actualité étant commentée, entrons maintenant dans le vif du sujet : le CAr va être renouvelé dans quelques jours, et quatre arbitres sortants souhaitent rempiler, tandis que 5 candidatures ont explicitement pour objectif de changer en profondeur, pour cause d'insatisfaction, le fonctionnement actuel du comité. L'occasion pour moi de faire le bilan de ces six derniers mois. En deux temps : d'abord chronologique, puis en en tirant des conclusions synthétiques et générales.

Six mois de folie(s)

Précision préliminaire, tout d'abord : parler d'absolument tout serait trop long et fastidieux. Cette chronologie se veut donc non exhaustive et sélective. Et pas plus développée que cela lorsque je suis en mesure de renvoyer vers un billet antérieur. Inutile en effet de (trop) radoter.

Du 5 au 9 avril : conflit sur le contenu du modèle de la page de discussion associée à tout arbitrage (plus précisément sur le champ des questions aux arbitres). Je ne retire, ni n'ajoute, rien à l'analyse que j'avais faite à l'époque. Aussi, je vous y renvoie.

13 avril : rendu de l'arbitrage Hamelin-Grimlock. Outre qu'il illustre parfaitement les craintes que j'avais exprimées sur la notion d'arbitrage communautaire, je retiens quelques éléments étonnants, et qui ont parfois défrayé la chronique :

  • Le CAr, ici, remplit son rôle en examinant l'usage de ses outils par un administrateur (jusque là, rien à dire. Sauf que ce sera l'unique fois alors que, nous allons le voir, les arbitres ont théorisé la chose pour mieux se dégager de cette obligation. Une tendance antérieure à cet arbitrage, il suffit pour s'en convaincre de repenser à Sardur-Irønie. C'est donc ici une exception par rapport à ce que ce comité à l'habitude de faire, sans raison justifiant cette exception. Dommage, car ces dispositions intellectuelles me vont très bien et auraient dues être la règle. Ah, elles le sont, justement ...). En revanche, il va encore plus loin en tentant de quantifier, sur des bases indéterminées, la confiance que la communauté accorderait à cet administrateur. Un exercice périlleux qu'il a par principe refusé de faire à d'autres occasions.
  • La demande que les attaques personnelles soient sanctionnées par un jour de blocage pendant 6 mois. Cela tombe bien, c'est censé être la règle ... Faut-il en conclure que, les six mois passés, Grimlock peut se permettre toutes les attaques personnelles qu'il souhaite ? Sans doute conscients que cette exigence n'en est pas une, les arbitres ont tenu à stigmatiser les "attaques personnelles allusives". Kesako ? On ne le saura jamais.  
  • La suggestion (mais pas l'obligation) à Grimlock de faire confirmer son statut d'administrateur. Le CAr, ici, a voulu ménagé la chèvre et le chou pour des raisons politiques. Problème : il n'y a alors aucune base à cette préconisation. Soit Grimlock a effectivement abusé de ses outils, et il fallait alors le desysoper ; soit il n'a commis aucun abus, et il n'y a alors aucune raison ni de le desysoper, ni de lui suggérer de solliciter une reconfirmation. Dans les deux cas, la solution retenue est inadaptée.

28 juin : rendu de l'arbitrage Suprememangaka, Rémih-Moyg. Je crois que tout a déjà été dit, un peu partout, et même encore en introduction de ce billet, sur cet arbitrage qui, du début à la fin, est peut-être le plus calamiteux de l'histoire du CAr. Loin d'avoir réglé les problèmes posés, les décisions des arbitres, franchement dictées par diverses passions personnelles et considérations "politiques", les ont décuplés et propagés un peu partout. Sans parler de l'introduction inédite, et espérons fortement que ce ne soit pas un précédent, d'éléments IRL (à l'authenticité douteuse, qui plus est) par un arbitre, sans que cela ne suscite la moindre réaction de ses collègues. Le CAr a alors semblé engagé dans son ensemble sur cette voie. Une catastrophe. Pour mémoire, je vous renvoie à ici, ici et là.

27 juillet : l'arbitrage Argos-Moez est déclaré non-recevable. Je vous invite à vous reporter à ce que je disais sur le principe et l'exception dans le paragraphe consacré à Hamelin-Grimlock et à ceci.

