La chute du Messie

Publié le 23 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La popularité d’Obama dégringole. Les Américains en ont assez que la Maison Blanche fasse copain-copain avec les banquiers de Wall Street.

Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec

La popularité d’Obama dégringole. Seulement 39 % des Américains jugent que M. « espoir et changement » fait du bon travail.

On peut difficilement blâmer Obama pour le bordel économique qui règne aux États-Unis. Mais ce qui déchaine la colère d’une partie des Américains, c’est aussi la relation un peu trop copain-copain que l’administration Obama entretient avec les banquiers de Wall Street.

En plus des centaines de milliards versés aux banques, cette administration a presque officialisé la politique too big to fail, qui garantit aux banques que l’État les sauvera en cas de nouvelle gaffe. En 2009, elle a changé les règles comptables pour permettre aux banques de maquiller leurs états financiers, en surévaluant leurs actifs. Et en ce moment, l’administration Obama donne à peine une tape sur les doigts des banques, qui ont pourtant saisi des milliers de maisons illégalement dans le scandale du « foreclosuregate ».

Pour le spectacle, Obama a prononcé quelques beaux discours anti-Wall Street depuis trois ans. Mais comme l’écrit Paul Krugman du New York Times, la politique économique de Washington — autant sous Bush que sous Obama — se résume ainsi : soyez gentils avec les banquiers (go easy on the bankers).

Les amis d’Obama

Cela ne devrait surprendre personne. Pendant la campagne présidentielle, Obama a reçu beaucoup plus d’argent des grandes entreprises — et des banques — que son adversaire républicain John McCain. La banque Goldman Sachs a versé à Obama quatre fois plus d’argent qu’à McCain. Près d’un million $ contre 230 095 $. Neuf des dix industries ayant le plus donné aux politiciens pendant la campagne ont versé plus à Obama qu’à tout autre candidat. Incluants banques et promoteurs immobiliers.

Même les grandes pétrolières ont misé sur Obama. Exxon Mobil lui a donné autant que ce qu’elle a donné à George W. Bush en 2000 et 2004… combinés! (On peut vérifier ces chiffres sur le site non partisan  www.opensecrets.org, et dans le livre Obamanomics, du journaliste d’enquête Tim Carney.)

Une fois au pouvoir, Obama s’est entouré d’anciens lobbyistes, certains provenant de Goldman Sachs. Qui est conseiller économique d’Obama? Larry Summers, principal artisan de l’abrogation de la loi Glass-Steagal en 1999. Loi qui séparait les activités de dépôt et les activités de « casino » des banques. Une déréglementation qui a amplifié la crise économique.

Dans son livre Bought and Paid For, le journaliste Charles Gasparino raconte qu’Obama s’est fait, lui et son équipe, manipulés par Wall Street. Président inexpérimenté – surtout en économie –, Obama demandait conseil auprès de Jamie Dimon, de la banque JP Morgan. Et dans une moindre mesure, auprès de Loyd Blankfein, PDG de Goldman Sachs.

Un caniche édenté

Cela explique en partie pourquoi Obama a accouché d’une réforme bancaire qui mord Wall Street avec la force d’un caniche édenté. Surtout après que les banquiers et leurs lobbyistes auront passé au travers, et affaibli les mesures qui leur déplaisent.

Je ne suis pas de ceux qui croient qu’Obama est de mauvaise foi, ou qu’il poursuit un « agenda socialiste ». C’est juste un politicien. Qui doit se plier aux mêmes règles que les autres pour accéder au pouvoir, et y demeurer.

Pourquoi les gens sont-ils déçus d’Obama? Après tout, se coucher devant Wall Street est un péché bipartisan, rappelle Gasparino. Les républicains et George W. Bush l’ont fait aussi. La différence, c’est que Bush ne s’est jamais proclamé le président du changement, souligne l’auteur. Ni le leader qui allait mettre au pas les cupides de Wall Street. Cette distinction revient à Obama seul. Et il en paye le prix aujourd’hui.

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