Interview avec Noémie Vidéau, journaliste et auteur de « Goûtez New York »

Publié le 22 septembre 2011 par Nycalternatif @nycalternatif

Noémie Vidéau, arpentant sur un vélo rétro les rues de New York

1) Comment devient-on auteur de guide de voyage pour les éditions Agnès Vignot?

Grâce au hasard et avec un peu d’audace.  En fait, c’était une envie qui remontait loin. J’aime voyager, et j’adore manger. Et les premières pages d’un guide de voyage que je lis et que je coche, ce sont toujours celles des restaurants ou de la gastronomie locale.
L’envie d’écrire un guide qui ferait découvrir un lieu au travers de sa gastronomie, de ses spécialités ou sur ses marchés est donc venue tout naturellement.Je connaissais très bien New York pour y avoir vécu à plusieurs reprises pendant plusieurs mois, j’ai donc logiquement commencé par là.  J’ai conçu une sorte de maquette en janvier 2010, que j’ai envoyée à plusieurs éditeurs, sans trop de succès (« trop cher », « public trop restreint »…).

Jusqu’au jour où j’ai lu une interview de l’éditrice Agnès Viénot, spécialisée dans les livres de cuisine, qui annonçait vouloir lancer cette année-là une collection de guides à voyager gourmand. Je suis allée la rencontrer sur un salon du livre, j’ai fait le pied de grue devant son stand en attendant de pouvoir lui donner ma plaquette en mains propres, elle s’est dit intéressée, je l’ai rappelée trois jours plus tard, et c’était bon. C’était en février, et il se trouve que le lendemain, je repartais quinze jours à New York. Mes vacances se sont transformées en expédition culinaire. J’ai arpenté les quartiers de long en large pour repérer de nouvelles adresses, les marchés, les épiceries, les marchés aux puces…

De retour en France, je me suis documentée sur l’histoire gastronomique de la ville, découvrant des aspects incroyables et méconnus, que New York s’est empiffrée d’huîtres aux 18e et 19e siècles par exemple, qu’on trouvait de la viande d’ours sur les marchés, ou qu’à Harlem, pendant l’âge d’or, on servait jusqu’au petit matin des chitterlings & champagne, soit des tripes de porc pour accompagner votre petite coupe… J’y suis retournée deux mois pour explorer encore, rencontrer des chefs, des gastronomes, aller jusqu’au fond de Queens pour découvrir le quartier chinois de Flushing (un de mes meilleurs souvenirs)… Je parcourais toute la ville à vélo, en me disant qu’il y avait pire travail que d’arpenter New York en mangeant tout un tas de trucs délicieux et en faisant des photos de mes assiettes.
Je suis ensuite rentrée en France pour écrire le livre durant l’été. Et ce, tout en travaillant pendant la journée comme pigiste dans un magazine. Une écriture un peu précipitée, donc, et un été très intense. Mais le guide est là, et la collection continue…

Noémie devant Nathan's, fournisseur de hot dogs à New York depuis 1916

2) Peux tu nous en dire un peu plus sur ton parcours?

Je suis originaire de Bordeaux, où j’ai obtenu mon diplôme de journalisme avant de travailler pendant 7 ans au quotidien régional « Sud Ouest », tout en lorgnant sur la cuisine: j’ai écrit un livre de recettes avec deux amies (« Gourmandes et fières de l’être », chez Albin Michel), participé avec elles à des événements culinaires, nous avons créé un blog, etc.

Puis j’ai démissionné pour m’installer à Paris il y a trois ans et j’ai cherché à travailler dans la presse spécialisée gastro. ça n’a pas été très concluant! (mais j’ai travaillé pour d’autres titres passionnants, comme Science et Vie junior, Science et vie…)  ça a beaucoup mieux marché du côté des guides de critique et j’ai pigé pour les guides Fooding et Lebey. Puis j’ai participé au « Dictionnaire universel du Pain » (Bouquins/Laffont), au Guide des meilleurs chocolatiers de France de « L’Express »… Bref, j’avais un bon pied dans cet univers, ça devenait plus qu’une passion.

Et l’an dernier, j’ai pris la décision de partir m’installer à New York. C’était le moment ou jamais de sauter le pas et de changer radicalement de métier, de ne pas faire des petits plats et des gâteaux que pour mes amis, mais de tenter une aventure professionnelle. Je me suis donc inscrite à l’école de cuisine Ferrandi pour y préparer le CAP. Une année extraordinaire qui m’a confortée dans l’envie de créer un jour un lieu bien à moi à New York, une petite épicerie, une baraque à charlottes ou à tartes, je ne sais pas encore car je veux continuer de travailler dans la restauration quelques années de plus pour me former. Mais il y a là-bas tout un mouvement de petites créations d’entreprises, de gens qui font du fromage, du pain, des confitures ou du kimchi chez eux, pour les vendre sur les marchés ou dans les supermarchés et j’aimerais rejoindre cette communauté.

