Samedi 14 (4ème jour de festival)

Par Sandra.m

Jours et nuits se confondent, fiction et réalité se mêlent, la frontière les séparant étant de plus en plus étanche et le festival se poursuit à une cadence effrénée (d'où le retard dans mes commentaires): profusion enivrante de films (entre la sélection officielle et les sélections parallèles), de soirées , de bruit, de rumeurs, d'instants insolites. La compétition suit son cours, aucun film n'a encore néanmoins suscité un enthousiasme débordant. Peut-être avec "Caché " d'Haneke qui , à défaut d'enthousiasme, avait drainé un parfum de scandale avec "le temps des loups"...loin de mériter autant de (dés)honneur pourtant. J'attends donc avec beaucoup d'impatience "Caché". A raison. Haneke y sonde l'intériorité tourmentée des êtres avec une justesse presque dérangeante. Dès le premier plan sur lequel défile le générique, le spectateur est hypnotisé, intrigué, happé par cet univers dans lequel évoluent des personnages ciselés, jamais manichéens au premier rang desquels Georges (Daniel Auteuil, encore une fois magistral) en égoïste victime d'un bien étrange chantage provoquant tantôt notre empathie, tantôt notre mépris. Les longs plans fixes accroissent le malaise grandissant des personnages et le nôtre et l'obscurité, réminiscence de celle du "temps de loups", reflète celle dans laquelle les personnages se trouvent plongés. Le montage est brillamment énigmatique ou à l'invers didactique et l'intrigue (que je vous laisse découvrir) est captivante pour peu qu'on accepte de se laisser envoûter par l'atmosphère créée par Haneke. Un flm qui mériterait de figurer au palmarès (prix de la mise en scène?) même si Haneke a déjà eu les honneurs du festival de Cannes (d'ailleurs à l'exemple de nombreux réalisateurs en compétition cette année).
A l'issue de la projection, lorsque la lumière se rallume et lorsqu'aux images du film sur l'écran se substituent celles de la salle et de l'équipe du film , et avec elle Annie Girardot apparaît chancelante, visiblement très émue, comme un vibrant écho à son émotion des Césars pour avoir été ainsi saluée après avoir été délaissée par le cinéma. Peut-être elle aussi songe-t-elle à cet instant et aux promesses qui y ont succédé et qui n'ont visiblement pas été tenues? Les applaudissement habituels retentissent, pas plus longtemps que d'habitude, comme si depuis le début du festival une sorte de léthargie s'était emparée du public...Le silence. Puis le visage d'Annie Girardot quittant la salle apparaît de nouveau sur l'écran. Les applaudissements retentissent à nouveau. Un frisson parcourt la salle.
A peine le temps de se ressaisir que le dernier film en compétition de la journée débute, "Election" de Johnnie To, l'histoire d'une triade de Hong Kong qui doit élire son nouveau président, un style de film que j'ai l'impression d'avoir déjà vu cent fois, à Deauville, à Cognac ou ailleurs et rien ne semble justifier la sélection de celui-ci plus qu'un autre. Rapidement mon esprit vagabonde loin de Cannes et loin des images qui défilent sur l'écran. Quand mon attention s'y porte à nouveau, un homme s'acharne à marteler le crâne d'un autre avec une pierre. Quelques minutes plus tard c'est déjà le générique de fin. Les applaudissement sont encore plus mitigés. Je doute fort que le film figure au palmarès malgré (ou à cause de ) la présence de John Woo dans le jury.
A suivre : "le temps qui reste " de François Ozon (sélection "Un certain Regard), "Une fois que tu es né" de Marco Julio Giordana, "Manderlay" de Lars Von Trier, "L'enfant" des frères Dardenne, le très attendu "Sin City", la cérémonie de clôture et de nombreuses anecdotes, ces prochains jours ou à mon retour de Cannes mon emploi du temps étant aussi surchargé (eh oui la vie trépidante du festivalier cannois...) que les ordinateurs du palais du festival...
Sandra.M