C’est la rentrée à Strasbourg: volent la feuille au vent et tous les mots des livres au gré de nos désirs

Publié le 28 septembre 2011 par Chantalserriere

Plus de 600 livres à l'étal du libraire pour cette rentrée 2011!  Le chiffre, paraît-il en baisse, a cependant de quoi satisfaire notre faim jamais rassasiée d'encre, de mots, de pages, d'ouvrages flambant neufs, tout craquants sous nos doigts qui les palpent avant de les ouvrir. Couverture sobre figée dans la bienséance des valeurs sures ou couleurs  de collections pimpantes, il y en a pour tous les goûts. Pourquoi bouder votre plaisir?

A Strasbourg, les mots se sont réfugiés dans d'incroyables Bibliothèque Idéales. Bibliothèques et librairies ouvrent tout grand leurs portes aux mots. Mots intimes, nostalgiques, savants, poétiques, sonores. Catherine Clément raconte avec Claude Millner l'enracinement de la pensée à l'aube des années 60. Ils étaient là, grands témoins. Michel Serres déjà, en "caïman" inspiré. Althusser, Lacan, Lévy Strauss, Iankelevitch. La rue D'Ulm.

La nuit tombée, on lit Proust dans les salons de l'Aubette,  à la lumière de la Sonate de Vinteuil

Ophuls et Godard se rencontrent, au même moment, à l'autre bout de la ville, dans l'immense entrepôt portuaire réhabilité le long du canal et qui est devenu la plus grande bibliothèque publique de l'Est de la France: la médiathèque André Malraux.

- Qu'importe l'antisémitisme de Godard? s'étonne un jeune homme au premier rang.  Son oeuvre n'excuse-t-elle pas tout?

- Ouh! Ouh...tentent vainement de protester deux auditeurs scandalisés.

Mais le public reste impassible, non pas qu'il approuve le questionnement du jeune homme, mais il est dérangé. C'est ainsi. Respecter la règle du jeu consensuel.  Les vagues se font ailleurs.

Autre moment: Antoine Sfeir et Abdel Wahab Meddeb analysent le Printemps des pays arabes. Finesse et nuances. Mea culpa et interrogations. Antoine Spire orchestre les échanges avec sensibilité et un immense talent.

- Je suis passée par là et j'ai trouvé ce débat très mauvais, vocifère avec la naïve arrogance d'une jeunesse privée d'incertitude,  une étudiante d'origine tunisienne, froissée par l'analyse des participants sur le danger de l'intégrisme éventuel en pays musulman. Je reviens de Tunisie. Ce n'est pas notre problème. Nous avons d'abord à penser à la vie quotidienne.

C'est vrai. La vie quotidienne. Le danger intégriste est-il absent pour autant? Incompréhension. Mots échangés. Mots croisés. Apprentissage et connaissance. Mots différents d'une génération à une autre. Mots impossibles d'une culture à une autre. Qu'est-ce donc que ce mot laïcité qui ne se traduit pas en anglais, sinon par séculier? explique Antoine Sfeir.

Un autre jour, c'est Guy Debord qui revient hanter les esprits sans les salons de l'Aubette.

Ironie des situations! Ses exégètes réclameraient presque un entartage. N'est-ce pas trahir Debord que de se plier au conformisme des présentations académiques? Souvenir. Souvenir...Tracts distribués à l'entrée du restau U de Paul Appell. Slogans aux fascinantes apories. C'est hier que l'on brade. Hier pourtant tellement neuf et non encore totalement décrypté. Odeur de poussière des facs occupées. Et Célestin, l'illustre clochard (on ne disait pas encore SDF), devenu notre doyen, à la fac de lettres. Debord a encore de beaux jours devant lui...

Mots oubliés et revenus tout à coup, et, au milieu, ceux de Bernard Comment. Mots discrets glissés dans ce recueil  qui vient d'être honoré du Goncourt des nouvelles. "Tout passe".

Un livre en écriture camaïeu sur la transmission. Presque perdu dans le brouhaha des mots qui secouent le vieux monde avec nous.

Image 1 où les mots volent au vent, empruntée à ce site