Football : Pourquoi l'entraîneur est toujours blanc (ou presque)

Publié le 24 septembre 2011 par 237online @237online
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Footballeurs métissés mais entraîneurs blancs. L'axiome est régulier en Europe, où les coachs sont systématiquement blancs —sauf quelques rares exceptions. Dans le petit monde du football, les Africains sont partout. Joueurs, bien sûrs, mais aussi capitaines ou supporters, plus rarement présidents de club... Mais pas entraîneurs. Dans les cinq grands championnats européens, un seul coach de couleur: Antoine Kombouaré, le technicien kanak du PSG. Les bancs sont désespérément blancs. Mais pourquoi? Le foot français est-il raciste? Pour Pape Diouf, l'ancien président de l'OM, la réponse est évidente: «Le football français est raciste. La France black-blanc-beur, c'est du pipeau. Tigana n'a pas été pris au poste de sélectionneur de l'équipe de France parce qu'il était noir. Quand ils étaient joueurs, Zidane, Desailly ou Thuram étaient les meilleurs, donc les clubs en avaient besoin. Pour les entraîneurs, tout repose sur des critères subjectifs. Entre un Deschamps et un Desailly, la différence de peau compte.»

C'est un fait: John Barnes, Paul Ince, Ruud Gullit ou encore Jean Tigana sont aujourd'hui sans club. Chris Powell (Charlton) ou Dauto Faquira (SC Olhanense) dirigent des formations de seconde zone. Quand ils sont en première division, les Africains sont dans l'ombre d'un Européen, à l'image de Pape Fall (adjoint à Caen), Rachid Maatar (directeur du centre de formation de Nancy), Ibrahim Tanko (adjoint à Cologne) ou Michael Emenalo (adjoint à Chelsea). Même le Brésil, pays métissé par excellence, est concerné. En 2009, avec Flamengo, Andrade était le premier entraîneur noir champion national. Désormais sans club, il regrette:

«Même quand j'ai été champion, on a dévalorisé mon travail. Comme si on doutait en permanence de mes capacités. Nous, les noirs, on doit prouver encore plus que les autres. Notre histoire n'est que souffrance.»

Pourtant, de Didier Drogba à Samuel Eto'o, en passant par Roger Milla, Marcel Desailly ou George Weah, via Rabah Madjer et Marouane Chamakh, les grands joueurs africains ont marqué le football européen. Mais ils se tournent plus facilement vers le métier de consultant, plus accessible, à en croire Robert Nouzaret qui a bourlingué à travers le continent (RDC, Guinée, Côte d'Ivoire, MC Alger):

«C'est plus facile d'être devant son poste de télévision et de critiquer. Entraîneur, c'est un métier extrêmement difficile. C'est un métier de passion. Il y a une pression énorme: de la part des dirigeants, du public, des supporters, des joueurs, des médias...

C'est un super boulot, mais il y a un risque. Et les grands joueurs, qu'ils soient africains ou non, ne veulent pas toujours abimer leur image. Eto'o et Drogba sont des phénomènes en Europe et des idoles en Afrique. Ils ont un rôle à jouer. C'est par des joueurs comme ça que les choses pourront changer...»

Désintérêt ou manque de compétences?

Seul bémol: les anciens joueurs africains ne semblent pas tentés par la fonction. Pour Gervais Martel, le président du RC Lens, où sont passés François Omam-Biyik, El Hadji Diouf, Seydou Keita, Adil Hermach, Aruna Dindane, Rigobert Song, Chérif Oudjani, Daniel Cousin ou Marc-Vivien Foé, le problème est ailleurs. Il n'y a tout simplement pas de candidats:

«Si un gars vient se présenter et qu'il est bon, je le prends. La couleur de peau n'a aucune importance. Mais pendant toutes mes années de président, je n'ai pas eu tant que ça de candidats d'origine africaine. Et ils n'ont pas souvent les diplômes.»

Comment expliquer ce désintérêt des Africains pour le poste d'entraîneur? Marcel Desailly était bien en course pour être sélectionneur du Ghana et Bernard Lama a effectué une éphémère pige à la tête du Kenya. Mais dans l'ensemble, les anciennes gloires du continent se détournent de la fonction. Est-ce un problème de compétence? De diplômes? De simple désintérêt?

Une chose est sûre: malgré un contexte politique tendu en France (débat sur les quotas en équipe de France, sur la laïcité, montée du FN...) comme en Europe, nombreux sont ceux qui refusent de se poser en victime, à l'image de Pape Fall, l'adjoint sénégalais de Franck Dumas à Caen:

«Ce n'est pas un problème de compétences. On a les mêmes diplômes et les mêmes connaissances que les blancs. Les premiers fautifs, c'est nous, les Africains. Dans les sélections et les championnats africains, il n'y a quasiment que des entraîneurs européens, souvent français. Le Sénégal et la Côte d'Ivoire sont des exceptions: pourquoi le Ghana n'a pas de sélectionneur ghanéen? Et l'Algérie? Et le Maroc?

Les Africains sont en train de dire qu'il n'y a pas de compétences sur le continent. Il suffirait que quelques clubs de Ligue 1 aient des entraîneurs de couleur pour que cela suive. Mais comme il n'y a pas d'exemple à suivre, les Africains ne passent pas les diplômes. Il n'y a aucune motivation, puisqu'il n'y a pas de place. C'est l'histoire du serpent qui se mord la queue.»

Pour Nasser Sandjak, passé par la JSK et la sélection algérienne, aujourd'hui sur le banc de Noisy-le-Sec, la réponse est plus subtile, comme il l'explique à SlateAfrique. Plus pernicieuse, aussi:

«C'est un problème de communication. Médiatiquement, un entraîneur africain n'attirera pas franchement les sponsors. Le merchandising est l'un des critères que prennent en compte les clubs au moment de nommer leur entraîneur. Le football n'est pas en dehors de la société. Le racisme est présent partout, le football n'est pas différent.»

La solution pourrait venir des États-Unis et du... football américain. Depuis 2003, la «Rooney Rule» est en place. Du nom de Dan Rooney, propriétaire des Pittsburgh Steelers et président du comité pour la diversité du championnat de foot américain, cette règle oblige les clubs de la National Football League à interviewer des candidats issus des minorités pour les postes d'entraîneurs ou de dirigeants. Un peu d'affirmative action qui pourrait également voir le jour en Angleterre, où l'on s'interroge également sur l'uniformité des bancs de Premier League.
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