Les créationistes sont-ils dangereux?

Publié le 24 février 2008 par Timothée Poisot

J’avais l’autre jour une discussion assez intéressante sur les dangers du créationisme, suite au lancement d’un journal destiné à promouvoir ces thèses, et j’en suis arrivé à me poser une question toute simple : sont-ils dangereux? L’existence de leur courant de pensée représente t-elle un risque pour la science, et surtout son enseignement?

J’entend par “créationiste” tout personne approuvant (même tacitement) Genèse 1 : Le premier jour, dieu créa le ciel et la terre et ce qui s’ensuit. Je ne fais pas de différence entre modérés et young earth creationists (qui pensent que la terre a 4000 ans). Par la même occasion, même si c’est vrai pour la plupart d’entre eux, je ne considère pas que les religieux et croyants (principalement catholiques) soient des créationistes. Pour faire simple, le créationiste dont je parle, c’est celui qui croit que dieu est à l’origine de tout, et qui sur cette base attaque la théorie de l’évolution.

Ceux-là, donc, sont probablement psychologiquement diminués, mais en sont-ils pour autant dangereux? J’ai du mal à dire que oui, pour plusieurs raisons.

D’une part, ils ont une motivation essentiellement religieuse, ancrée dans un tissu dogmatique plus vaste. Ils sont donc moins susceptibles de toucher un public large (un public ouvert à leurs idées). Ils peuvent, dans une certaine mesure, conduire ceux de leur secte à rejeter aussi la théorie de l’évolution, mais je doute de leur impact réel (à moins que les dirigeants ou enseignants ne partagent leurs croyances, mais j’y reviens).

Second point, scientifiquement parlant, ils ne valent rien. Parce que leur argumentaire repose sur de la croyance (et c’est plus un credo qu’un argumentaire) et non des faits, mais aussi parce qu’ils attaquent des faits scientifiques sans aucun matériel contradictoire solide (le répugnant Atlas de la création de Harun Yahya est particulièrement relevant de cette tendance).

Faut-il pour autant les laisser dire? Je ne pense pas. Je considère que le créationisme est un sous-ensemble de la religion, vers laquelle il tend a se diffuser. Dans des pays ayant une culture religieuse forte (la France tombe dans ce cas — pour combien de temps encore l’état sera t-il séparé de l’église?), la niche écologique des créationistes est déjà faite.

Il y a donc un risque que la doctrine créationiste s’impose, non pas parce qu’il aura été prouvé qu’elle est scientifiquement valide (parce qu’entendons nous sur ce point, ça n’arrivera jamais), mais parce qu’elle sera devenue l’intime conviction de chacun. Enseignants, dirigeants, et autres.

Vous me ferez remarquer qu’il y a peu de chances qu’une doctrine aussi radicale et moyen-âgeuse que le créationisme s’impose de cette manière. J’accepte l’objection, mais laissez moi finir. Il faut considérer la possibilité de voir des religieux intégristes (tout au moins très proches des textes) occupe des poste-clés, enseigner, etc. Hors ce cas particulier, il faut s’intéresser à toutes les formes de soft-creationism, qui forment pratiquement un continuum entre créationisme pur et dur et… sciences de l’évolution!

C’est à mon avis les partisans de ces causes qui représentent le plus grand danger à l’heure actuelle: ceux qui croient en un “sens de l’évolution”, qui soutiennent la théorie du dessein intelligent, les néo-Teilhardiens, et autres.

Pourquoi, alors que leurs thèses sont assez proches de celles défendues par les créationistes (existence d’un designer, par exemple), ont-ils plus de chances de connaître le succès?

La première raison est assez évidente. Bien que ceux qui les soutiennent soient souvent des religieux fondamentalistes, les partisans de ces théories ont une approche moins religieuse. Mystique, spiritualiste, certes, mais pas nécessairement religieuse.

Deuxième point, plus on s’enfonce dans la pseudo-science en s’éloignant du créationisme, plus on rencontre d’arguments “solides”. Autrement dit, d’arguments qui demandent une analyse pour être réfutés. Ou pire (et plus courant encore), des arguments qui interprétés correctement prouveraient la justesse de la théorie de l’évolution (ou plus précisément le fait que leur utilisation pour la réfuter est inapproprié), mais présentés de manière à faire passer la théorie de l’évolution comme une gigantesque mascarade (les séides du Discovery Institute sont très doués à ce petit jeu).

Comment éviter la progression de ces idées?

La première solution va encore faire dire à certains que je suis un vilain athée anti-religieux de base (ce qui n’est, à tout prendre, pas loin de la vérité). S’il est impensable qu’une personne ne croyant pas en dieu devienne un jour prêtre, peut-on concevoir qu’une personne qui soutienne l’idée d’un dieu créateur puisse enseigner les sciences de la vie? Vous voyez, vous hurlez à la discrimination. Ce n’est pas la solution que je recommande (c’est même la pire).

La solution qui me semble idéale, c’est la sensibilisation. L’enseignement. Que les scientifiques se mobilisent pour faire comprendre à la société que les théories pseudo-scientifiques qu’on propose, c’est bullshit. Plutôt que d’interdire l’enseignement des thèses créationistes et néo-dessein inteligent dans les écoles, pourquoi ne pas consacrer du temps à montrer en quoi elles sont fallacieuses et ne tiennent pas debout?

Si je me souviens bien de mes années lycée, la terminale S a une séquence qui me semble adaptée à ce type de réflexions…

Nota: Ecrit entre deux trains, en retournant au labo, d’où le manque de liens. L’auteur de ces lignes renouvelle son soutien aux partisans de la théorie du Flying Spaghetti Monster. Don’t give up.