29 juillet : rendu de l'arbitrage Piston, Wart Dark-Addacat. Un conflit, à la décharge des arbitres, très difficile à appréhender, tant en raison des protagonistes que du sujet (l'article Dieu subit des poussées de fièvre récurrentes et complexes depuis des années). Mais, et mon collègue blogueur LittleTony87 a fait un constat identique : les solutions retenues n'ont pas permis de mettre un terme au conflit. Se focalisant sur le passif et la personne d'Addacat, les arbitres en ont totalement oublié les problèmes de neutralité, attestés par beaucoup, que cause Piston sur bien des sujets. À peine l'arbitrage clos, les requêtes aux administrateurs furent de nouveau le théâtre de ces problèmes. À l'évidence, cet arbitrage a donc été mal géré (même si, je le répète, il était difficile à l'être). Mais surtout, ce que la vox populi a retenu, et on le comprend aisément, c'est l'intrusion ahurissante des arbitres dans la liste de suivi d'un contributeur. En exigeant d'Addacat qu'elle retire certains articles de sa liste de suivi, le CAr a tout simplement bafoué le respect de la vie privée (la liste de suivi en étant un élément). Et la légère inflexion (en substance : pas de vérification, sa parole que cela a été fait nous suffira) devant le tollé suscité ne change rien, mais absolument rien, au principe qui n'est pas renié par les arbitres. 

4 septembre : rendu de l'arbitrage Claude Piard-Bapti. Un arbitrage beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît de prime abord. Les arbitrages entre un contributeur néophyte, mais compétent et de bonne volonté, et un contributeur de longue date peut-être trop à cheval sur des règles qu'il maîtrise, lui, sur le bout des doigts, ce n'est pas évident. Surtout sur fond, comme ici, de querelle éditoriale assez précise et pointue. En ce sens, l'idée du parrainage imposé aux deux (le contributeur néophyte est encadré, la partie adverse doit passer par ce parrain pour toute interaction avec lui), si elle m'avait sur le coup paru être une nouvelle initiative saugrenue, n'est avec le recul pas si idiote que cela. Malheureusement, et c'est très décevant, Bapti s'est braqué et n'a pas joué le jeu. La résolution du conflit, une fois de plus, est donc un échec.

Conclusions

Le principal constat, triste à dire mais, je crois, lucide, c'est que le CAr ne remplit plus aucun de ses rôles. L'article 2 de son règlement lui en a effet attribué deux principaux : régler les conflits importants entre deux ou plusieurs contributeurs, et examiner les activités d'un administrateur pour sanctionner les abus d'outils. Or, il ressort maintenant de tout ce que j'ai dit plus haut :

  • que le CAr, au mieux ne règle plus les conflits, au pire les attise ou en devient même le sujet, tant l'existence-même du CAr est maintenant devenue cause de conflit communautaire massif ;
  • que les arbitres ont décidé de ne plus traiter les abus d'outils (cette intervention en dit par exemple très long ...).

Un autre problème, que j'avais déjà souligné il y a un an, est le flou autour de la répartition des compétences entre administrateurs et arbitres. Pire, les arbitres, à l'occasion, piétinent la seule séparation claire qui existe : l'exécution des décisions arbitrales revient aux administrateurs. Ainsi, à deux reprises, du cas Meodudlye (et qu'on n'y voit pas une volonté de ma part de le dédouaner de ses torts. Ce serait se méprendre. Grandement) : invités à se prononcer sur le point de savoir si la sanction prévue par l'arbitrage Luscianusbeneditus-Meodudlye doit être exécutée, les administrateurs se quittent sur un constat de désaccord. La règle est alors simple : un blocage doit recueillir consensus entre admins. En l'absence de consensus, pas de blocage. Logiquement, rien n'aurait dû être fait. Et là, surprise, les arbitres (deux fois) ont statué sur l'exécution de leur propre décision et décrété l'application du blocage. Allant ainsi contre le principe de répartition des compétences et contre la règle fondamentale qui veut que Wikipédia fonctionne par consensus. Et alors, personne n'est dupe, que plusieurs arbitres ont des griefs personnels contre Meodudlye. Gênant, pour le moins ...

Enfin, dernier constat, qui avait lui aussi déjà été traité : l'effet "tour d'ivoire". Les arbitres, depuis des mois, à tort ou à raison, ont donné l'impression de ne pas écouter les critiques qui leur étaient adressées, de se replier sur eux-mêmes, et de définir une ligne commune, sur tous les sujets, dans le confort de leurs discussions privées. Pour être clair : je n'avais jamais vu des arbitres aussi publiquement unanimes, quel que soit le point à traiter.

Pour terminer, je finirai avec la citation d'un Wikipédien, qui correspond bien à mon état d'esprit du moment : "Il faut reconnaitre que ces derniers temps il est devenu de plus en plus évident que certains critiques contre le CAr et contre les arbitres l'ayant composé ces six derniers mois étaient objectives et justifiées. Réduire ça à un complot d'un clan est rassurant mais ne correspond pas à la réalité".