Nebraska

Par Bordierlaurent

Je ne me sentis pas spécialement fier. Satisfait, je ne l'étais pas non plus… je constatai juste deux meurtres dont j’étais l’auteur et pour en finir avec cette histoire, si cela vous intéresse réellement je revins une dernière fois pour pisser sur ma première victime. Juste un sentiment de boucler la boucle. Je m'enfuyais rapidement de cette ville par l'EST ; la nuit était froide et même si l'aube qui se pointait était de toute beauté on aurait pu croire à une délation dans cette ville, comme une dénonciation intra-muros de laideur et de pauvreté. Je disparus très simplement de ce paysage poudreux, glauque, où je venais d’être secoué comme une boule à neige pour touriste.

Traverser l’Iowa en compagnie d’un routier vêtu d’un marcel bleu Budweiser, d’un short effilé en toile de jean et de son malamute se prénommant Palanka peut-être agréable ! A condition d’aimer les chants indiens et d’y connaître un rayon concernant les chiens de traineaux. Hormis le Husky d’une amie parisienne qui pissait partout dans son appartement quand il la sentait rentrer du boulot, je ne connaissais pas grand-chose à cette race mais m’en était fait une idée difficilement modulable. Ces chiens auraient dû naître avec des slips absorbants.

Je ne suis pas du genre à entamer une conversation lorsque je n’ai rien à dire et j’ai passé ce cap de discussions futiles et grotesques à propos du temps qu’il fera demain alors il me fut difficile d’entamer une conversation avec ce routier. Lui toussota un moment en tapotant d’une main  sur son volant puis me dit :

-   Tu as vu ?

-   ( surpris ) Hein ?

-   Mon chien, Palanka ! Il ne bouge pas hein ! ? mais c’est normal car il est habitué à la route mon gros héhé…

-   Ah…je fus incapable de trouver une phrase qui m’aurait rendu un peu plus sociable.

Il enchaîna – Hein Palanka ! tu es habitué à la route hein ? ! Il pointa alors le ciel de son index droit

– ( voix ferme ) Tu as la sagesse d’un chef indien Palanka ! L’homme sembla sûr de lui à ce propos. Je regardai le ciel afin d’y trouver un comanche ou autre Iroquoi stupide mais n’y trouva rien…juste quelques nuages en forme de nuages, un ciel gris, maussade, menaçant de nous tomber dessus et une pluie fine insignifiante dégoulinant sur le pare-brise.

En guise de salut peut-être, Palanka racla à plusieurs reprises de sa langue râpeuse les dernières gouttes de sang imprégnées dans le tissu de mon pantalon. Je ne pus m’empêcher de lui envoyer un uppercut discret mais ferme dans la truffe afin qu’il cesse définitivement ce petit manège autistique. Une fois le chien endormi l’homme se présenta enfin :

- Je suis Trévor. Mais appelle moi " renard des sables d'alone ". Je trouvai ce surnom un peu long et diffcile à assimiler alors je lui proposai une réduction immédiate afin de m'y retrouver un peu :

- Puis-je t'appeler " renard " ? ou encore " d'alone " ?

- Ok pour renard !  répondit-il en ricanant du ventre de s'être fait un nouvel ami. Satisfait, il sortit de sa boîte à gants un décapsuleur en forme de tête d'indien puis me proposa une bière.

- Tu viens d'où ?

- Qui ? Moi ? !

- oui toi ! pas mon clébard, il dort...