2) Quelles sont les prochaines villes de la collection « Goûtez »?

A la rentrée, sortiront « Goûtez Naples », « Goûtez Istanbul » et « Goûtez Bruxelles ». Pour ma part, je file à San Francisco à l’automne.

3) Le livre semble être un succès d’après les librairies en ligne. Quid des ventes du guide de New York en boutiques traditionnelles?

Selon mon éditrice, il se vend bien, mais je n’ai aucune information sur les chiffres. Il est apparemment encore trop tôt. J’imagine qu’on en saura plus après l’été.

"Cuisinez New York", un livre de recettes signé Noémie Vidéau. Editions Agnès Viénot

4) Une adresse que tu n’as insérer dans le guide faute de temps/place…?

Il y en a tellement! Et d’autres qui ont fermé aussi, avant même que le guide ne soit publié. Je dirais Kajitsu, un restaurant japonais végétarien spécialisé dans le kaiseki, une cuisine ultra délicate, raffinée, où chaque assiette est un tableau (414 East 9th St), et Brooklyn Fare, un gastro de 18 places, logé dans une grande épicerie, qui a décroché deux étoiles au Michelin (un événement à Brooklyn). Il faut réserver des mois à l’avance pour manger au comptoir, face aux chefs qui vous servent une vingtaines de petits plats (200 Schermerhorn St. Brooklyn).

Je regrette aussi de ne pas avoir pu assez parler de Roberta’s, une pizzeria ahurissante posée au milieu de nulle part à Brooklyn, et qui cache un tout petit restaurant gastronomique hyper créatif,  a un potager et des serres sur son toit, héberge une web food radio, et qui vient d’ouvrir un bar-plage dans son arrière-cour, apparemment complètement fou. Je m’y rue dès que j’arrive à New York. Et j’ai aussi envie de redire de courir chez Mister Well’s à Long Island City (Queens), juste à côté du musée PS1, un diner revisité par un jeune couple de doux-dingues incroyables. Le chef, un Québécois, est complètement frappé et ce qu’il fait est merveilleux.

5) Comment s’est organisée la préparation du guide sur place

En voyage, j’ai toujours collecté des cartes de visite, des boîtes d’allumettes, des sacs de magasins quand ils sont ornés de beaux logos… Pour le guide, j’ai donc rassemblé tous mes trésors, que j’ai classés par quartiers. J’ai fait la liste des endroits où je retournais tout le temps, ceux que j’avais juste eu le temps de repérer. J’ai aussi interrogé tous mes amis new-yorkais ou français connaissant la ville sur leurs adresses préférées: meilleur burger, meilleur restaurant thaïlandais, meilleur steakhouse, brunch, glace, bar à cocktails… J’ai épluché la presse, pour ne louper aucune nouveauté. Je me suis retrouvée avec une liste gigantesque d’adresses! L’éditeur en voulait environ 400 (épiceries, boutiques, marchés compris…) J’ai donc fait une sélection en privilégiant celles que j’aimais beaucoup et celles qui revenaient le plus souvent dans les différentes listes que j’avais constituées. J’ai mis de côté la plupart des adresses françaises aussi, pour privilégier la découverte, et les restaurants haut de gamme: dans le guide, ce sont des critiques gastronomiques de la presse new-yorkaise qui donnent leurs tables préférées dans ce registre. Et ensuite, les travaux pratiques ont pu commencer…

Allez petit commentaire gratuit: quid du cinquième borough de la ville, Staten Island?

Pour répondre à votre regret de ne rien trouver sur Staten Island… Je comprends, mais  j’avoue avoir arpenté l’île en quête de bonnes adresses, et quelle angoisse, ça n’a vraiment rien d’accueillant. Les quelques bonnes adresses alléchantes (une vieille luncheonnette, une brasserie allemande, un resto de fruits de mer face au Verrazano Bridge…) étaient complètement éparpillées aux quatre coins de cette île géante et  les chances étaient infimes de convaincre les visiteurs d’y aller.  Ma directrice de collection veillait aussi à ce que le le guide ne fasse pas 1000 pages (il aurait pu!), j’ai donc préféré explorer des quartiers comme Queens et le fond de Brooklyn…

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Merci à Noémie d’avoir répondu aux questions de New York Alternatif. Gageons que nous retrouveront bientôt ses créations culinaires au Brooklyn Flea Market ou dans des épiceries fines de Chelsea!